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Ces mots sonnent comme quelque chose qu’Andy Warhol aurait pu dire (en fait, il a dit quelque chose comme ça). En effet, Les contrefacteurs (Les Faux-monnayeurs) est profondément troublant à plusieurs niveaux, en particulier lorsqu’il est lu dans le climat sociopolitique actuel de Me-Too et Time’s-Up, bien que la pédérastie ait été considérée comme mauvaise bien avant cela. André Gide, un défenseur public de peder
Ces mots sonnent comme quelque chose qu’Andy Warhol aurait pu dire (en fait, il a dit quelque chose comme ça). En effet, Les contrefacteurs (Les Faux-monnayeurs) est profondément troublant à plusieurs niveaux, en particulier lorsqu’il est lu dans le climat sociopolitique actuel de Me-Too et Time’s-Up, bien que la pédérastie ait été considérée comme mauvaise bien avant cela. André Gide, défenseur public de la pédérastie, précise abondamment dans ses carnets que son protagoniste dans cet ouvrage, Edouard, n’est qu’une version très légèrement voilée de lui-même. Quand on se plonge dans la biographie de Gide, on retrouve un passé très troublant, avec de nombreuses liaisons sexuelles avec de jeunes garçons (parfois en compagnie d’Oscar Wilde). Gide a remporté le prix Nobel de littérature en 1947, ce qui, pour ceux d’entre nous qui croyons aujourd’hui au consentement et s’opposent à l’abus de pouvoir, semble extraordinairement problématique. Mais, bien sûr, le prix Nobel de la paix a été décerné à des bellicistes et les récompenses sont généralement dénuées de sens de toute façon, un mélange de politique et de favoritisme, pas toujours mais souvent dénué de mérite. Il y avait quelque chose de plus répugnant dans l’idée d’un homme d’âge moyen tombant amoureux et couchant avec son neveu adolescent, sachant surtout que l’art ici était vraiment une représentation de la vie réelle de l’auteur.
Cela peut sembler une raison suffisante pour rejeter Les contrefacteurs et des œuvres similaires de Gide comme L’immoraliste, tout comme d’autres l’ont fait dans leurs lectures de Nabokov (LolitaHumbert Humbert est à bien des égards l’équivalent d’Edouard dans cette œuvre, tout comme Charles Kinbote dans Feu pâle; L’endettement de Nabokov envers les thèmes et le style de Gide a été noté dans quelques morceaux de critique littéraire). La fin choquante, avec un peu de Melville Billy Budd, pourrait également détourner beaucoup de ce travail, s’ils le font jusqu’ici. J’avoue que j’ai failli poser l’ouvrage, et je l’aurais très probablement fait s’il était explicite dans son traitement des relations entre Edouard et son neveu Olivier, et plus tard son neveu et le corrupteur comte de Passavant.
Mais (et c’est là que c’est délicat), alors que l’œuvre dérange et repousse plus d’un lecteur (surtout le lecteur moderne), elle a un merveilleux attrait stylistique (tout comme les œuvres de Nabokov), que sinon pour son contenu et sachant que c’était en grande partie autobiographique et aurait justifié une critique cinq étoiles. Ajoutez un peu de Balzac (« peut-être notre plus grand romancier », écrit Gide dans ses journaux ; il y aurait eu beaucoup plus de Balzac si Gide avait écrit le livre tel qu’il avait été conçu à l’origine, mettant en évidence Lafcadio, un personnage de ses premières œuvres), une touche de Cervantes, un peu de Saint-Simon, un peu de Stendhal, et un mélange d’idées philosophiques et psychologiques (nationaliste, catholique, socialiste, freudien, William James) et mélangez-le vigoureusement et vous obtiendrez peut-être quelque chose comme Les contrefacteurs.
UNE mise en abîme, l’histoire raconte d’Edouard le jeune artiste, écrivant un livre intitulé Les contrefacteurs, tenant un journal qui mélange des éléments de sa vie avec des idées sur son art. Un peu comme des films comme Citoyen Kane et Rashomon l’histoire nous présente aussi des points de vue divers, parfois contradictoires, car elle tisse une sorte de récit du bien et du mal, la décadence des mœurs bourgeoises (Gide est autant sinon plus un moraliste), une philosophie de de l’art. Nous entendons parfois parler d’un narrateur omniscient enjoué (semblable au style de Kundera dans l’insoutenable légèreté de l’être, mais pas aussi précieux ; à la fin de la partie II, vers la moitié du livre, le narrateur [Gide himself?] des pauses pour réfléchir sur les personnages, comment ils se sont développés d’eux-mêmes, ce qu’il pense qu’ils peuvent devenir, quels regrets il a de la manière dont ils sont apparus, etc.), d’autres fois à travers des lettres et des notes de journal des personnages (rappelant de Bram Stoker’s Dracula).
Dans ses journaux pour Les contrefacteurs, Gide, ce champion de l’individualisme (à la Whitman, Rimbaud, Nietzsche), fait connaître son aversion pour le style de Tolstoï. Et je n’ai pas pu m’empêcher de penser en le lisant que Tolstoï aurait très probablement trouvé ce travail répugnant. A Tolstoï (comme expliqué dans son Qu’est-ce que l’Art ?), le bon art puise dans une éthique chrétienne et dans des sentiments de fraternité universelle. Je ne suis pas tout à fait d’accord avec cela, mais il est évident que ces éléments manquent au roman de Gide.
En somme, je ne dirais pas que Tolstoï était un homme qui aimait rassurer ses lecteurs, mais il le fait plus qu’il ne dérange, telle était sa philosophie. Dans des œuvres comme Résurrection ses critiques de la société sont accablantes, même s’il conclut par une philosophie sur la façon de rendre le monde meilleur. Gide et Tolstoï rejettent tous deux la tradition religieuse dans laquelle ils ont été élevés (Église orthodoxe russe pour Tolstoï, calvinisme pour Gide). Et les deux (je le sais mieux avec Tolstoï, ayant lu un grand nombre de ses ouvrages, mais l’ayant lu à propos de Gide) ont continué à avoir des dialogues religieux dans leurs œuvres, alors que leurs personnages étaient aux prises avec des questions de foi, de Dieu, de morale et de questions de le Bien et le Mal. Tolstoï s’est installé sur une marque d’anarchisme chrétien et Gide finalement sur l’athéisme, expliquant peut-être certaines de leurs différences fondamentales. Pour Tolstoï, l’homme doit se tourner vers Dieu et suivre les appels de sa conscience ; car l’homme de Gide doit partir au large, abandonner le rivage à la recherche de quelque chose de vrai en lui. Gide n’était peut-être pas un bon artiste aux yeux de Tolstoï. Et pour la même raison, beaucoup rejetteraient cet auteur moral pour cause d’immoralité. Et personne ne pouvait vraiment leur en vouloir. Son travail a de forts mérites stylistiques et son influence est notable (comme mentionné tout au long), mais en lisant cette œuvre (et il en va de même pour d’autres œuvres de lui, j’en suis assuré), il faut être prêt à être dérangé, très profondément dérangé. Est-ce que c’est du bon art ? Je ne sais pas vraiment. Il y a beaucoup de déplaisants dans ce travail (peut-être un peu trop). Mais, alors, la même chose pourrait être dite pour de nombreuses tragédies grecques et œuvres de Shakespeare (que Tolstoï ne considérait pas comme du bon art). Et pourtant, stylistiquement et thématiquement, il y a aussi beaucoup à admirer. Ne vous attendez pas à grand-chose en termes de réassurance.
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