Le passage de la politique monétaire à la « politique monétaire » devrait rendre les Canadiens nerveux

David Jones : Les données probantes et l’histoire suggèrent que notre situation sera pire si la Banque du Canada subit des pressions pour modérer ses taux.

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La politique monétaire au Canada se transforme rapidement en « politique monétaire ».

Les taux d’intérêt élevés ont récemment suscité des inquiétudes de la part de plusieurs premiers ministres, l’Ontarien Doug Ford soulignant la « pression écrasante » exercée sur de nombreuses familles et entreprises dans une lettre publique adressée au gouverneur de la Banque du Canada, Tiff Macklem, en octobre.

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Même la ministre des Finances, Chrystia Freeland, a publiquement « salué » le maintien des taux d’intérêt en septembre. Bien que subtil, le langage était un sceau tacite d’approbation, et un soupçon de sentiments fédéraux si le résultat avait été différent.

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L’inquiétude politique et sociale est compréhensible. Les électeurs sont confrontés à des préoccupations croissantes en matière d’abordabilité en raison de la hausse des coûts hypothécaires et des prix quotidiens. La hausse des taux est la plus forte depuis 40 ans.

On peut soutenir que les lettres des premiers ministres font de la bonne politique : il n’y a pas grand-chose à perdre et les banquiers centraux sont une cible facile. Et puis, de toute façon, les premiers ministres n’ont aucune influence formelle sur la politique monétaire, alors pourquoi ne pas essayer de marquer quelques points auprès des électeurs ?

On peut dire sans risque de se tromper que Macklem ne considérait pas leur ingérence comme totalement anodine. La tâche principale d’un gouverneur est d’expliquer pourquoi une faible inflation reste la priorité face aux risques plus larges qui pèsent sur l’économie et/ou la société. Mais Macklem était suffisamment excité pour réagir publiquement, déclarant qu’il serait « malheureux » si une ingérence politique venait à saper l’indépendance de la banque.

À quel moment les positions politiques autour de la politique monétaire deviennent-elles un véritable risque ?

La banque centrale donne la priorité à une inflation faible et stable. Cette fixation financière peut parfois sembler socialement sourde, mais l’inflation crée des dommages sociaux et économiques en raison des problèmes d’abordabilité des ménages et des prix moins transparents.

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Une inflation élevée et durable est difficile à corriger. Dans les années 1980, l’inflation a grimpé jusqu’à 12 pour cent, la banque a augmenté les taux à 21 pour cent et le Canada a connu une grave récession. Comme l’a dit un jour William Martin, ancien président de la Réserve fédérale américaine : « L’inflation est un voleur la nuit et si nous n’agissons pas rapidement et de manière décisive, nous serons toujours en retard. »

Les gouvernements ont eux aussi un biais inflationniste. Malgré leurs bonnes intentions, à court terme, ils ne peuvent s’empêcher de s’orienter vers une hausse de l’emploi ou, plus cyniquement, d’amorcer l’économie par des dépenses budgétaires supplémentaires. L’externalisation de la politique monétaire vers une banque centrale opérationnellement indépendante cherche à résoudre ce problème en créant un engagement crédible en faveur d’une inflation faible et stable. Si l’indépendance est mise à mal, la crédibilité de la banque centrale l’est aussi, et l’inflation peut devenir une prophétie auto-réalisatrice.

Même si les premiers ministres, pour leur propre défense, pourraient souligner que la politique monétaire est autant un art qu’une science, les inconvénients d’une ingérence politique substantielle dans les affaires des banques centrales sont difficiles à ignorer.

La Turquie offre un exemple extrême des dégâts que le populisme peut causer. Le président Recep Tayyip Erdogan a limogé quatre gouverneurs de banque depuis 2019, faisant grimper l’inflation jusqu’à 80 % en 2022. Suite à un revirement politique, les taux d’intérêt ont augmenté à 35 % et les prévisions d’inflation ont été réduites de moitié. La transition économique de la Turquie sera douloureuse, mais avec l’inflation alimentaire qui a récemment dépassé les 60 pour cent, le statu quo est encore pire.

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Les États-Unis s’y connaissent également en matière de remise en cause de l’indépendance des banques centrales. Dans les années 1940, le Trésor américain a orienté la Réserve fédérale américaine vers des taux d’intérêt bas, déclenchant une poussée d’inflation. L’autonomie monétaire a été rapidement restituée à la Réserve fédérale dans les années 1950.

La Turquie est un exemple extrême et les institutions du Canada sont mieux placées pour gérer la politique monétaire. Néanmoins, des risques existent.

Même si l’inflation est tombée à 3,1 pour cent en octobre, elle pourrait rester stable, laissant la banque confrontée à un dilemme quant à l’opportunité d’augmenter encore les taux. La guerre, la hausse des prix de l’énergie et l’expansion budgétaire pourraient également raviver les pressions à la hausse sur les prix.

Les hommes politiques pourraient continuer à rédiger des lettres et à faire preuve de démagogie, augmentant ainsi l’opposition du public à un ciblage strict de l’inflation. Une rhétorique plus trompeuse – selon laquelle la banque centrale aurait « provoqué l’inflation » – pourrait attiser les rumeurs populistes. D’autres commentaires de la part du ministre des Finances pourraient s’avérer inutiles étant donné ses pouvoirs formels de fournir une directive à la banque.

En fin de compte, les récentes représentations ministérielles sont gérables. La politique monétaire a même sans doute sa place, les ministres veillant à ce que les banques centrales « ressentent » les impacts sociétaux de la politique monétaire.

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Mais les récents échanges servent d’avertissement. Les faits et l’histoire suggèrent que la situation des Canadiens sera pire si la banque subit des pressions pour modérer ses taux. Les taux d’intérêt sont suffisamment faibles pour ne pas avoir à faire face à des interférences politiques.

En pratique, si les premiers ministres cherchent à lancer un débat public sur les décisions de la banque centrale, ils devraient adresser leurs préoccupations au gouvernement fédéral, qui définit le mandat de la banque.

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Enfin, la banque devrait chercher à s’aider elle-même : la prochaine cadre de politique monétaire devrait être pérenne en tenant compte des risques liés à la fois à un environnement de taux d’intérêt élevés et à des taux d’intérêt faibles, étant donné que le cadre actuel ne traite que de ces derniers.

David Jones est analyste politique et économiste. Il est membre du Centre canadien d’économie de la santé et étudie les politiques publiques à la Munk School of Global Affairs and Public Policy de l’Université de Toronto.

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