John Turley-Ewart : Face aux difficultés de la TD Bank aux États-Unis, un groupe du secteur bancaire a demandé à Ottawa de réformer un système inefficace
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Le mois dernier, l’Association des banquiers canadiens (ABC) a présenté un mémoire inhabituel au Comité permanent des finances de la Chambre des communes.
Intitulé sans intérêt «Améliorer la prospérité, la compétitivité et la sécurité financière du Canada,« Le mémoire dénonce les faiblesses de la réglementation, de la déclaration et de la poursuite des cas de blanchiment d’argent au Canada. Le Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada (CANAFE), un organisme d’analyse et de surveillance créé en 2000, attire particulièrement l’attention. Il est censé « lutter contre le blanchiment d’argent, le financement des activités terroristes, les sanctions et les menaces à la sécurité du Canada » en surveillant « des milliers d’entreprises » en plus des banques, qui sont tenues de signaler les « transactions suspectes ».
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Les banquiers canadiens sont réticents à critiquer publiquement leur supervision, craignant les réactions négatives des régulateurs et de leurs maîtres politiques qui, comme le Institut C.D. Howe récemment souligné, ont passé la dernière décennie à accumuler des réglementations qui entraînent « des coûts de conformité plus élevés et une compétitivité réduite ».
Il est remarquable que cette critique soit venue par l’intermédiaire de la CBA.
L’ABC, qui est une boîte noire pour la plupart des Canadiens, y compris pour de nombreux banquiers, fonctionne aujourd’hui sur la base du consensus, ce qui signifie que les cinq plus grandes banques du pays doivent accepter les déclarations de politique formulées par l’ABC. Cela inclut la Banque Toronto-Dominion, qui risque une amende potentielle de 3 milliards de dollars américains en lien avec des allégations des autorités de réglementation américaines selon lesquelles des bandes criminelles de trafiquants de drogue ont blanchi 653 millions de dollars américains par l’intermédiaire de succursales TD dans trois États américains.
Le fait de critiquer le cadre canadien de lutte contre le blanchiment d’argent, qu’il considère désormais comme médiocre, suggère que cela nuit à la réputation du secteur à l’étranger, en particulier aux États-Unis.
L’ABC estime que nous avons beaucoup de bonnes affaires en matière de LBC, mais pas de bonnes affaires – que les banques canadiennes sont obligées de se conformer à une liste interminable d’exigences en matière de déclaration de transactions qui ont peu de rapport avec les risques réels de LBC (toutes des affaires en suspens) et qui, à leur tour, génèrent relativement peu de rapports de renseignement et de condamnations au Canada pour des infractions de LBC (pas de bonnes affaires).
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Les banques et autres entreprises (courtiers et agents, casinos, entreprises de services monétaires, courtiers immobiliers, représentants commerciaux, etc.) qui font rapport au CANAFE « soumettent 12,5 fois plus de rapports que celles des États-Unis et 96 fois plus de rapports que celles du Royaume-Uni », note la CBA, mais le CANAFE « fournit un nombre disproportionnellement faible de rapports de renseignement aux forces de l’ordre ».
Il est intéressant de noter que, selon l’ABC, « en 2022-2023, le CANAFE a reçu plus de 36 millions de déclarations individuelles et n’a divulgué que 2 085 rapports de renseignements ». L’ABC qualifie à juste titre ce phénomène de « rapports à volume élevé et à faible valeur ajoutée ».
Bizarrement, 27 % de ces signalements ont été générés par le CANAFE lui-même, en collaboration avec des entreprises privées et des banques. Il agit en effet comme superviseur de banques, de « milliers d’autres entreprises » et comme détective qui, comme Miss Marple d’Agatha Christie, enquête sur des crimes (par exemple, la traite d’êtres humains, le trafic de drogue, etc.) qui reposent sur le blanchiment d’argent dans l’espoir de transmettre des preuves à la police pour porter des accusations criminelles. Aussi noble que cela puisse paraître, le résultat de l’ensemble du processus du CANAFE est source d’inquiétude, l’ABC soulignant qu’il y a eu « une baisse des condamnations (pour blanchiment d’argent) tout au long de la période 2010-2020 ».
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Le mémoire de l’ABC au Comité des finances propose des solutions qui devraient faire partie d’un nouveau cadre de lutte contre le blanchiment d’argent au Canada. Par exemple, l’ABC préconise de nouvelles lignes directrices axées sur la déclaration d’activités suspectes, plutôt que sur la déclaration d’opérations suspectes, qui est plus susceptible de produire des résultats de plus grande valeur et de moindre volume que le processus actuel, où les quelque 300 employés du CANAFE sont submergés de millions d’opérations à trier.
Il est important de noter que l’ABC recommande au gouvernement libéral de Justin Trudeau de tenir sa promesse de créer une agence canadienne de lutte contre la criminalité financière qui « assumera à la fois des rôles d’enquête et de poursuite dans le cadre de crimes financiers complexes et fournira des statistiques aux intervenants publics et privés sur les enquêtes, les poursuites, les condamnations et les confiscations de biens au Canada ». Cela ajouterait de la transparence à notre efficacité en matière de lutte contre le blanchiment d’argent.
Il est également nécessaire d’harmoniser clairement l’expertise et les objectifs avec les responsabilités de supervision, un point que l’ABC n’a pas pu se résoudre à souligner, même si elle aurait dû le faire.
La surveillance des banques est du ressort du Bureau du surintendant des institutions financières, l’organisme de surveillance des banques du Canada. En juillet 2021, le BSIF a abrogé sa ligne directrice B-8 sur la lutte contre le blanchiment d’argent. Avec le recul, il s’agit d’une erreur. Elle devrait être rétablie et la surveillance de la conformité des banques à la lutte contre le blanchiment d’argent devrait être laissée au BSIF seul. La confusion quant à la personne qui supervise la lutte contre le blanchiment d’argent dans les banques peut expliquer pourquoi le BSIF a baissé sa garde en matière de conformité à la lutte contre le blanchiment d’argent dans le cas de la TD.
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Le CANAFE a été créé pour « faciliter la détection » du blanchiment d’argent, et non pour effectuer la détection elle-même, qui devrait être confiée à la nouvelle Agence canadienne de lutte contre les crimes financiers. De plus, on ne peut raisonnablement demander au CANAFE de superviser des milliers d’entreprises au Canada qui doivent signaler des transactions suspectes et de superviser des entreprises mondiales complexes comme nos banques. Il est préférable qu’il serve de centre d’analyse et de renseignement en matière de lutte contre le blanchiment d’argent, plutôt que de superviser les banques.
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Les problèmes de la TD en matière de lutte contre le blanchiment d’argent, les exigences de déclaration de faible valeur, le nombre relativement faible de rapports de renseignement aux forces de l’ordre et la baisse des condamnations pour blanchiment d’argent entre 2010 et 2020 sont des signaux d’alarme indiquant qu’un changement est nécessaire maintenant pour dissuader efficacement le blanchiment d’argent au Canada et pour garantir que les banques canadiennes ne soient pas des maillons faibles dans la lutte contre le blanchiment d’argent aux États-Unis et à l’étranger.
John Turley-Ewart est consultant en conformité réglementaire et historien bancaire canadien.
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