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Albert Camus
Je ne voyais que de la supériorité sur moi-même, ce qui expliquait ma bienveillance et ma tranquillité d’esprit.
Vous êtes assis dans un bar à Amsterdam – la ville de Mexico – juste après la guerre mondiale, lorsque vous rencontrez par hasard un être ordinaire, un homme simple surgissant sur la scène de votre vie. Jean-Baptiste Clamence tombe sur vous comme un citoyen ordinaire qui vous dit qu’il a été avocat mais qu’il est aujourd’hui juge-pénitent. Une étrange émotion provoquée dans votre conscience par l’annonce de sa profession. Vous ne savez pas ce que cela veut dire – juge-pénitent, mais il promet de vous l’expliquer. Il raconte à la première personne, expliquant que vous êtes tous les deux parisiens, vous avez tous les deux la quarantaine, et vous êtes tous les deux des hommes. Jean-Baptiste Clémence vous emmène dans un voyage où il vous fait traverser son être réel après avoir décollé couches après couches de ses personnages inauthentiques qu’il a érigés pour se réconforter contre les yeux incisifs de Les autres, cependant seulement pour déformer son être par de nouveaux. Vous êtes surpris par une terreur soudaine en réalisant que l’homme que vous rencontrez alors est en fait comme vous, c’est votre propre être, en fait il représente toute l’humanité, la condition universelle – la vacuité de l’existence humaine. Bienvenue dans le monde de Camus.
Je voulais briser le mannequin que je présentais au monde partout où j’allais, et m’exposer à un examen minutieux de ce qu’il y avait dans son ventre.
Le narrateur prétend qu’il a déjà vécu une vie bonne et satisfaite de lui-même, se croyant un citoyen modèle.
Toutefois. J’étais du bon côté, et cela suffisait à apaiser ma conscience. Le sens de la légalité, la satisfaction d’avoir raison et la joie de l’estime de soi : voilà, mon cher monsieur, de puissantes incitations pour nous tenir debout et aller de l’avant.
Clamence, dans sa position de juge-pénitent, incarne la nécessité humaine de juger, et le besoin de condamner. Le désir inné des êtres humains de juger agit comme la source même de la fausse morale. Il crée une sorte d’illusion autour de lui basée sur les traits d’auto-apaisement, cependant le charme, créé par ces « traits », brisé au néant pendant une nuit alors qu’il se promenait sur la Seine, observe une que cette femme se jette de la rive du fleuve et à une mort certaine. Il se tient là à écouter les cris de la femme mais il ne peut pas bouger pour l’aider. Sa chute déclenche celle de Clamence. Dans un autre incident, Clamence découvre qu’il est coincé derrière une moto qui a calé devant lui et qu’il est incapable de continuer une fois que le feu passe au vert. D’autres voitures derrière lui se mettent à klaxonner, et Clamence demande poliment à l’homme à plusieurs reprises s’il voudrait bien retirer sa moto de la route afin que d’autres puissent le contourner ; cependant, à chaque répétition de la demande, le motard devient de plus en plus agité et menace Clamence de violences physiques. , Clamence, totalement humilié, se contente de regagner sa voiture et s’éloigne. Plus tard, il se remémore « cent fois » ce qu’il pense qu’il aurait dû faire, à savoir frapper son interlocuteur, puis poursuivre le motard et le chasser de la route. Après avoir été frappé en public sans réagir, il ne m’était plus possible de chérir cette belle image de moi-même. Si j’avais été l’amie de la vérité et de l’intelligence que je prétendais être, qu’est-ce que cet épisode aurait pu m’importer ? Elle était déjà oubliée par ceux qui en avaient été témoins. Pour Clamence, la collision de son vrai soi avec son image de soi gonflée et la réalisation finale de sa propre hypocrisie deviennent douloureusement évidentes. Éveillé à la réalité à la fois de la sienne et de la culpabilité de l’humanité tout entière, Clamence se retire de sa vie sédentaire construite autour de caractéristiques apparemment fausses d’auto-apaisement et choisit plutôt de passer ses journées à raconter son histoire dans l’espoir que d’autres seront réveillés alors qu’il a été, et en étant ainsi alléger le fardeau qu’il porte lui-même. Clamence s’approprie cette vie misanthrope avec aisance, se déclarant « juge-pénitent », à la fois condamné et condamnant.
Le visage de la moralité représenté par Clamence, s’avère en fait être une illusion de la moralité, une moralité ne se construit pas autour de l’intégrité mais plutôt autour de fausses notions de droiture. Cependant, le récit soutient une vérité soulignant que le faux placage que Clamence enroule autour de son être prend naissance par nécessité pour vivre une vie apparemment vertueuse – aux yeux de L’autre. Mais cela conduit à une existence inauthentique et creuse qui imprègne le récit simple du livre mais vous montre l’hypocrisie de votre existence elle-même. Et toute votre existence frémit d’une terreur inexplicable en réfléchissant à la vacuité de votre être même. Le dégoût de soi qui en découle vous fait réaliser que toute votre existence est un catalogue de culpabilité, d’hypocrisie et d’aliénation en tant que moralité, vous construisez votre vie, déchirée par la rencontre avec les dures réalités de l’existence. La chute que Clamence éprouve n’est pas seulement sa chute, c’est la chute de toute l’humanité alors que toute votre histoire d’existence est construite autour de telles normes fausses et auto-apaisement, autrement creuses en son cœur.
Une seule phrase suffira à l’homme moderne : il fornique et lit les journaux.
Tout en reconnaissant que l’isolement est le seul moyen de commencer à se libérer des attentes des autres et d’éviter la mauvaise foi de Sartre, Clamence prêche l’esclavage – l’abdication de la liberté – comme le seul moyen d’être heureux. Comme disait Sartre, nous sommes condamnés à être libres. C’est l’un de ses nombreux diaboliques.
Je suis bien conscient du fait qu’on ne peut pas se passer d’être dominant ou d’être servi. Tout homme a besoin d’esclaves comme il a besoin d’air frais. Donner des ordres, c’est comme respirer, tu es d’accord ?
Dans un monde de morale seulement relative, l’autorité, semble suggérer Clamence, est la seule racine de la vérité objective. Mais si vous la questionnez au niveau ontologique, vous constatez que cette affirmation est contredite par la propre tentative de Clamence de s’élever à la position de juge, où vous trouvez une incohérence logique alors que l’humanité tente de se juger elle-même sans être transcendant.
L’essentiel est de pouvoir se laisser faire n’importe quoi, en déclarant de temps en temps haut et fort sa propre indignité. Je me permets tout, encore une fois et cette fois sans rire. Je n’ai pas changé mon mode de vie : je m’aime toujours et j’utilise toujours les autres. C’est juste que confesser mes péchés me permet de repartir le cœur plus léger et de me satisfaire deux fois, d’abord profiter de ma nature, puis un délicieux repentir.
Et vous trouvez que le monde de Clémence n’est pas différent de celui de Mersault, car il fait face aux problèmes de l’anonymat et de l’indifférence dans la vie moderne, seulement pour exposer la nature absurde de la vie dans laquelle les êtres humains ont tendance à trouver un sens à la vie et totalement incapables de trouver un . En tant que personnage, Clamence incarne l’égoïsme qui se dresse entre l’homme et l’expérience authentique, et la vraie moralité pour la communauté, pas seulement pour soi. Seul un novice dirait que Clamence est la propre voix de Camus, retraçant naïvement les éléments biographiques dans les livres, cependant, le personnage de Clémence représente le reflet d’un homme moderne vivant dans l’après-guerre. Le sentiment nihiliste qu’il éprouve face à l’absurdité de la vie le pousse à emprunter la voie de la facilité, à ne se rabattre que sur de nouvelles notions fausses. Son incapacité à vivre entre le mal et la droiture – dans l’état absurde de la vie – crée une fausse morale. Clamence fait l’expérience de l’effroi de Kierkegaard. En choisissant d’embrasser une vie de jugement, il devient un prophète déchu.
Le narrateur vous fera traverser « l’enfer bourgeois » d’Amsterdam par son monologue sur la culpabilité, l’hypocrisie et l’aliénation. Il nous prend au piège dans son monde de miroirs et de tromperies, transmettant l’universalité de son message tout en offrant suffisamment de précision dans les détails pour que nous soyons conscients des références à des événements et à des personnalités explicites, même si nous ne savons pas quoi et qui ils sont. Sartre l’appelait autrefois « la plus belle et la moins connue » des œuvres de Camus. L’observation de Sartre allait droit au but puisque le texte multicouche de ce livre hautement allusif crée une atmosphère effrayante derrière son langage simple et son récit direct. Bien que la divergence entre la pensée de Sartre et celle de Camus soit devenue évidente bien plus tôt, la révision par Sartre de Le rebelle en a fait l’une des batailles littéraires les plus célébrées du 20e siècle. On pourrait supposer, peut-être à juste titre, que le roman a été écrit, au moins en partie, pour exprimer les sentiments de Camus à propos de la querelle avec la gauche (comme Sartre avait été le champion du marxisme), mais le roman semble avoir des références aux idées de l’existentialisme sartréen. Dans L’être et le néant, Sartre avait posé un monde dans lequel les individus humains sont totalement libres, mais dans une lutte constante pour défendre leur liberté contre l’empiétement des autres qui tenteront de les dominer, les limiter et les contraindre. Ces tentatives peuvent prendre la forme d’une oppression ouverte ou plus subtilement, d’amour et d’affection, émotions que l’existentialiste sartrien est empreinte de mauvaise foi – mauvaise foi du genre de celle que Clémence semble décrire lorsqu’il parle de sa découverte que
« la modestie m’a aidé à briller, l’humilité à triompher et la vertu à opprimer ».
Observé avec jugement et asservissement, Clamence est aussi un existentialiste, dans l’angoisse qui accompagne sa compréhension de la condition humaine et de son absurdité. On peut trouver que Clamence est un portrait satirique de Sartre, quelque chose semble indéniable étant donné les circonstances dans lesquelles le roman a été écrit, certains peuvent même empêcher que Clamence soit un portrait de Camus lui-même comme même certains des critiques font de même. Peut-être qu’il a des traits des deux. L’aveu du « juge-pénitent » peut être en réalité une accusation. Dans ce cas, cela ramène tout droit à l’existentialisme, on pourrait le retracer dans le carnet de Camus qui dit : « Existentialisme. Ce qu’ils s’accusent, on peut être sûr que c’est toujours pour condamner les autres. Juge-pénitents.
Je ne savais pas que la liberté n’est pas une récompense ou une décoration que l’on trinque au champagne. Ce n’est pas non plus un cadeau, un coffret de gourmandises qui vous mettra l’eau à la bouche. Oh non! Au contraire, c’est un cadeau dur et une course de fond, tout seul, très épuisante. Pas de champagne, pas d’amis qui lèvent leur verre et vous regardent affectueusement. Seul dans une pièce morne, seul sur le quai devant soi et devant le jugement des autres. A la fin de chaque liberté il y a une phrase, c’est pourquoi la liberté est trop lourde à supporter, surtout quand tu as de la fièvre ou que tu es en deuil ou que tu ne perds personne.
Je suis la fin et le début, j’annonce la loi. Bref, je suis juge-pénitent.
C’est l’un de ces livres qui vous obligent à réfléchir activement à ce que l’auteur a à dire sous son récit simple. Et vous seriez étonné de voir son effet profond sur plusieurs lectures. Si vous êtes prêt à dépasser les exigences conventionnelles d’un livre, l’univers de Camus est fait pour vous.
5/5
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