La durabilité est un concept souvent débattu, surtout en lien avec les politiques de gauche, qui prônent des emprunts importants tout en soutenant des initiatives climatiques. Une nouvelle proposition vise à aligner les institutions financières sur les objectifs climatiques, en interdisant le financement de nouvelles énergies fossiles, tout en exemptant les entreprises suisses de cette exigence. Bien que critiquée pour son efficacité, l’initiative pourrait séduire les électeurs en évitant l’imposition de nouvelles taxes.
La Durabilité : Un Concept Ambivalent
La durabilité est un terme qui revient souvent dans les discussions contemporaines. Ce concept évoque la nécessité de laisser un environnement sain aux générations futures. Bien que fréquemment utilisé par la gauche politique, elle entretient une relation ambiguë avec ce principe fondamental. En matière de prévoyance pour la retraite et de gestion financière, la gauche plaide souvent pour des emprunts importants, laissant les jeunes générations porter le fardeau, agissant avec une mentalité du type « après nous, le déluge ».
En revanche, lorsqu’il s’agit de politique climatique, un changement d’approche est observé. La gauche trouve un intérêt dans une politique climatique proactive, favorisant davantage de régulations, de subventions et d’impôts. Récemment, une initiative populaire a été lancée, visant à établir une « place financière durable ».
Des groupes environnementaux tels que WWF, ainsi que des partis de gauche, notamment le PS et les Verts, sont au cœur de cette initiative. Cependant, les initiateurs évitent de la présenter comme une initiative strictement de gauche, en intégrant des membres d’autres partis, tels que les Verts libéraux et le parti du Centre. Un ancien conseiller aux États du PLR, Raphaël Comte, est même impliqué dans le comité d’initiative.
Une Interdiction Encadrée
D’après les termes de l’initiative, les institutions financières, y compris les banques et les caisses de pension, doivent aligner leurs opérations sur les objectifs climatiques internationaux et la biodiversité. Bien que cela puisse sembler vague, l’initiative stipule clairement que les acteurs du marché financier suisse ne doivent plus financer l’exploration ou l’exploitation de nouvelles sources d’énergie fossile. Pour garantir le respect de ces règles, l’initiative propose la création d’une autorité de surveillance dotée de pouvoirs décisionnels et de sanction.
Le texte de l’initiative semble imposer une interdiction stricte, mais il précise également que des « restrictions proportionnelles » devront être mises en place par le législateur. Les domaines d’activité concernés incluent le financement, les transactions sur les marchés de capitaux, les assurances, et la gestion de patrimoine.
Exemptions pour les Entreprises Suisses
Les opérations des institutions financières avec des entreprises suisses sont exclues de l’exigence générale de conformité aux objectifs climatiques. Cette exemption est justifiée par le fait que les entreprises suisses sont déjà soumises à une législation sur la protection climatique, contrairement aux entreprises étrangères. Cette exclusion est politiquement bénéfique pour les initiateurs, qui peuvent affirmer que l’accès aux crédits ne sera pas affecté pour les entreprises et les particuliers suisses.
Les initiateurs se concentrent sur la limitation des investissements dans le charbon, le pétrole et le gaz naturel à l’étranger. Il est à noter que la récente crise énergétique a conduit la Suisse à établir rapidement une centrale à gaz de secours, un fait qui pourrait nuancer la perception de cette initiative.
Un rapport de 2023 a révélé que cinq grandes institutions financières suisses détenaient, en septembre 2022, au moins 22 milliards de dollars en actions d’entreprises impliquées dans l’exploration de nouvelles réserves de pétrole ou de charbon. De plus, des financements d’au moins 8 milliards de dollars ont été accordés par UBS et Credit Suisse à ces entreprises entre avril 2021 et août 2022. Selon les initiateurs, l’assurance « Zurich » figure parmi les plus grands assureurs mondiaux d’entreprises exploitant des ressources fossiles.
Un Contournement Politique
Il est paradoxal de demander une interdiction de financement pour des projets qui ne sont pas eux-mêmes prohibés. Comme la Suisse ne peut pas interdire les projets énergétiques à l’étranger, cette initiative vise à limiter indirectement les institutions financières suisses. Cette approche rappelle l’initiative sur la responsabilité des entreprises.
Malgré cela, tant qu’il existera des pays qui jugent l’exploration de nouveaux combustibles fossiles bénéfique, une initiative suisse aura peu d’impact sur ces projets. Toutefois, elle permet peut-être aux Suisses de se donner bonne conscience.
Cette initiative populaire a de bonnes chances de succès, que ce soit lors d’un vote ou en raison d’une proposition de contre-projet au Parlement. Étant donné qu’elle n’impose pas directement de nouvelles taxes et qu’elle cible essentiellement le secteur financier, elle pourrait séduire des électeurs désireux de contribuer à un changement positif sans coûts directs. En 2023, une majorité de votants a exprimé son soutien à une législation en faveur de la durabilité.