jeudi, mars 6, 2025

L’Allemagne face à des défis financiers : la possibilité d’un endettement supplémentaire de mille milliards

Les finances publiques allemandes montrent une robustesse notable malgré un endettement prévu de 500 milliards d’euros pour des investissements. Ce projet pourrait atteindre près d’un trillion d’euros, soulevant des interrogations sur la viabilité à long terme. Les experts divergent sur les implications de cette dette, certains craignant un ratio dépassant 100 % du PIB. Les risques incluent des retards dans les réformes économiques, une pénurie de main-d’œuvre qualifiée et une potentialité d’inflation accrue.

Viabilité des Finances Publiques Allemandes

Les finances publiques de l’Allemagne affichent une solidité remarquable, même face à l’augmentation des fonds spéciaux et à un assouplissement du frein à l’endettement. L’incursion de nouvelles dettes de plusieurs milliards n’affecte pas la solvabilité du pays, au contraire, elle pourrait offrir des opportunités. Toutefois, ce projet n’est pas sans risques.

Un Emprunt Massif pour l’Avenir

Les chiffres sont impressionnants : la prévision d’un endettement supplémentaire de 500 milliards d’euros pour financer des investissements dans les infrastructures a été convenue par les chefs des potentiels nouveaux partenaires de coalition CDU, CSU et SPD. Les dépenses de défense, qui dépassent 1 % du produit intérieur brut (PIB), ne seront pas intégrées dans le calcul du frein à l’endettement. Si le budget de la défense grimpe à 3,5 %, cela pourrait représenter un emprunt de 110 milliards d’euros par an. La question demeure : quelle sera l’ampleur réelle des augmentations de dépenses dans ce domaine sous un nouveau gouvernement ?

Durant la prochaine législature, ces nouvelles dettes pourraient atteindre près d’un trillion d’euros, soit environ 12 000 euros par habitant en Allemagne, de l’enfant aux personnes âgées. Cela soulève des interrogations : l’Allemagne peut-elle se permettre un tel endettement ? Ou bien cela risque-t-il de devenir un poids insupportable pour l’État et l’économie ? L’agence de notation Scope tire la sonnette d’alarme : avec les mesures annoncées, le montant total de la dette pourrait atteindre 3,6 trillions d’euros, représentant environ 72 % du PIB d’ici 2029, ce qui serait supérieur au niveau de 63 % prévu pour fin 2024, bien que restant en dessous du pic de 80 % enregistré après la crise financière mondiale.

Il est important de noter qu’un niveau record de dette, atteint en 2010, s’est avéré viable. « À l’époque, l’Allemagne a pu maintenir sa note AAA », souligne Eiko Sievert, analyste chez Scope. Avant la crise du coronavirus, le ratio de la dette avait été réduit à moins de 60 %. Cette réduction a été largement facilitée par une période de forte croissance économique. Ainsi, il sera crucial que les dépenses supplémentaires soient orientées vers des investissements générateurs de croissance, selon Florian Schuster-Johnson, expert en politique financière.

Pour soutenir la croissance, Schuster-Johnson estime qu’un assouplissement du frein à l’endettement est nécessaire face aux déficits budgétaires colossaux. « Nous devrions nous inquiéter davantage de notre capacité à financer nos infrastructures et services publics que de notre niveau d’endettement. En effet, comparativement aux autres pays, notre niveau de dette n’est pas excessif, » souligne-t-il. À titre de comparaison, le ratio de la dette des États de la zone euro était de près de 90 % du PIB à la fin de 2024, tandis que celui des États-Unis atteignait 124 %.

Les Risques de l’Endettement

Les inquiétudes concernant la viabilité de l’Allemagne ne se limitent pas à l’endettement. Selon des estimations variées sur le montant de l’emprunt futur et les taux d’intérêt, les économistes divergent quant à l’évolution à long terme de la charge de la dette. Friedrich Heinemann, économiste au Centre de recherche économique européenne, craint que le ratio de la dette dépasse 100 % du PIB d’ici 2034 si les nouvelles règles sont pleinement exploitées et que 1,8 trillion d’euros de dettes supplémentaires sont contractées. Cela pourrait rapidement faire de l’Allemagne l’un des pays à forte endettement de l’UE.

En revanche, l’économiste Peter Bofinger estime que le ratio pourrait rester stable avec un emprunt d’un trillion d’euros sur dix ans, à condition que la croissance économique nominale atteigne 3,5 %. Même si la croissance économique nominale reste à un niveau bas d’environ 2,5 %, le ratio de la dette pourrait n’atteindre que 70 % du PIB d’ici 2034.

Cependant, malgré la gestion actuelle de la dette, ce plan d’investissement colossal comporte des risques. L’économiste Veronika Grimm met en garde contre le fait que cette immense endettement pourrait retarder des réformes nécessaires pour dynamiser l’économie. De plus, certaines entreprises font face à un manque de main-d’œuvre qualifiée, ce qui risque de freiner la réalisation des projets financés par ces milliards.

Si des secteurs comme la construction et l’armement parviennent à recruter, ils devront tout de même surmonter des défis de formation et de logistique. La bureaucratie allemande et les longs délais de planification peuvent également entraver l’exécution rapide de ces investissements. L’économiste Volker Wieland prédit que beaucoup de cet argent pourrait être « dépensé pour des subventions et des projets surévalués ».

Le gaspillage d’argent public n’est pas le seul risque. Les coûts pour les services de construction et l’énergie pourraient également augmenter, ce qui pourrait raviver l’inflation.

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