Une rencontre entre trois anciens présidents sud-coréens semble improbable en raison de leur aversion mutuelle et de la polarisation politique. En parallèle, la situation politique est tumultueuse avec le président Yoon Suk Yeol, confronté à des accusations de corruption et à une possible destitution. La crise met en lumière des failles dans le système démocratique, exacerbant l’instabilité économique et politique du pays, et affecte également les relations avec les États-Unis et le Japon.
Est-il possible qu’une rencontre en personne entre trois anciens présidents de la Corée du Sud ait lieu ? Victor Cha, un politologue américain d’origine coréenne, juge un tel événement peu probable, surtout en comparaison avec ce qui se passe aux États-Unis.
Il est crucial de considérer le destin des anciens dirigeants sud-coréens, souligne Cha dans un article pour un magazine réputé. Depuis la démocratisation en 1988, quatre anciens présidents ont été emprisonnés, trois ont été destitués, et un s’est suicidé à la suite d’enquêtes sur des affaires de corruption.
Bien que trois anciens présidents soient encore en vie et non incarcérés, il est fort probable qu’ils déclinent une réunion en raison de leur aversion mutuelle. La polarisation idéologique entre la gauche et la droite crée une hostilité difficile à surmonter.
Les heures critiques
Le président suspendu Yoon Suk Yeol fait face à de graves menaces de prison. Il a décrété la loi martiale le 3 décembre, justifiant cette décision drastique par la nécessité de contrer une opposition qu’il accuse de collusion avec des ennemis communistes.
La réaction du parlement et de la population a été rapide et ferme face à cette atteinte à la démocratie. Des députés se sont barricadés dans l’Assemblée nationale, tandis que des centaines de milliers de citoyens ont formé un cordon de protection autour du parlement, alors que des forces spéciales se préparaient à intervenir.
Après six heures de tension, la situation semblait s’apaiser, mais la crise d’État persistait. Chaque semaine, la question de qui contrôle réellement Séoul reste en suspens. Suite au départ forcé de Yoon, son Premier ministre Han Duck Soo a brièvement pris les rênes, avant d’être lui aussi destitué par un parlement dominé par l’opposition. Le ministre des Finances est ensuite devenu président par intérim.
Yoon, obstiné dans son refus de se soumettre à un interrogatoire judiciaire, a réussi à éviter une arrestation grâce à la protection de ses partisans. Les rues de Séoul sont désormais le théâtre de manifestations et de contre-manifestations, illustrant un État de droit incapable d’agir contre un président retranché dans sa résidence. La ville vit des jours de chaos.
La Corée du Sud aspire à être un modèle de démocratie, mais cela est tempéré par les abus de l’appareil de sécurité et la concentration des pouvoirs exécutifs. Les fondements d’un ordre démocratique sont en train de se fissurer dangereusement. Si ces fractures ne sont pas réparées, le tigre économique sud-coréen pourrait perdre bien plus que sa réputation.
Conséquences dévastatrices
Les actions de Yoon ont déjà causé des dommages considérables. La Corée du Sud, qui se présente souvent comme un bastion de stabilité en Asie, apparaît désormais comme un territoire instable.
Quand la Corée du Sud, un allié clé des États-Unis dans une région géopolitiquement délicate, retrouvera-t-elle un semblant de normalité ? La réponse reste incertaine. La Cour constitutionnelle doit d’abord décider de la légalité de la procédure de destitution contre Yoon, un processus qui pourrait s’étendre sur 180 jours, avec des vacances judiciaires potentiellement retardant encore les débats.
À cause des troubles internes, la stratégie de Yoon envers le Japon, un projet phare de son mandat, est mise en attente, tout comme l’alliance de sécurité trilatérale envisagée avec les États-Unis et le Japon pour contrer les menaces nord-coréenne et chinoise.
Cette crise sert également les intérêts de la nouvelle administration à Washington. Comme lors du premier mandat de Donald Trump, des négociations difficiles sur le financement des troupes américaines en Corée du Sud se profilent. Les 28 500 soldats américains représentent une forme de garantie pour la sécurité sud-coréenne. Face à cette instabilité politique, Séoul aborde ces négociations dans une position de faiblesse.
Il n’est donc pas surprenant que l’économie en pâtisse également. La bourse a temporairement chuté, tout comme la monnaie nationale. Les investisseurs évoquent à nouveau le « discount coréen », une baisse de la valeur des actifs sud-coréens due à l’incertitude politique ambiante.
Un problème systémique
Il serait réducteur de se concentrer uniquement sur Yoon pour analyser cette crise. Bien qu’il joue un rôle central dans le désordre actuel, son comportement a également mis en lumière des failles plus profondes dans le système démocratique sud-coréen :
Le président détient un pouvoir excessif, et l’absence de mécanismes de contrôle a permis à Yoon de gouverner comme un clan. Il a placé des alliés proches à des postes clés au sein du parquet, des services de renseignement, de l’armée et de la police, rendant toute réponse institutionnelle difficile. Même le service de sécurité présidentielle, qui a empêché son arrestation, est dirigé par un fidèle.
La direction militaire a tenté de se présenter comme une victime après la tentative de coup d’État infructueuse, mais cela n’a pas dissipé les doutes quant à son engagement démocratique. Lors de l’arrestation du président suspendu, des membres de l’armée ont également montré des signes de loyauté envers lui, bafouant ainsi la séparation des pouvoirs.
Depuis la démocratisation de la Corée du Sud à la fin des années 1980, la politique est marquée par une lutte intense. La gauche, longtemps opprimée par des régimes militaires, se considère dans un conflit permanent et a lancé une série de procédures de destitution contre des dirigeants conservateurs. Lorsqu’elle était au pouvoir, elle a purgé l’appareil bureaucratique selon ses idéaux, utilisant les procureurs pour régler des comptes.