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A partir de la page 171-2 :
Lorsqu’elle arriva rue de la Goutte-d’Or, elle trouva toute la place en émoi. Les filles avaient quitté la table de travail et étaient dans la cour, regardant vers le haut. Elle demanda à Clémence ce qui se passait.
C’est Bijard, dit-elle. ‘Il bat’ ‘c’est sa femme. Il l’attendait sous la voûte, énervé comme un triton. Il a continué à frapper tout le long des escaliers et il est toujours là-haut, dans leur chambre. Écoutez, ne pouvez-vous pas « l’oreille hurler ? »
Gervaise monta l’escalier en courant. Elle aimait sa blanchisseuse, Mme Bijard, qui était une femme très courageuse. Elle espérait pouvoir faire arrêter Bijard. A l’étage, au sixième étage, la porte de la chambre était grande ouverte et plusieurs des autres locataires étaient sur le palier, criant, tandis que Mme Boche se tenait dans l’embrasure de la porte en criant : « Arrêtez ça ! On va chercher la police !
Personne n’osait s’aventurer dans la pièce car Bijard pouvait devenir très violent lorsqu’il était ivre. En fait, il n’a jamais été vraiment sobre. Les rares jours où il travaillait, il posait une bouteille de cognac à côté de son étau de serrurier et en buvait une gorgée toutes les demi-heures. C’était la seule chose sur laquelle il vivait maintenant. Il serait parti en flammes si vous aviez porté une allumette à sa bouche.
« Nous ne pouvons pas le laisser « je tuer » ! » dit Gervaise tout tremblante.
Elle entra. La chambre mansardée était très propre, mais froide et austère, mise à nu par l’alcool de Bijard ; il enlevait même les draps du lit pour payer sa boisson. Dans la bagarre, la table avait été poussée contre la fenêtre et les deux chaises étaient à l’envers, les jambes en l’air. Madame Bijard était étendue par terre, au milieu de la pièce ; ses jupes encore humides du lavoir lui collaient aux cuisses, des touffes de cheveux avaient été arrachées, elle saignait, et chaque fois que Bijard lui donnait des coups de pied, elle poussait une série de gémissements. Au début, il l’avait renversée avec ses poings, maintenant il la piétinait.
« Salope ! Salope ! Salope ! » il n’arrêtait pas de grogner, grognant le mot à chaque fois qu’il lui donnait un coup de pied, le répétant follement, donnant des coups plus forts alors que sa voix devenait plus rauque.
Puis sa voix lui manqua complètement, mais il continua à donner des coups de pied silencieux, insensés, debout raide dans sa blouse et sa salopette en lambeaux, son visage violet sous sa barbe crasseuse, son crâne chauve couvert de grosses taches rouges. Sur le palier, les voisins disaient qu’il la battait parce qu’elle avait refusé de lui donner un franc ce matin-là. On entendait la voix de Boche au bas de l’escalier, appelant sa femme : « Descends, qu’ils s’entretuent, ce sera un bon débarras !
Pendant ce temps, le père Bru avait suivi Gervaise dans la chambre. Les deux tentèrent de raisonner le serrurier et le poussèrent vers la porte. Mais il se retournait sans cesse, sans rien dire, la bouche écumante, une expression meurtrière brillant dans ses yeux pâles et enflammés d’alcool. La blanchisseuse a eu le poignet tordu et le vieil homme a été jeté contre la table. Par terre, madame Bijard respirait plus fort que jamais, la bouche grande ouverte et les yeux fermés. Les coups de pied de Bijard lui manquaient maintenant, mais il continuait d’essayer, aveuglé par la rage, se frappant même de ses coups sauvages. Et tout au long de cette scène, Gervaise pouvait voir, dans un coin de la pièce, la petite Lalie, maintenant âgée de quatre ans, regarder son père battre sa mère. Dans ses bras, comme pour se protéger, elle tenait sa petite sœur Henriette, à peine sevrée. Elle se tenait là, la tête enveloppée dans un morceau de calicot imprimé, très pâle et d’un air solennel. Ses grands yeux noirs fixaient intensément, sans jamais une larme.
Finalement, Bijard a trébuché sur une chaise et est tombé à plat sur le sol, où ils l’ont laissé ronfler. Le père Bru aida Gervaise à soulever madame Bijard, qui sanglotait maintenant violemment ; Lalie, qui s’était rapprochée, regarda pleurer sa mère, déjà habituée à de tels événements, et s’y résigna. Alors que la blanchisseuse redescendait dans l’immeuble désormais silencieux, elle pouvait encore voir les yeux de la jeune fille, les yeux d’un enfant de quatre ans, aussi sérieux et sans peur que les yeux d’une femme adulte.
— Monsieur Coupeau est sur le trottoir d’en face, cria Clémence dès qu’elle l’aperçut. ‘Il a l’air complètement cabossé.’
Coupeau venait de traverser la rue. Il faillit briser une vitre en titubant à travers la porte. Il était ivre mort, les dents serrées, le nez pincé. Gervaise vit tout de suite le poison de l’Assommoir du père Colombe dans le sang souillé qui décolorait sa peau. Elle avait envie d’en rire et de le mettre au lit, comme elle le faisait toujours quand il était éclairé par le vin. Mais il la repoussa sans ouvrir la bouche et leva le poing alors qu’il passait devant lui et se laissait tomber sur le lit. Il était comme l’autre, l’ivrogne qui ronflait en haut, épuisé de battre sa femme. Un frisson envahit Gervaise tandis que, le cœur serré, elle pensait aux hommes de sa vie, à son mari et à Goujet et Lantier, et désespérait d’être jamais heureuse.
puis environ 100 pages plus tard…
La petite Lalie, la gamine de huit ans qui ne valait pas plus de deux sous de beurre, tenait la maison aussi bien que n’importe quel adulte, et ce n’était pas une tâche facile, car il y avait deux plus jeunes à garder, elle frère Jules et sa sœur Henriette, bambins de trois et cinq ans, qu’elle devait surveiller à longueur de journée tout en balayant le sol et en faisant la vaisselle. Depuis que Bijard avait tué sa femme d’un coup de pied dans le ventre, Lalie était devenue la petite mère de famille,
Sans dire un mot, à elle seule, elle avait pris la place de la morte, au point que sa brute de père, sans doute pour parfaire la ressemblance, battait maintenant la fille comme il battait la mère. Quand il rentrait ivre à la maison, il lui fallait juste une femme à battre. Il n’avait même pas remarqué à quel point Lalie était petite ; il l’a frappée comme il frapperait une femme adulte. Un seul coup couvrirait tout son visage, et sa peau était encore si douce que les marques laissées par ses cinq doigts seraient visibles pendant deux jours. Les raclées étaient honteuses ; les coups pleuvaient pour la moindre petite chose, c’était comme un loup enragé tombant sur un chaton timide, doux, pitoyablement maigre, qui prenait tout sans se plaindre, avec un air de résignation dans ses beaux yeux. Non, Lalie ne s’est jamais rebellée. Elle pliait peut-être un peu le cou pour protéger son visage, mais elle ne criait jamais, pour ne pas déranger les autres personnes dans le bâtiment.
Quand son père en avait marre de lui faire faire le tour de la pièce avec sa chaussure, elle attendait qu’elle se sente assez forte pour se tenir debout, puis se remettait au travail, lavant les petits, préparant à manger, sans laisser un grain de poussière sur les meubles. Être battu faisait partie de son quotidien.
(et les choses empirent à partir de là pour la pauvre fille, mais je n’ai pas le cœur (ni le temps) de taper tout ça aussi…)
***Premier avis***
Un chef-d’œuvre. Brutal, en colère, drôle, triste. Le dernier chapitre en particulier est extraordinaire pour l’époque, et absolument dévastateur. La façon dont il traite la violence domestique tout au long du livre est d’une modernité à couper le souffle.
Je n’ai pas assez lu Zola, je m’en rends compte maintenant.
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