Ce livre est un récit intrigant des procès de sorcières, de l’impuissance politique coloniale américaine et de l’ignorance ecclésiastique ainsi que de l’hystérie générale des foules. C’est aussi une histoire de passage à l’âge adulte sur Sarah Carrier qui avait 10 ans au moment des chasses aux sorcières et des procès de Salem, dans le Massachusetts. S’appuyant dans une certaine mesure sur l’histoire orale de la famille depuis qu’un de ses ancêtres a été exécuté lors des procès ainsi que sur ses propres recherches sur la période, l’auteur crée une histoire intrigante qui explore la nature de la peur, de l’amour, de la gentillesse et du pardon. Ni l’auteur ni l’éditeur ne donnent aucune idée de la part de cette histoire qui est de la fiction historique et de la part des faits réels. Par défaut, le livre doit être classé parmi les fictions historiques et pour jeunes adultes mais sa singularité et son ingéniosité narrative pourraient être grandement rehaussées pour le lecteur si ces proportionnalités étaient explicitées. Au lieu de cela, le lecteur reçoit une histoire aux contours fluides avec un cadre historique richement texturé qui, d’un point de vue strictement structurel, n’est pas différent des romans disponibles dans les épiceries aujourd’hui qui entraînent le lecteur dans un monde de pure fantaisie.
Quel que soit le degré de vérité authentique, l’appétit du lecteur pour les faits sur le terrain est dans une certaine mesure satisfait par les pouvoirs descriptifs méticuleux de l’auteur et le rendu apparemment authentique de l’anglais américain du XVIIe siècle. Ses scènes et personnages semblent très réels et le sentiment d’appréhension qui a dû entourer cette période sombre de l’histoire américaine est communiqué assez efficacement. Une épidémie de variole, des Indiens en maraude et des chasses aux sorcières délirantes se combinent pour rendre la vie dans la colonie du Massachusetts tout sauf paisible. Ceux qui survivent dans cet environnement hostile sont physiquement et moralement forts, intelligents et adaptables. Bien que ces menaces à la survie soient enfermées dans un moment précis de l’histoire, elles sont sous une forme ou une autre des forces qui ont façonné la vie américaine pendant des siècles : le fanatisme religieux, la maladie et la peur de la famine.
La dérivation du titre, The Heretic’s Daughter, pourrait être l’un ou l’autre des parents de Sarah Carrier et de ses frères et sœurs. Leur père est un Gallois physiquement grand et puissant qui est venu dans le Massachusetts pour la liberté religieuse et économique ; dans son cas, la liberté de ne s’affilier à aucune église et la liberté de faire travailler tous les membres de sa famille, y compris lui-même jusqu’à l’os, pour maintenir la solvabilité de leur ferme. La mère de Sarah, Margaret, est une femme très volontaire et rigoureuse sur le plan éthique qui nie être une sorcière afin de tenir tête aux semeurs de peur et, espérons-le, les exposer comme des lâches. Elle est jugée, condamnée et exécutée avant que ses enfants ne soient libérés de prison par décret législatif. Son caractère hérétique et non-conformiste fait une profonde impression sur sa fille, Sarah et, à son tour, affecte la maturation et l’éthique de la famille au fil du temps.