La revue Easy Life de Marguerite Duras – expériences de jeunesse | Fiction

Ml’argumentaire Duras était un phénomène littéraire. Feuilleter sa bibliographie, c’est dénicher une masse de romans, de nouvelles, de pièces de théâtre, de scénarios, dans une vie créative de 1943 jusqu’à sa mort en 1996. Dans La Vie facile, première traduction anglaise de son deuxième roman, publié en France en 1944, la quintessence du ton de Duras est déjà là – phrases saccadées dépouillées, introspection sans remords.

Duras est surtout connue aujourd’hui pour L’Amant, un roman écrit alors qu’elle avait 70 ans ; une version fictive de sa propre histoire d’amour de jeunesse en Indochine française (aujourd’hui le Vietnam) avec un Vietnamien chinois, elle a remporté le prix Goncourt et a été transformée en un film à succès. Duras a souvent pillé sa propre vie comme sujet : dans La vie facile, elle se tourne vers le village reculé du sud-est de la France d’où son père était originaire et qu’elle avait visité à l’adolescence. Et il présente l’un des thèmes irrésistibles de la propre vie de Duras : son attachement passionné à un frère mort jeune, un an avant qu’elle n’écrive le roman.

La vie facile est centrée sur une famille d’agriculteurs isolée : parents, fils Nicolas, belle-fille Clémence, fille Francine la narratrice et locataire/ouvrier agricole Tiène. Un septième titulaire, l’oncle Jérôme, est éliminé dès les premières pages, tué dans une bagarre avec Nicolas. Avec ce premier décès s’installe le climat d’un ménage empreint de ressentiment, de méfiance et de trahison. Jérôme était responsable du départ en disgrâce de la famille d’une vie citadine prospère antérieure; il avait couché avec Clémence. Francine, participante mais aussi observatrice détachée, est amoureuse de Tiène, la pensionnaire. Donc, une famille joliment dysfonctionnelle, et la toile de fond du récit de Francine, qui remplit le passé et le présent dans le style épuré de Duras.

Il semble que l’éditeur chez Gallimard qui s’est chargé de La Vie facile ait eu des doutes, se plaignant d’une « narration confuse » et d’un « manque de contrôle ». La première partie est mouvementée, commençant par la bagarre et une mort, puis plongeant dans le temps alors que Francine raconte ce qui se passe à la ferme, et pourquoi – pourquoi Nicolas a épousé Clémence, la servante « stupide et laide » ; pourquoi il fréquente maintenant la belle Luce Barragues du village voisin; pourquoi Tiène est si solidement ancrée dans la maison. Pourquoi – surtout – la famille s’est échouée là-bas dans des circonstances aussi redressées.

Tout cela est fait efficacement. Il y a urgence et précision dans l’écriture ; Nicolas, Tiène, Luce et Francine elle-même sont des personnages intrigants et crédibles. Le style peut être coupé, mais le cadre et le style de vie sont glissés dans l’action. Il est fait mention de moutons, de deux vaches ; travailler avec des pommes de terre, du tabac, des haricots, du blé. Les hommes s’acharnent toujours le jour, disparaissant de la ferme dans les champs, le paysage de cultures, de bois, une rivière où se déroule un pique-nique familial, dans une scène séminale de tension émotionnelle entre Nicolas, Luce, Tiène et Francine . Les parents sont quelque peu mis à l’écart, même s’il est précisé que Francine est dévouée à sa mère. L’action est conçue pour se concentrer sur les quatre jeunes, et le fait avec un drame inattendu, de sorte que le récit de la deuxième partie bascule d’un coup vers une autre tonalité, une nouvelle complexité.

Francine est maintenant désolée, embourbée dans le chagrin. Elle s’envole pour une station balnéaire qu’elle a toujours voulu visiter – à 25 ans, elle n’a guère connu que la claustrophobie du foyer. Elle s’enferme dans une pension de famille pendant deux semaines, et le lecteur a droit à un long monologue d’introspection, interrompu occasionnellement par d’autres récits du déclin de la famille dans son malaise actuel. Mais principalement cette section difficile est un commentaire opaque sur l’auto-absorption de Francine. Vous lisez encore et encore des passages pour en démêler le sens : « Je regarde mes genoux ou mes seins qui soulèvent ma robe et aussitôt ma pensée se courbe et revient vers moi, obéissante. Je pense à moi. Mes genoux de vrais genoux mes seins de vrais seins. Une observation qui compte. Ce style maniéré d’abstraction délibérée peut sembler simplement prétentieux dans un paragraphe, puis servir une ligne éclairante et précise.

Il y a plus à venir, alors que Francine fait un retour clandestin à la ferme, toujours tourmentée par des pensées d’événements et de relations passés. La fin est inattendue et semble arbitraire : vous vous souvenez des commentaires de cet éditeur Gallimard. Mais Duras n’avait que 30 ans lorsque ce roman fut publié. C’est l’écriture de sa jeunesse, expérimentale dans tous les sens, précurseur certes du style clairsemé plus tardif pour lequel elle se distingua, mais peut-être sans sa précision. Et il y a un effet cumulatif important. L’écriture crée un climat efficace pour l’histoire; il a une énergie et une autosuffisance qui traduisent bien la claustrophobie et la tension sexuelle du groupe et du lieu. Francine peut irriter, mais elle est aussi une narratrice persuasive. Huit décennies plus tard, le talent naissant de Duras est exposé ici.

Penelope Lively’s Metamorphosis: Selected Stories est publié par Fig Tree. The Easy Life de Marguerite Duras, traduit par Emma Ramadan et Olivia Baes, est publié par Bloomsbury (12,99 £). Pour soutenir le Guardian and Observer, commandez votre exemplaire sur guardianbookshop.com. Des frais de livraison peuvent s’appliquer.

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