La transition vers l’énergie propre implique certains marchés où nous avons des solutions qui ne posent aucun problème (plus d’éolien et de solaire, s’il vous plaît) mais aussi des casse-tête. Le transport maritime appartient à cette dernière catégorie. À moins d’un retour à la navigation, ces navires continueront d’avoir besoin de carburants à densité énergétique relativement élevée pour transporter à moindre coût des marchandises sur de longues distances. Alors, comment assainir une industrie qui fonctionne au mazout lourd?
Une nouvelle étude menée par Boris Stolz et Maximilian Held à l’ETH Zürich analyse les options plausibles pour la flotte de cargos qui opèrent en Europe. L’idée des chercheurs était de prendre des données de navigation réelles de 2018 et de calculer l’impact du changement du système de propulsion de chaque navire. Pour les navires transportant de lourdes charges, Stolz et Held ont établi une référence de ne pas abandonner plus de 3% de la cargaison des navires afin d’installer des systèmes de propulsion potentiellement sans émissions. À partir de là, les chercheurs ont découvert combien de voyages pouvaient encore être effectués et à quel prix.
Options renouvelables
L’équipe a évalué des systèmes de propulsion utilisant de l’hydrogène, de l’ammoniac, du méthane, du méthanol et du diesel, tous fabriqués à partir de matières premières renouvelables et utilisant de l’électricité propre. Cela inclut l’approvisionnement en carbone pour le méthane, le méthanol ou le diesel à partir du CO atmosphérique capturé2. Les chercheurs ont également envisagé des moteurs à combustion interne et deux types de piles à combustible (membrane échangeuse de protons ou oxyde solide) avec des moteurs électriques pour transformer ces combustibles en mouvement. Des batteries lithium-ion étaient également incluses.
Ces scénarios sont spéculatifs à des degrés divers, étant donné que la plupart reposent sur des technologies immatures à un moment donné. La spéculation est particulièrement forte en ce qui concerne leurs prix. Par exemple, la capture du carbone atmosphérique en est à ses balbutiements, avec seulement une poignée d’usines de démonstration en activité dans le monde, ce qui la rend assez coûteuse.
L’étude tente de tenir compte de l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement plutôt que seulement de l’équipement nécessaire sur le navire. Cela signifie que la quantité d’électricité nécessaire pour produire chaque carburant a un impact sur le coût, ainsi que sur les besoins de stockage et de transport (ce qui est plus délicat pour l’hydrogène et le méthane).
En tenant compte d’une réduction de 3 % du fret et en supposant que les navires ne transporteraient que la quantité de carburant dont ils ont besoin, le nombre de voyages maritimes en 2018 pouvant être traités (sans s’arrêter pour se recharger/faire le plein) variait. Les batteries lithium-ion actuelles ne pourraient couvrir qu’un petit nombre de voyages, bien que d’éventuelles avancées en matière de batteries pourraient rapprocher ce nombre de la moitié.
Les carburants chimiques sont considérablement plus denses en énergie que les batteries, de sorte que l’hydrogène liquéfié convenait à environ 93 % de ces voyages. L’ammoniac, le méthane, le méthanol et le diesel ont chacun éliminé 99 %. Et si vous vous étirez pour permettre une réduction de 6 % du fret, même l’hydrogène peut atteindre 99 % du transport maritime.
Une question de prix
La faisabilité technique de base est assez bonne, avec des compromis gérables. Le véritable obstacle est le coût. Beaucoup de ces technologies n’ont pas encore été mises à l’échelle, donc toute analyse minutieuse montrera qu’elles sont beaucoup plus chères que le carburant et les moteurs actuellement disponibles. Les chercheurs estiment le coût total de possession à court terme à environ deux à six fois plus grand. En l’absence de subventions publiques généreuses, ce ne serait pas un investissement financier.
Le coût élevé n’est pas gravé dans le marbre, cependant – si les prix baissent à mesure que les technologies arrivent à maturité, le coût n’est pas nécessairement l’obstacle qu’il pourrait sembler.
Parmi les options de carburant, l’ammoniac se distingue comme le moins cher, tandis que le diesel renouvelable est le plus cher. Bien que ce ne soit pas le seul facteur de coût, il existe des différences significatives dans la quantité d’électricité nécessaire pour produire chacun d’eux – certains combustibles permettent des conversions relativement efficaces de l’énergie électrique en énergie chimique.
L’hydrogène fabriqué en divisant l’eau semble bon sur cette mesure, mais cette économie est compensée par le coût de stockage et de transport de ce carburant. L’ammoniac a une efficacité similaire – il serait produit à partir d’hydrogène et d’azote atmosphérique – et est beaucoup plus facile à transporter. Les chercheurs mettent en évidence l’ammoniac et le méthanol comme les deux options les plus prometteuses dans cette analyse.
Si ces carburants étaient pleinement adoptés, une quantité substantielle d’électricité serait nécessaire pour en produire suffisamment. L’analyse montre que cette nouvelle industrie augmenterait la consommation d’électricité en Europe d’environ 4 à 8 %. (À titre de comparaison, l’industrie du transport maritime est actuellement responsable d’environ 3 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre.)
Construire plus de production d’énergie renouvelable pour répondre à cette demande est assez simple. Mais ces technologies de carburant doivent évoluer vers des industries matures avec des coûts bien inférieurs. Si cela se produit, se débarrasser du fioul lourd fossile n’est peut-être pas si lourd.
Nature Energy, 2020. DOI : 10.1038/s41560-021-00957-9 (À propos des DOI).