Le moulin sur la soie de George Eliot


Le Moulin sur la soie, a été écrit par George Eliot (1819-1880) qui, comme notre grand auteur français George Sand (1804-1876), avait dû prendre un nom masculin pour être publié. Ce livre est une fresque de la société anglaise victorienne à la campagne au XIXe siècle. Ecoutons George Eliot :
« … Vous ne pourriez pas vivre parmi de telles personnes; vous êtes étouffé faute d’un débouché vers quelque chose de beau, de grand ou de noble; vous êtes irrité contre ces hommes et ces femmes ternes, comme une sorte de population en désaccord avec la terre sur lesquels ils vivent… »

Dans les phrases suivantes qui semblent si faciles à écrire et sont si faciles à lire, nous trouvons l’esprit, l’humour, la clarté de pensée et l’intelligence de George Eliot :

« … » M. Tulliver s’arrêta une minute ou deux et plongea des deux mains dans les poches de sa culotte comme s’il espérait y trouver quelque suggestion. Je vais en parler avec Riley ; il vient demain, pour arbitrer sur le barrage.

« … M. Tulliver a pris une gorgée, l’a avalée lentement et a secoué la tête d’un air mélancolique, conscient d’illustrer la vérité selon laquelle un intellect parfaitement sain n’est guère à l’aise dans ce monde insensé… »

« … Mme Tulliver n’est jamais allée jusqu’à se quereller avec elle, pas plus qu’on ne peut dire qu’un oiseau aquatique qui tend sa patte d’une manière désobligeante se querelle avec un garçon qui jette des pierres… »

Bob, parlant de son chien Oreillons :
«  » Oreillons est une croix aussi belle que vous en verrez n’importe où le long de la Floss, et je suis déjà monté dessus avec les barges. Eh bien, la noblesse s’arrête pour le regarder ; mais vous n’attraperez pas Oreillons en regardant beaucoup la noblesse, il s’occupe de ses propres affaires, il le fait. »
L’expression du visage de Mump, qui semblait tolérer l’existence superflue des objets en général, confirmait fortement cet éloge.

Un petit passage que j’ai particulièrement apprécié, est tiré d’un dialogue entre Philip et Maggie :
« Vous semblez penser plus à la peinture qu’à n’importe quoi maintenant, Philip ? »

« Peut-être que je fais, » a dit Philip, plutôt tristement ; mais je pense à trop de choses, je sème toutes sortes de graines, et je n’obtiens aucune grande récolte d’aucune d’elles. Je suis maudit de susceptibilité dans tous les sens, et de faculté efficace dans aucun. Je me soucie de la littérature classique, de la littérature médiévale et de la littérature moderne ; je vole dans tous les sens et ne vole dans aucun. »
« Mais c’est sûrement un bonheur d’avoir tant de goûts, -de profiter de tant de belles choses, quand elles sont à votre portée », a déclaré Maggie, songeur. « Cela m’a toujours semblé une sorte de stupidité intelligente de n’avoir qu’une sorte de talent, -presque comme un pigeon voyageur. »
— Ce serait peut-être un bonheur d’avoir beaucoup de goûts si j’étais comme les autres hommes, dit Philip avec amertume. « Je pourrais obtenir du pouvoir et de la distinction par simple médiocrité, comme ils le font ; au moins, j’obtiendrais ces satisfactions médiocres qui font que les hommes se contentent de se passer des grandes. »

Pourquoi vous ai-je donné ce petit extrait ?
Car j’ai enfin trouvé une personne, merci George Eliot, qui confirme ce que je pense :
Nous admirons, par exemple, un scientifique, très pointu dans ses connaissances, mais qui est inapte à tout autre aspect de la vie. Bien sûr, son esprit a toujours été concentré sur une seule étude, et il est brillant, mais dans un seul domaine. Son intelligence est utile au monde, peut-être, mais qu’aurait-il pu faire, s’il n’y avait pas eu autour de lui des personnes à intelligence multiple, comme par exemple une mère ou une épouse, travaillant pour rapporter de l’argent à la maison, capables de peindre les vivants -les murs de la pièce, pour cuisiner, pour élever lui ou ses enfants et est capable de faire toutes sortes de choses utiles, d’apprécier la musique et les livres ? Aucun de ses talents n’étant particulièrement mis en valeur, cette personne n’est pas brillante dans un salon, et à la fin, elle ne sera pas honorée et n’obtiendra pas de médailles. Mais quelles intelligences différentes en une seule personne ! intellectuel, manuel, psychologique, sensible… Et ce fait me touche particulièrement.

Le Moulin sur la Floss, a été écrit George Eliot (1819-1880) qui, comme notre grande George Sand (1804-1876), n’avait pas pu écrire sous son vrai nom de femme. Ce livre est une fresque de la société anglaise victorienne et de ses campagnes au XIXème siècle. C’est George Eliot qui en parle le mieux :
« … Vous ne vivrez pas au milieu de ces gens-là ; vous étouffez parce que rien ne vous permet de vous échapper vers quelque chose de choisi de beau, de grand, ou de noble ; vous êtes agacés par ces hommes et ces femmes médiocres parce qu’ils forment une population en désaccord avec la terre… »

Dans les petites phrases suivantes qui semblent si faciles à écrire et sont si faciles à lire, on retrouve toute la finesse d’esprit, l’humour, la clarté de pensée et l’intelligence de George Eliot :
« … M. Tulliver se tut une minute ou deux et plongea ses deux mains dans ses poches, comme s’il espérait y trouver une idée. Apparemment il ne fut pas déçu, car il reprit bientôt : « … » »
« … M. Tulliver (…) avait conscience, par son exemple, d’illustrer cette vérité : une intelligence parfaitement saine ne se sent pas du tout à l’aise dans ce monde insensé… »
« … Mme Tulliver n’allait jamais jusqu’à se disputer avec sa sœur, pas plus qu’on ne peut dire d’une poule d’eau, qui sort sa patte d’un geste suppliant, qu’elle se dispute avec un jeu qui lui jette des pierres… »
Bob, parlant de son chien Oreillons :
« « … les gens de la haute s’arrêtent pour regarder Mumps, mais vous prendrez pas souvent Mumps à regarder les gens de la haute… y s’occupe de ses affaires, lui. » L’expression que l’on pouvait lire sur la tête de Mumps, qui semblait résigné à l’existence superflue des choses en général, confirmait tout à fait ce bel éloge… »

Un petit passage que j’ai tout particulièrement apprécié, est extrait d’un dialogue entre Philip et Maggie :
« … je m’intéresse à trop de choses, dit Philip… je sème toutes sortes de graines mais aucune ne me permet de faire une belle moisson. Mon malheur, c’est que j’ai une sensibilité qui me porte dans toutes les directions, sans talents réels dans aucune. J’aime la peinture et la musique ; j’aime la littérature de l’Antiquité, du Moyen Âge et de l’époque moderne : je papillonne dans tous les sens, mais je ne prends mon envol nulle part.
– Mais c’est sûrement un bonheur d’avoir autant de goûts, d’apprécier tant de belles choses quand on les a à portée, dit Maggie songeuse. J’ai toujours pensé que c’était faire preuve d’une habiter un peu bête de n’avoir qu’une seule sorte de talent… un peu comme un pigeon voyageur… »
Pourquoi est-ce que je vous ai livré ce petit extrait ?
Parce que j’ai enfin trouvé une personne, merci George Eliot, qui confirme ce que je pense :
On admire, par exemple, un scientifique, très pointu dans son domaine, mais qui s’avère inapte à tout autre aspect de la vie. Évidemment, son esprit depuis toujours concentré sur une seule étude, paraît brillant et il l’est, mais dans un seul domaine seulement. Son intelligence est sans doute utile, mais d’autres le sont aussi.
Comme l’intelligence multiple d’une entrepreneuse, aussi mère de famille, qui sait poser du carrelage dans sa salle de bain, fait la cuisine, est amatrice de musique, et sait écrire ou créer toutes sortes de choses de ses mains habiles, et a su l’élever lui ou ses enfants. Bien sûr, aucun de ses talents n’étant particulièrement en avant, cette personne ne brille pas en société comme le scientifique, et elle ne sera honorée d’aucune reconnaissance. Mais que d’intelligences différentes en une seule personne : intellectuelle, manuelle, psychologique, sensible… que de capacités bien peu ou pas reconnues et pourtant si complémentaires et indispensables à l’intelligence unique !
Et ce fait me touche tout particulièrement.



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