lundi, décembre 23, 2024

Juliette Binoche parle d’agir et de « se sentir sans valeur » après avoir été invitée à ne pas assumer le rôle de producteur

L’actrice française oscarisée Juliette Binoche a donné un second souffle à sa carrière tentaculaire avec des performances saisissantes dans la comédie dramatique « Let The Sunshine In » de Claire Denis et la science-fiction « High Life » (en face de Robert Pattinson). Mieux connue du public américain pour ses rôles romantiques dans « The English Patient » d’Anthony Minghella et « Chocolat » de Lasse Hallström, Binoche a travaillé avec certains des cinéastes les plus vénérés du monde, dont Abbas Kiarostami (« Copie Conforme »), Leos Carax ( » Les amants du Pont-Neuf »), Michael Haneke (« Caché ») et Olivier Assayas (« Clouds of Sils Maria »).

Dans son dernier film, « Entre deux mondes », Binoche incarne une auteure bien connue de Paris qui se rend secrète dans le nord de la France pour son nouveau livre sur les travailleurs mal payés confrontés à des injustices. Embauchée comme femme de ménage, elle subit les conditions de travail brutales et précaires tout en créant des liens avec d’autres femmes. Le film, dont le casting était essentiellement composé de non-professionnels et de locaux, a été adapté du best-seller de Florence Aubenas « Le Quai de Ouistreham ». Le film faisait partie de la sélection officielle de Cannes 2020 et a connu un lancement robuste dans les salles françaises le 12 janvier, attirant plus de 100 000 entrées lors de son premier week-end.

Tout en faisant la promotion de « Entre deux mondes » lors des Rendez-vous Unifrance à Paris, Binoche a parlé franchement de sa volonté de jouer dans des films politiquement ou socialement pertinents, de son désir de travailler avec des cinéastes émergents, de son ouverture aux projets télévisés et pourquoi elle n’a pas Je ne produis pas « Entre deux mondes ».

Comment était-ce de jouer aux côtés de femmes qui étaient de vraies femmes de ménage et qui n’avaient jamais joué dans un film auparavant?

C’est formidable de construire des ponts entre des mondes éloignés et apparemment si difficiles à connecter. Emmanuel Carrère a choisi des non-professionnels qui jouent des rôles proches d’eux dans la vraie vie plutôt que des acteurs, et je pense que c’était le meilleur moyen d’être authentique, fidèle à l’histoire et de donner la parole à ces gens… C’est important de parler sur la pauvreté en ce moment parce que nous sommes dans cette crise qui amplifie le fossé entre les plus riches et les plus pauvres. Cela ne fera qu’empirer.

Vous avez travaillé avec certains des meilleurs cinéastes français et étrangers. Comment équilibrez-vous les projets des deux côtés de l’Atlantique ?

Je n’essaie pas nécessairement d’avoir un équilibre dans ce que je fais parce que la langue n’a pas tellement d’importance. Vous pouvez faire un film en anglais que personne ne regarde, ou en faire un en français qui voyage partout. Quand on me propose des rôles en français ou en anglais, je regarde le cinéaste ou le thème, c’est ce qui compte le plus. Parfois, je n’arrive pas à identifier la raison pour laquelle j’ai dit oui à un projet jusqu’à ce que nous commencions à tourner, et je me dis : « Oh oui, c’est pour ça que je dois faire ça ! »

Je viens de faire un film tourné dans le Mississippi (« Paradise Highway » d’Anna Gutto). C’est un premier film mais j’ai bien aimé le scénario et la perspective de jouer un camionneur ! Je n’aurais jamais imaginé jouer un camionneur ! J’ai pensé que c’était un défi qui en valait la peine. J’étais attiré par l’incongruité et la perspective de me lancer dans une nouvelle aventure. En tant qu’acteur, c’est excitant de ne pas savoir si vous pourrez vous remettre sur pied comme un chat après une chute de six étages… Si vous ne cherchez que la sécurité, mieux vaut travailler dans un bureau.

Êtes-vous intéressé à faire plus de travail à la télévision?

J’ai fait un épisode de ‘Call My Agent’ avant mais ça ne compte pas parce que c’était seulement trois jours de tournage, et l’été dernier j’ai fait ma première série complète (« The Staircase ») réalisé par Antonio Campos, un réalisateur américain qui fait à la fois des films et des émissions de télévision. J’ai été stupéfait par le processus; il y a tellement d’épisodes et on a commencé par tourner la fin ! Je vais bientôt faire un autre projet télé donc oui, c’est quelque chose auquel je pense. Le cinéma c’est compliqué en ce moment… La distribution, le financement ; il est difficile. L’une des raisons pour lesquelles j’ai accepté ce prochain projet télévisé est de pouvoir faire des films plus petits. Ensuite, je jouerai dans un projet de Lance Hammer qui a réalisé « Ballast ». C’est quelqu’un que j’aime beaucoup, et son prochain film est un petit projet très excitant.

Avez-vous le sentiment que les réalisatrices gagnent du terrain dans l’industrie cinématographique ?

Il semble y avoir de plus en plus de femmes réalisatrices, et en France, cette tendance à la hausse est flagrante. Aux États-Unis, cela semble toujours être un combat. Je viens de faire « Paradise Highway » avec Anna Gutto, qui vient de Norvège et vit aux États-Unis depuis 20 ans, mais cela n’a pas été facile pour elle d’embarquer dans ce projet. C’est une des raisons pour lesquelles j’ai voulu faire ce film avec elle.

Puisque vous êtes tellement investi dans chaque film dans lequel vous jouez, avez-vous déjà envisagé de passer derrière la caméra pour produire, coproduire ou même réaliser vos propres films ?

Je voulais produire « Entre deux mondes » mais Emmanuel Carrère ne voulait pas que je le fasse. Cela m’a fait mal et je me suis senti humilié. Je suis arrivé sur le plateau en me sentant inutile. Mais finalement j’ai pu canaliser ce sentiment et c’était la meilleure préparation pour ce film. Mais je ne lui ai pas gardé rancune. Je me rends compte qu’Emmanuel ne me connaissait pas, et je pense qu’à l’avenir si je [asked] qu’il fasse un film avec moi en tant qu’acteur et producteur il accepterait… J’ai aussi des idées de films et ça me donne envie de sauter le pas… C’est vrai que je commence à m’y connaître en mise en scène !

Mais au [same] fois, j’ai la chance de travailler avec des cinéastes qui ont leurs univers et leur identité cinématographique… C’est aussi excitant de travailler avec des cinéastes émergents parce qu’on peut les guider sans imposer ses idées. Les cinéastes ont toujours besoin d’acteurs pour incarner leurs personnages et donner vie à leurs scénarios ; il y a quelque chose de tellement viscéral et sensuel dans une performance, c’est ce qui donne sa profondeur à un film. Il est donc toujours important de savoir comment nous pouvons contribuer au mieux à un film, que ce soit en tant qu’acteur ou en tant que réalisateur, car c’est une œuvre d’art réalisée en collaboration.

Que pouvez-vous nous dire sur « Fire » de Claire Denis dans lequel vous jouez aux côtés de Vincent Lindon ? J’ai entendu dire que le film serait présenté en première en compétition à la Berlinale.

Il y a deux mots dans le titre original : « With Love and Fury » (« Avec Amour et Acharnement »). J’ai l’impression qu’il y avait plus de fureur que d’amour !

Source-111

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