jeudi, janvier 30, 2025

Les femmes en Bretagne : l’importance de la lignée maternelle dans la possession des terres il y a 2000 ans.

Une étude menée par Lara Cassidy et Miles Russell révèle que dans le groupe celte des Durotriges, les hommes emménageaient chez leur épouse après le mariage, faisant preuve d’une matrilocalité répandue. Les résultats génétiques d’analyses de sépultures montrent que les femmes détenaient un statut élevé, tandis que la lignée et la propriété étaient transmises par le biais maternel. Cette organisation sociale est corroborée par des recherches sur des sociétés contemporaines où les femmes possèdent et gèrent des terres.

Dans une relation où les partenaires vivent séparément, une question cruciale émerge : l’un d’eux va-t-il déménager par amour ? Et si oui, qui prendra cette décision ?

Pour le groupe celte des Durotriges, qui habitait le sud de l’Angleterre il y a environ 2000 ans, la réponse était sans équivoque : c’est l’homme qui changeait de résidence, tandis que la femme restait sur ses terres, héritées de sa mère.

C’est la conclusion à laquelle sont parvenus la généticienne Lara Cassidy de l’université de Dublin et l’archéologue Miles Russell de l’université de Bournemouth, en analysant des restes humains découverts dans un cimetière du Dorset. Leurs résultats, publiés dans la revue scientifique « Nature », montrent que la pratique de cette matrilocalité était largement répandue en Bretagne à cette époque.

Un leadership féminin face aux Romains

La Bretagne à l’âge du fer, période s’étendant d’environ 800 av. J.-C. jusqu’à la conquête romaine, était habitée par divers groupes celtiques. Lors de l’invasion romaine en 43 apr. J.-C., certaines tribus ont choisi de collaborer, tandis que d’autres se sont rebellées. En 60 apr. J.-C., une révolte majeure a été orchestrée par Boudica, reine des Iceni.

Boudica est l’une des deux figures féminines reconnues historiquement en Bretagne à cette époque, l’autre étant Cartimandua, qui dirigeait les Brigantes dans le nord de l’Angleterre. Cela démontre que les femmes pouvaient accéder à des postes de pouvoir. Plusieurs auteurs anciens relatent que les femmes celtiques avaient le droit d’hériter, de divorcer et même de commander des armées.

Cependant, il est important de noter que les récits historiques ne doivent pas être pris pour des vérités absolues, car ils peuvent souvent être teintés d’une perspective sensationnaliste destinée à impressionner un public patriarcal romain, présentant les Bretons comme un peuple primitif avec des femmes aussi farouches.

Analyse génétique des sépultures des Durotriges

Les découvertes archéologiques révèlent le statut élevé de nombreuses femmes, car les tombes les plus riches de l’époque contenaient souvent des dépouilles féminines. Cependant, peu de sépultures celtiques en Bretagne ont survécu. Les chercheurs de l’étude récente soulignent que les pratiques funéraires de cette époque n’ont peut-être pas été suffisamment identifiables dans les données archéologiques.

Une exception notable est celle des tombes des Durotriges, qui ont choisi d’enterrer leurs morts plutôt que de les incinérer, en position fœtale. L’un de leurs cimetières à Winterborne Kingston, utilisé entre 100 av. J.-C. et 100 apr. J.-C., révèle que les sépultures les plus riches appartenaient souvent à des femmes, un fait déjà connu auparavant.

Les chercheurs ont réussi à extraire les génomes de 55 individus provenant des restes de ce site et de deux autres tombes des Durotriges. Ils ont analysé, entre autres, l’ADN mitochondrial, qui se transmet uniquement par la mère.

Des liens familiaux révélés par l’ADN

Les haplogroupes peuvent être définis par certaines séquences génétiques, permettant d’identifier des ancêtres communs. Les généticiens peuvent même déterminer le temps écoulé depuis cet ancêtre commun.

Dans les tombes du Dorset, Cassidy et son équipe ont découvert plusieurs individus partageant le même haplogroupe mitochondrial : une femme adulte, sa fille et ses petites-filles étaient toutes inhumées ensemble, probablement aussi un arrière-petit-enfant issu d’un autre homme.

Sur 40 individus, 30 avaient au moins un parent au septième degré ou plus proche, suggérant un large groupe familial. La majorité d’entre eux descendaient d’une seule femme ayant vécu des siècles auparavant.

En revanche, les individus masculins présentaient une grande diversité génétique. Pour six d’entre eux, aucun lien de parenté n’a pu être établi. Quatre de ces six individus ont été enterrés selon les coutumes des Durotriges, souvent avec des objets en céramique locale, indiquant leur intégration au sein du groupe.

Cette découverte a conduit les archéologues à conclure qu’un aspect fondamental de l’organisation sociale était en jeu : « Les maris rejoignaient la communauté de leur épouse après le mariage », résume Cassidy. « La terre pouvait être transmise par la lignée féminine. » C’est la première fois qu’un tel système est prouvé dans l’histoire préhistorique européenne.

Matrilocalité et matrilinéarité : définition et implications

Les sociologues définissent la matrilocalité comme la pratique où les partenaires emménagent chez la mère de la femme. Cela peut s’accompagner d’un ordre matrilinéaire, où le statut et la propriété sont transmis uniquement par la lignée maternelle.

« L’association de la matrilocalité avec des sociétés où les femmes gèrent et possèdent des terres est corroborée par des recherches anthropologiques sur des sociétés contemporaines, comme les Mosuo en Chine », explique Alissa Mittnik, archéologue impliquée dans l’étude.

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