L’article aborde le cas des jumelles Lulu et Nana, nées en 2018 grâce à des modifications génétiques par He Jiankui, condamné par la suite pour ses pratiques éthiquement contestables. Depuis sa libération, il cherche à publier ses travaux dans des revues prestigieuses, malgré leur rejet par des publications comme « Nature » et « Jama ». Des experts, comme Kiran Musunuru, s’inquiètent des implications de l’expérience sur la santé des filles, suspectant des modifications indésirables qui pourraient les rendre vulnérables au cancer.
Leur arrivée a provoqué une onde de choc mondiale : Lulu et Nana, les premières jumelles génétiquement modifiées, ont vu le jour à l’automne 2018. Maintenant âgées de six ans, leur situation actuelle demeure inconnue, tout comme leur bien-être.
Pourtant, leur créateur, le biophysicien chinois He Jiankui, revient sous les feux de la rampe. Après avoir purgé une peine de trois ans pour « pratiques médicales illégales », il tente de renouer avec le monde scientifique. Ses projets de laboratoire à Wuhan puis à Hainan ont échoué, mais il a récemment annoncé la création d’un nouveau laboratoire à Pékin via un post sur X.
He semble vouloir attirer à nouveau l’attention avec une annonce retentissante : en septembre, il a exprimé son intention de publier ses travaux de 2018 sur ces premières créatures génétiquement modifiées, insistant sur le fait qu’ils méritent d’être publiés dans des revues prestigieuses telles que « Nature » ou « Science ».
Cependant, la question se pose : ses recherches, bien qu’historiques, justifient-elles une telle publication dans des revues de ce calibre ? Les données proviennent-elles d’une avancée suffisante pour mériter une visibilité mondiale ?
D’un point de vue éthique, les méthodes employées par He soulèvent des préoccupations majeures. Des experts affirment que le risque encouru par les jumelles était démesuré par rapport aux avantages potentiels de l’étude. De plus, les parents des enfants auraient été mal informés et incités à participer à l’expérience avec des promesses douteuses.
Un rejet à la fois éthique et scientifique
De nombreux spécialistes, dont Kiran Musunuru, cardiologue à l’Université de Pennsylvanie, pensent que les revues comme « Nature » ou « Science » ne publieront jamais les travaux de He. Il souligne que les revues ne veulent pas encourager des comportements contraires à l’éthique. Cela dit, il déplore que ces données ne soient pas accessibles pour un débat public. Cela pourrait empêcher la répétition d’expériences similaires, particulièrement dans des pays avec des réglementations moins strictes.
Pour Musunuru, la volonté de He de ne publier ses travaux que dans des revues de premier plan suggère un manque d’altruisme. Il semble davantage préoccupé par sa propre reconnaissance que par l’intérêt scientifique.
Les pratiques secrètes révélées
En 2018, alors que l’existence de ces bébés modifiés n’était pas encore connue, He a essayé de faire publier ses découvertes dans des revues renommées. Cependant, ce sont les journalistes de « MIT Technology Review » qui ont révélé ses expériences secrètes. À cette époque, He avait tenté de modifier l’ADN des jumelles en utilisant le système de CRISPR, dans le but de rendre leurs familles résistantes au VIH.
Peu après leur naissance, en novembre 2018, He a soumis ses recherches à « Nature », mais en raison de l’existence d’un registre public des essais cliniques, des informations ont été divulguées par la presse, suscitant un tollé. En conséquence, « Nature » a rejeté son article, tout comme « JAMA », qui avait envisagé de le publier sous une forme atypique avant de finalement le refuser.
Échos historiques et éthiques
Même sur la plateforme bioRxiv, où sont publiées des études non encore revues, les chercheurs liés à He ne se sont pas exprimés. Richard Sever, l’un des cofondateurs de bioRxiv, a déclaré que des travaux réalisés de manière non éthique seraient systématiquement refusés, affirmant l’importance de respecter les lignes directrices éthiques.
Aujourd’hui, seuls quelques extraits des recherches de He, partagés lors d’une conférence en 2018, sont connus du public. Quant à une éventuelle publication de ses données, elle reste incertaine.
Kiran Musunuru, ayant eu accès aux travaux complets, a signalé des incohérences majeures. Il a découvert que les jumelles présentent un mosaïcisme génétique, signifiant que seules certaines parties de leur corps ont subi la modification souhaitée, tandis que d’autres pourraient avoir subi des altérations indésirables. Cela soulève des questions sur leur résistance au VIH, qui pourrait être compromise.