vendredi, novembre 8, 2024

Les Québécois déposent des plaintes pour « harcèlement psychologique » en vertu des nouvelles règles de la loi 101

Les changements permettent aux travailleurs de déposer des griefs s’ils estiment avoir été pénalisés parce qu’ils ne parlent pas une langue autre que le français

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Des dizaines de Québécois se sont prévalus des nouvelles dispositions de la loi 101 leur permettant de déposer des plaintes pour discrimination et « harcèlement psychologique » présumés au travail.

Le gouvernement du premier ministre François Legault a élargi la procédure de plainte en 2022, affirmant vouloir protéger les travailleurs, particulièrement ceux qui maîtrisent peu ou pas une langue autre que le français.

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Le harcèlement psychologique peut inclure des cris, des insultes, de la violence verbale et physique, de l’intimidation, des menaces et des « incivilités vexatoires », selon l’Agence de la santé et de la sécurité du travail du Québec.

En vertu d’un nouveau mécanisme, cette agence — la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail — enquête sur certaines plaintes liées à la langue française.

Trente-trois Québécois ont déposé des plaintes alléguant que leurs employeurs ont exercé des représailles contre eux en raison de leur manque de maîtrise d’une autre langue, selon des chiffres obtenus par The Gazette via une demande d’accès à l’information.

Cinq autres personnes ont déposé des plaintes accusant leurs employeurs de les discriminer ou de les harceler psychologiquement en raison de leur incapacité à parler une langue autre que le français.

Les chiffres couvrent deux années se terminant en juin 2024.

Les règles de plainte ont été ajoutées à la Charte de la langue françaisecommunément appelée loi 101, en juin 2022. C’est à ce moment-là que l’Assemblée nationale a adopté le projet de loi 96, la plus grande refonte de la réglementation linguistique depuis l’adoption de la loi 101 en 1977.

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Des 38 plaintes :

  • 12 ont été retirées par les plaignants.
  • Sept d’entre eux ont été réglés à l’amiable.
  • Sept d’entre eux ont été jugés irrecevables.
  • Six ont été transférés au Tribunal administratif du Québec, un tribunal quasi judiciaire.
  • Cinq dossiers sont encore en cours de traitement.
  • L’un d’eux a été fermé parce que le plaignant n’était pas joignable.

La CNESST traite désormais deux types de plaintes.

L’une d’elles concerne des travailleurs qui affirment avoir subi des représailles ou avoir été sanctionnés « pour la seule raison que le (salarié) est exclusivement francophone ou n’a pas une connaissance suffisante d’une langue donnée autre que la langue officielle ».

La deuxième s’adresse aux travailleurs qui estiment avoir subi du harcèlement ou de la discrimination au travail à l’égard d’une langue autre que le français.

Les travailleurs peuvent déposer une plainte si, par exemple, ils sont pointés du doigt parce qu’ils sont unilingues francophones ou qu’ils ne maîtrisent pas une autre langue que le français.

Le libellé de la nouvelle loi 101 fait simplement référence au harcèlement. Or, dans ses documents internes, la CNESST utilise le terme « harcèlement psychologique ».

L’agence définit la discrimination comme « l’acte de traiter une personne différemment en raison de ses caractéristiques personnelles ».

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Le harcèlement psychologique est « tout comportement vexatoire se manifestant par des conduites, des propos verbaux, des actes ou des gestes répétés et hostiles ou non désirés, qui portent atteinte à la dignité ou à l’intégrité psychologique ou physique d’un employé et qui entraîne un environnement de travail préjudiciable pour l’employé. »

Le projet de loi 96 a élargi les responsabilités des employeurs et les droits des travailleurs.

Les changements visent à donner aux travailleurs le « droit à un environnement de travail exempt de discrimination ou de harcèlement lié à l’usage du français ou à la revendication d’un droit découlant de la Charte de la langue française », a indiqué le gouvernement de la Coalition Avenir Québec.

En 2022, Simon Jolin-Barrette, alors ministre de la Langue française, a déclaré devant une commission de l’Assemblée nationale que ces mises à jour protégeraient les travailleurs contre des « mesures de rétorsion ».

Cela pourrait inclure « un licenciement, un harcèlement, une réduction de salaire, un licenciement déguisé, toute mesure liée à l’environnement de travail (ou) empêchant un employé de recevoir une promotion, le déménagement de ses locaux — toute mesure que vous pouvez considérer comme entraînant des conséquences liées à l’action que vous avez entreprise. »

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Jolin-Barrette a cité en exemple un employé rétrogradé ou congédié pour avoir travaillé à la protection du français en milieu de travail.

« Disons que je suis (un employé qui) a participé au comité de francisation de mon entreprise, qui compte 100 employés et plus, a-t-il expliqué. Mon employeur me rétrograde ou me congédie parce que j’ai participé au comité de francisation. À ce moment-là, je porte plainte à la CNESST (et) la CNESST prend ma cause en main. »

Les comités de francisation sont légalement obligatoires dans certaines entreprises. Il s’agit de comités internes chargés d’assurer l’usage généralisé du français.

Jolin-Barrette est désormais ministre de la Justice du Québec.

Une communication interne obtenue par The Gazette montre qu’en avril 2023, la CNESST s’est penchée sur la question de savoir comment traiter une plainte d’un employé d’une entreprise sous réglementation fédérale au Québec.

Le nom ou le type de société concernée n’est pas mentionné, mais la catégorie comprend des entreprises impliquées dans les secteurs bancaire, des transports et des télécommunications.

Finalement, les employés de la CNESST ont été avisés d’accepter ces plaintes et de laisser les tribunaux décider si elles sont applicables.

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« Jusqu’à nouvel ordre, une entreprise de compétence fédérale peut faire l’objet d’une plainte déposée » en vertu de la Charte de la langue française, a indiqué la CNESST aux salariés dans une note de service de juillet 2023.

« Puisque l’application de la compétence en matière de plaintes pour pratiques interdites et harcèlement psychologique ou sexuel en vertu de la Charte est controversée, il reviendra au tribunal de trancher cette question. La Commission doit accepter une telle plainte afin de préserver les droits de l’employé. »

Il s’agit de la deuxième demande d’accès à l’information déposée par The Gazette au sujet de l’effet du projet de loi 96 sur les plaintes linguistiques.

En juin, La Gazette a rapporté que des plaintes officielles concernant des violations présumées de la charte linguistique Les plaintes ont augmenté depuis que le projet de loi 96 a ouvert la porte aux griefs anonymes, en partie pour encourager les lanceurs d’alerte à se manifester.

En 2023-2024, 9 125 plaintes ont été déposées, soit une augmentation de 45 % par rapport à deux ans plus tôt, lorsque les plaignants devaient fournir leur nom, selon les données obtenues à la suite d’une demande d’accès à l’Office québécois de la langue française.

Le gouvernement Legault a invoqué de manière préventive la clause dérogatoire de la Constitution pour protéger le projet de loi 96. Cette clause permet aux gouvernements de passer outre certains droits fondamentaux prévus dans la Charte des droits et libertés.

Plusieurs poursuites judiciaires affirmant que le projet de loi 96 est inconstitutionnel sont en cours devant les tribunaux.

Legault a déclaré que ces changements étaient nécessaires parce que la langue française était menacée. Les groupes anglophones estiment que ces mesures sont excessives.

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