La désinformation n’est pas un problème nouveau, mais de nombreux éléments indiquent que l’avènement des médias sociaux a aggravé la situation. Les chercheurs universitaires ont réagi en essayant de comprendre l’ampleur du problème, en identifiant les réseaux sociaux les plus remplis de désinformation, les efforts organisés par le gouvernement pour diffuser de fausses informations, et même les personnalités éminentes qui sont à l’origine de la désinformation.
Toutes ces données sont potentiellement précieuses. Mais cela passe sous silence une autre contribution majeure : celle des individus lambda qui, pour une raison ou une autre, semblent inspirés à diffuser de la désinformation. Une étude publiée aujourd’hui examine un large panel de comptes Twitter associés à des électeurs basés aux États-Unis (le travail a été effectué à l’époque où X était encore Twitter). Il identifie un petit groupe de diffuseurs de désinformation, qui ne représentent que 0,3 % des comptes mais sont responsables du partage de 80 % des liens vers des sites de fausses informations.
Même si l’on pourrait s’attendre à ce qu’il s’agisse d’individus jeunes, connaisseurs d’Internet et qui automatisent leur partage, il s’avère que cette population a tendance à être plus âgée, féminine et très, très encline à cliquer sur le bouton « retweet ».
Trouver des superépandeurs
Le travail, réalisé par Sahar Baribi-Bartov, Briony Swire-Thompson et Nir Grinberg, s’appuie sur un panel de plus de 650 000 comptes Twitter associés aux inscriptions électorales aux États-Unis, en utilisant les noms complets et les informations de localisation. Ces registres de vote fournissent à leur tour des informations sur les individus, ainsi que des informations de localisation qui peuvent être associées aux données démographiques moyennes de cette circonscription électorale. Tous ces utilisateurs étaient actifs sur la plateforme à l’approche des élections de 2020, même si l’étude s’est arrêtée avant la montée de la désinformation après les élections.
Les chercheurs ont d’abord identifié les tweets de ces utilisateurs contenant du contenu politique, à l’aide d’un classificateur d’apprentissage automatique préalablement validé par la vérification de leurs appels par des humains. Les chercheurs se sont concentrés sur les tweets contenant des liens vers des sites d’information. Ces liens ont ensuite été comparés à une liste de sites Web « d’information » connus pour diffuser des informations erronées sur les élections.
Cette approche comporte quelques réserves. Les chercheurs ne peuvent pas confirmer si l’électeur en question avait un contrôle total (ou un contrôle quelconque) sur son compte pendant la saison électorale. Et l’exactitude des histoires individuelles derrière les liens partagés n’a pas été testée. Ainsi, même si ces sites ont pu être des sources constantes de désinformation, il est toujours possible qu’ils aient publié des articles précis qui ont été partagés. Néanmoins, en raison de la taille de la population vérifiée et du nombre correspondant de tweets, il est peu probable que ce soient des considérations majeures.
Parmi cette population, Baribi-Bartov, Swire-Thompson et Grinberg identifient seulement 2 107 comptes responsables de 80 % des tweets renvoyant à des sources de désinformation. Ils les appellent des superpartageurs de désinformation (nous utiliserons les superpartageurs et les superdiffuseurs de manière interchangeable). Pour les analyses qu’ils effectuent, les superpartagers sont comparés à un échantillon aléatoire de la population totale et aux plus gros partageurs de liens vers des sources d’information fiables.