Mars-Express est le meilleur film d’animation de l’année que vous n’avez probablement pas encore vu ou entendu parler. Se déroulant au 22ème siècle, le film suit deux enquêteurs privés sur Mars engagés pour traquer un pirate informatique insaisissable sur Terre qui jailbreake des robots. Leur enquête prend rapidement une autre dimension lorsque la disparition d’un étudiant les met sur la piste d’un complot qui menace de bouleverser la civilisation homme-robot telle qu’ils la connaissent.
Jérémie Périn est un animateur français connu pour avoir réalisé la série télévisée 2016 Dernier hommeainsi que plusieurs vidéoclips viralement populaires (et résolument NSFW) pour des artistes de danse électronique comme DyE et Lionel Flairs. Mars-Expressson premier long métrage, est une exception non seulement dans son propre corpus d’œuvre, mais dans l’industrie française de l’animation dans son ensemble : il s’agit d’un roman policier bien ancré et dur qui se déroule dans un univers dont le ton et la structure semblent redevables au des classiques du film noir du passé, bien que transposés dans une vision d’un avenir lointain.
Polygon a eu l’occasion de discuter avec Périn du making-of Mars-Expresssorti en VOD cette semaine, ses inspirations à la fois de l’animation japonaise et du cinéma classique, et son approche des conceptions extravagantes derrière les personnages robotiques et techno-organiques du film.
Cette interview a été légèrement modifiée pour plus de longueur et de clarté.
Polygone: Mars-Express a beaucoup de rebondissements différents dans son histoire. Y a-t-il des romans policiers ou des films particuliers qui vous ont inspiré ? Quels sont vos mystères préférés ?
Jérémie Périn : [When it comes to] mes préférés, nous avons travaillé sur leur analyse, notamment sur les aspects narratifs pour l’écriture du scénario. Ces films étaient quartier chinois, Le long au revoir, Embrasse-moi mortellement, À bout portant. Ce genre de film, ces PI classiques, les films noirs. C’est vraiment quelque chose que je pensais qu’on n’avait plus au cinéma, pas tellement. Sous le lac d’argent est peut-être aussi un film dans ce domaine, mais ce n’est pas exactement un PI [movie]. C’est plus néo-noir.
J’avais très envie de revenir sur cette figure du détective privé. Mais j’ai réalisé [while working on Mars Express], tout le temps, ce sont des hommes. Et j’étais comme, Et si on mettait une femme [in the role] à la place, pour voir s’il y a des différences ? Et le fait est qu’il n’y avait pas beaucoup de différence, sauf avec [the absence] de certaines figures classiques, comme la femme fatale. Nous n’avions aucune raison d’avoir un tel personnage là-bas, mais ces inspirations et références étaient grandes dans ma tête.
Il y avait aussi d’autres références. j’apprécie vraiment […] Trois jours du Condor, Tous les hommes du président, La vue parallaxe, Éteindre, [and Francis Ford Coppola’s] La conversation. Ces films où quelqu’un se rend compte qu’il est impliqué dans une conspiration et que tout est trop grand pour lui.
L’influence de l’animation japonaise est très importante dans Mars-Express, en particulier dans la façon dont les personnages se déplacent et dans les scènes d’action à plus grande échelle de la finale. En tant que réalisateur français, en quoi l’animation japonaise diffère-t-elle de l’animation française, et en quoi l’animation japonaise a-t-elle inspiré votre travail sur Mars-Express?
La méthodologie de travail au Japon et en France en matière d’animation est différente sur certains détails spécifiques, mais ils sont importants, notamment en ce qui concerne les mises en page. [more detailed renderings of storyboards that help animators plan and visualize the movement of a shot or sequence before it is animated]. Au Japon, les animateurs réalisent leurs propres mises en page, poses et animations. Ils sont responsables de la séquence complète. En France, c’est plus partagé entre différentes équipes. Il y a une équipe pour la mise en page, une équipe pour l’animation, etc. Même la façon dont l’animation est jouée au Japon et en France est différente.
Mais en tant que spectateur, j’ai beaucoup regardé l’animation japonaise quand j’étais enfant, et aujourd’hui encore, je continue de regarder ce qu’ils font. Je me suis vite rendu compte qu’ils n’avaient pas le même budget que l’animation américaine, ni même certaines animations françaises. C’est bizarre parce que j’ai l’impression qu’il y a moins de dessins dans leur animation, mais en même temps, j’ai l’impression qu’ils ont plus d’impact sur moi. La sensation du cadrage et tout ça est plus puissante pour moi qu’un film Disney, [where] l’animation est beaucoup plus fluide [and] ça bouge tout le temps. […] L’animation japonaise peut être très percutante et plus cinématographique, à mon avis, car elle est vraiment efficace dans ce qu’elle fait. [like drawing] mais aussi plus efficace [in] le montage et la mise en scène et la profondeur des plans.
Au début de l’animation japonaise, l’action pouvait passer du premier plan à l’arrière-plan, et vice versa, pour vous donner un effet « wow ». Dans l’animation plus occidentale, c’était plus du théâtre, plus de la 2D : il fallait voir le personnage principal [on the screen] des pieds à la tête et des trucs comme ça. […] Pour moi, toutes ces idées sont venues d’eux pour compenser [for] le budget et le fait qu’ils savaient qu’ils ne pouvaient pas tirer autant qu’un studio Disney [movie]. Mais petit à petit, c’est devenu un style et une manière de raconter leurs propres histoires. C’est devenu un langage à sa manière, et c’est d’ailleurs toujours le langage du cinéma. Ils se sont également inspirés de l’action réelle. En tant que cinéphile, j’aime autant l’action réelle que l’animation. Donc pour moi, l’animation japonaise et [live-action film] pour moi, ils ont été très influents.
Au cours du film, nous voyons beaucoup de choses à quoi ressemble la société humain-robot sur Mars, mais nous avons un aperçu de nouveaux types de machines et d’armes organiques créées par Royjacker, l’antagoniste du film. Quelles ont été vos inspirations pour créer le look de ces créatures ?
Je ne sais pas si c’est vrai ou non, mais j’ai entendu dire que Google travaillait sur [technology for] des cellules de la peau et des trucs comme ça. Je me suis demandé : « Pourquoi une société technologique comme celle-là fonctionnerait-elle sur les cellules ? » Et cela m’a donné l’idée que les nouvelles technologies feraient la boucle [in the future]. Vous savez, après avoir créé des robots ressemblant à des humains de manière synthétique avec du plastique et du métal, la prochaine étape serait de revenir aux produits organiques comme nous. C’est de plus en plus proche de nous, mais en même temps, ce sont des monstres.
C’est aussi une façon de se moquer de la course [to make] un nouveau produit. Par exemple, vous avez un iPhone et chaque année, il y a un nouvel iPhone. […] Nous voulions nous moquer de cela, par exemple, avons-nous vraiment besoin d’un nouvel iPhone chaque année ? [laughs] C’était une façon de se moquer et de parler de l’obsolescence programmée, car c’est ce qui arrive aux robots du film.
Carlos, le partenaire androïde de la protagoniste du film, Aline, est l’un des personnages les plus tragiques et fascinants du film. Il est la conscience d’un homme mort ressuscité à l’intérieur d’une machine, qui essaie de s’accrocher à une vie qui a évolué sans lui. Quelles ont été vos inspirations pour créer ce personnage à cheval entre l’humain et la machine ?
Ouais, il ne le sait pas lui-même. Cette idée nous est venue grâce à l’histoire que nous construisions étape par étape avec Laurent Sarfati, mon co-scénariste. A l’époque nous n’avions qu’un seul personnage principal, mais petit à petit, nous avons compris que l’histoire porterait sur l’émancipation des robots. C’est leur révolution, en quelque sorte, et le fait qu’ils soient [freeing themselves] des humains.
Nous savions que nous ne voulions pas faire une révolution avec violence, comme dans Terminateur quand les robots disent simplement « Tuons tous les humains ». Nous nous disions que cela avait déjà été fait, alors essayons autre chose. Nous pensions que les machines pourraient voyager davantage dans l’espace, pour des raisons évidentes, et nous avons donc eu la fin en tête assez tôt. Nous [thought] il faut avoir un personnage qui fasse la transition du point de vue humain, du point de vue humain, au point de vue robot, et accompagner le public jusqu’à la fin. En pensant à cela, Carlos est né. Nous avions besoin de ce personnage qui [both human and robot] juste pour aider le public à comprendre les robots. Au final on ne les suit pas complètement, mais il nous fallait un initié [perspective] pour la fin.
L’animation pour adultes n’est pas quelque chose que le public voit généralement dans l’animation française, en particulier dans la science-fiction originale à cette échelle et de cette qualité. Croyez-vous que Mars-Express ouvrira les portes aux animateurs français pour poursuivre une narration plus mature, et vous voyez-vous travailler à nouveau dans la science-fiction ?
Certainement oui, j’aimerais travailler sur un autre film de science-fiction à l’avenir. Le prochain sur lequel je travaille en ce moment — juste en tant que scénariste pour le moment, je ne sais pas si ce film existera à terme, mais croisons les doigts. Ce n’est pas exactement de la science-fiction, mais c’est un film de genre. C’est un thriller surnaturel. Donc c’est quand même bizarre pour l’animation française de toute façon. Mais oui, j’espère vraiment Mars-Express va ouvrir les portes à d’autres personnes, à d’autres réalisateurs ou à d’autres scénaristes pour faire de nouveaux films de science-fiction en France, mais aussi tout type de film de genre.
Mars-Express est disponible à la location ou à l’achat sur Amazon, Apple et Vudu.