« L’année du requin » est plus qu’un simple film sur les requins, selon les cinéastes français les jumeaux Boukherma, les plus populaires doivent lire Inscrivez-vous aux newsletters Variété Plus de nos marques

"L'année du requin" est plus qu'un simple film sur les requins, selon les cinéastes français les jumeaux Boukherma, les plus populaires doivent lire Inscrivez-vous aux newsletters Variété Plus de nos marques

Mer, calme et soleil. Un vacancier sur son paddle. En quelques minutes, ce tableau idyllique vole en éclats : l’homme tombe de sa planche à l’eau, puis est dévoré par un requin.

Près de 50 ans après que « Jaws » de Steven Spielberg a semé la terreur dans la ville balnéaire d’Amity Island en Nouvelle-Angleterre, un requin est apparu de l’autre côté de l’océan pour semer la panique parmi les vacanciers français se dirigeant vers la côte atlantique.

« Year of the Shark », qui a été créée cette semaine au 21e Neuchâtel Intl. Le Festival du Film Fantastique, en vue de sa sortie en France le 3 août, n’est ni un remake de « Les Dents de la Mer », ni un pastiche du genre, expliquent les réalisateurs, les jumeaux français Ludovic et Zoran Boukherma, qui ont 30 ans.

Les jumelles Boukherma savent bien que l’arrivée du premier film de requins jamais réalisé en France, avec un casting cinq étoiles, suscite beaucoup d’attentes chez les amateurs de genre : « Nous voulions prendre cette figure bien connue du cinéma américain et le revisiter, l’ancrer dans notre région, le Sud-Ouest français, pour en faire une comédie dramatique, un peu sociale », raconte Ludovic Boukherma Variété. « Nous ne nous sommes pas intéressés au requin en tant qu’animal, mais en tant qu’intrus qui débarque dans une communauté pacifique et cristallise la colère des uns et sème la pagaille chez les autres. C’est un film hybride qui chevauche la ligne entre la comédie, le drame et le film de requin.

« L’année du requin » met en vedette Maja (Marina Foïs) dans le rôle d’un flic impassible, assisté de Blaise (Jean-Pascal Zadi) et d’Eugénie (Christine Gautier). Tout au long de sa carrière, Maja s’est investie de manière désintéressée dans son travail, avec un sérieux qui contraste avec la routine pépère de sa ville fictive de La Pointe, où, comme l’admet la narratrice, rien ne se passe jamais et tout ce que vous faites est de « s’asseoir sur le cul ». sur le sable et regarder les vagues.

La disparition inexpliquée d’un vacancier, dont les restes n’ont pas encore été retrouvés, intrigue évidemment Maja. Elle est à quelques jours de sa retraite anticipée, qu’elle redoute, mais qui ravit son tendre mari Thierry (Kad Merad), qui rêve de passer enfin du temps de qualité avec elle, rien que pour ça : s’asseoir sur la plage, regarder l’océan. La promesse d’une action tant attendue grâce à la présence de la bête de 4 mètres de long pousse Maja à se lancer dans la mission de sa vie : capturer le requin pour terminer sa carrière en beauté. Mais elle a du mal à convaincre les habitants de la station balnéaire qu’après avoir tout fermé pour cause de COVID, la saison touristique est cette fois menacée par un animal.

C’est en 2017, un an après le succès de leur premier long métrage, une comédie dramatique un peu décalée « Willy 1er », coécrite avec Marielle Gautier et Hugo P. Thomas, que les jumelles Boukherma ont commencé à écrire ce film, désireux de s’essayer à ce qu’ils aimaient quand ils étaient enfants : la comédie de genre. Mais ils ont eu du mal à trouver le crochet. A l’époque, l’actualité en France, marquée par le thème de la radicalisation, les incite à s’attaquer à un autre scénario, celui de « Teddy » (sélection officielle Cannes 2020), mettant en scène un loup-garou. Et « Year of the Shark » a dû sauter une manche.

« Le COVID a fini par nous fournir l’angle d’attaque que nous recherchions, explique Ludovic Boukherma. Comme COVID, notre requin a semé le chaos et était, au début, un monstre sans visage opposant ceux qui y croient à ceux qui n’y croient pas. Ça gâche les choses pendant un moment, puis les gens vont parler d’autre chose. Cette année est l’année du requin. L’année prochaine, il y aura une autre chose à propos de laquelle s’énerver. En arrière-plan, le film aborde également la violence sur les réseaux sociaux et le réchauffement des océans qui ont conduit le requin jusqu’aux côtes françaises. Mais s’il peut faire réfléchir sur ces enjeux majeurs à un moment où les crises se succèdent à un rythme sans précédent, « Year of the Shark » reste surtout un film drôle et divertissant, avec une cinématographie et un jeu d’acteur impeccables.

Diplômés de l’École de la Cité, fondée par Luc Besson, Zoran Boukherma et son frère autodidacte Ludovic, licencié en langues, ont tourné l’intégralité du film en juin et juillet 2021, entre le Cap Ferret et Biscarrosse, dans leur pays natal. Sud-ouest. Ils ont profité des leçons passées : contrairement à Steven Spielberg, qui a eu des ennuis en 1975 avec de l’eau salée endommageant son requin, ils ont tourné dans l’un des deux lacs de Biscarrosse. C’était surtout pour éviter la houle de l’Atlantique et pouvoir tirer plus sereinement, ajoutent-ils. En post-production, il suffisait alors d’effacer l’horizon.

Par souci de réalisme dans les scènes d’action, les réalisateurs ont également choisi de confronter les acteurs à la « bête » en optant pour un animatronique grandeur nature, et non pour une incrustation en post-production. Eux aussi ont eu leur part de mésaventures : dues à une météo capricieuse cet été-là et à un animatronique reçu peu avant le tournage, à cause d’un planning très serré. « Les techniciens ont appris à s’en servir presque sur le tas. Le premier jour, il est resté coincé dans la boue pendant quatre heures ! se souvient Zoran Boukherma. «Nous voulions également que ce monstre soit physiquement là et non créé numériquement parce que nous aimons le fait qu’il puisse parfois sembler un peu faux. C’est un clin d’œil aux requins en carton des vieux films et cela nous permet de supposer qu’il s’agit d’un monstre fictif et non d’un vrai requin. Pour soutenir cet hommage, ils ont également inclus la phrase la plus célèbre de « Jaws »: « Vous allez avoir besoin d’un plus gros bateau. »

Souhaitant mettre l’accent sur l’aspect fictionnel, les frères ont opté pour une prise de vue au grand angle : « Cela donne à notre film sa propre identité et ne laisse aucun doute sur le fait que nous sommes dans une fiction. [film]. Nous aimons l’idée d’avoir une région qui existe, mais un univers fictif. Ils mettent aussi leur Sud-Ouest chéri à l’honneur à travers leur casting, comprenant des acteurs non professionnels castés dans la région : « Sur le plateau, on aime tout contrôler. Mais travailler avec des comédiens non pros provoque des petits « accidents » : parfois ils ne se placent pas correctement sur le terrain ou oublient une ligne de texte, ce qui surprend les comédiens pros. Ces petites erreurs créent une étrangeté que nous aimons avoir dans nos films.

Lors de l’interview, Ludovic et Zoran Boukherma parlent d’une même voix. Sur un plateau, c’est pareil, confient-ils. « Il n’y a jamais de conflit. Et si on n’est pas d’accord sur un point, ça permet d’en parler, de faire évoluer le film », précise Ludovic. Zoran poursuit : « C’est tellement stressant de faire un film, je ne pense pas qu’on en fasse jamais un séparément. Je ne sais pas comment les autres le font seuls. Beaucoup d’écrivains autour de nous recherchent un co-scénariste. Nous sommes en avance sur le jeu : nous avons déjà le co-scénariste parfait. Pour les Boukherma, le cinéma est vraiment devenu une affaire de famille : leur frère Youri est costumier et a travaillé sur « L’année du requin ».

Pourtant, plus jeunes, Ludovic et Zoran pensaient ne jamais pouvoir réaliser leur rêve : « Nous avons grandi dans une petite ville à des années-lumière du cinéma. Réalisateur semblait un métier inaccessible. Mais tous les jours après l’école, nous écrivions des scénarios ensemble et tournions des courts métrages. Notre chance a été de croire aux films sans budget. Convaincre les producteurs pour notre premier long métrage était alors facile. Sélectionné par l’ACID au Festival de Cannes, « Willy 1er » lance la carrière de Boukherma à 23 ans. « Nous n’avons pas eu le temps d’étudier le cinéma beaucoup plus longtemps, car cela a commencé si vite. On a tellement peur que ça s’arrête qu’on passe tout notre temps à écrire », raconte Ludovic. L’avenir, cependant, s’annonce radieux : l’été prochain, ils tourneront une adaptation de livre. « La production est venue nous chercher pour ce gros projet. Nous faisons une pause dans le genre, mais cela ne veut pas dire que nous allons arrêter de le faire.

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