Les étapes de la pourriture d’Eden Tijerina – Critique de Georgia Ashworth


La nuit est dessinée à travers le ciel d’hiver comme un ciment, sans étoiles et étrange.

Je ne peux pas dire si le vide béant devant moi est un poids insurmontable ou une sorte de miséricorde accordée par une entité lointaine. C’est quelque chose dans lequel je pourrais m’enfoncer, quelque chose qui caresse mon corps et reconnaît ma voix tandis que la folie creuse des crochets dans mes endroits mous. Il ne sait pas comment me laisser partir, et je ne sais pas qui je serais si jamais il le faisait.

Dans cette étreinte, il y a au moins la familiarité. J’en connais la forme : la façon dont le ciel du plafond de la cathédrale s’arque au-dessus de ma tête, semblant à la fois sans fin mais pas assez loin pour échapper à votre attirance. Dans le vide de ce passage entre des lieux inconnaissables, des couloirs sans fin et des autoroutes s’étalent, le tout s’effondrant dans le vide comme une étoile mourante. Au-delà d’un pavage infini de portes et de formes angulaires, se cache un catalogue de souvenirs qui se replient toujours sur eux-mêmes. Des griffes de barbes acérées comme des rasoirs, qui rétrécissent sans cesse, mais ne disparaissent jamais complètement.

Est-ce ce qui se passe ? Une force déformant la perception pour me permettre une vision de moi-même en train d’être séparé ? Je le vois quand je ferme les yeux : le rien en spirale qui surmonte tout le reste. Il se moque de moi, m’appelle, une mère primordiale qui parle de peau et d’os, de sang et de sacrifice. Toujours sacrifier.

Je sais que cette scène est un rêve, mais l’ampleur de ce qui se déroule devant moi s’étend au-delà des rêves, dévorant ma réalité et m’attirant à l’intérieur.

L’esprit qui garde cet endroit – celui qui porte ton visage – me touche avec tes doigts et me chuchote des directives alors que mon esprit éveillé n’a que le silence à revendiquer.

Je me tiens devant la gueule immense d’une grande et terrible machine. Une chose insensée et rapace, se gaver de la substance du monde actuel. Je me rends compte que c’est une vaste incarnation de la mort qui me fait signe, et je sais que vous êtes là aussi, d’une manière ou d’une autre.

À travers ces rêves, vous prenez différentes formes. Merle déchu, grand serpent mécanique, enfant difforme, attendant toujours que je vous invite, mon beau signe avant-coureur de choses mortes et mourantes.

Et je le fais toujours.

Mes mains sont des oiseaux nerveux, elles jouent les notes d’une berceuse pour ce lieu des âmes perdues. Ce monde, enveloppé d’ombre, trop sombre pour que Dieu le voie.

Merle, merle

Argent, serpent bouillonnant.

Bébé brisé, vêtu de rouge avec un ruban de mouches enroulé autour’…

Vous êtes un changeling, un caméléon au cœur de fer. Souvent, vous êtes sans forme.

Pourtant… je garde mes souvenirs de nous. Chacun un cadeau amer et définitif, dont je suis le seul gardien.

Je pense à vous.

Toi, enterré sous terre, dans le diorama silencieux d’un cimetière.

Toi, qui me souris dans le reflet du miroir de notre salle de bain, alors que je regarde ton visage à travers la vapeur et les lingettes de rasage. Le léger tremblement du rasoir lorsqu’il passe de votre cou à votre mâchoire.

Vous, à divers stades de pourriture.



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