Jan Jenisch, PDG de Holcim, a récemment marqué les esprits à New York en portant des baskets blanches, symbole de l’identité de l’entreprise. Avec la création d’Amrize, Holcim se sépare de son activité nord-américaine, prévoyant un chiffre d’affaires de 16 milliards de dollars d’ici 2028. Malgré des prévisions de croissance modérées, les objectifs de rentabilité restent prometteurs. Cependant, la durabilité semble négligée, contrastant avec l’engagement écologique de Holcim en Europe, où des réductions d’émissions de CO₂ sont visées.
Dans le contexte d’une transformation majeure du secteur entrepreneurial suisse, le temps pour les distractions est limité. Lors de sa récente présentation à New York, Jan Jenisch, le PDG du géant suisse du ciment Holcim, a fait sensation en apparaissant dans des baskets blanches assorties à son costume sombre. Ces chaussures, qu’il arbore avec fierté, symbolisent l’identité de Holcim.
À présent, Jenisch incarne une nouvelle ère : avec la création d’Amrize, Holcim se sépare de son activité nord-américaine, un changement d’une ampleur exceptionnelle. En tant que PDG et président, il continuera à jouer un rôle central, tout en conservant l’esprit de Holcim avec ses fameuses chaussures.
Les ambitions de revenus remises en question
Les porte-bonheur peuvent avoir leur importance. Amrize et Holcim ont récemment dévoilé leurs visions de croissance post-séparation. Cependant, il devient évident que même le plus grand producteur de ciment des États-Unis n’atteindra pas les sommets initialement envisagés. Lors de l’annonce du spin-off, un chiffre d’affaires de 20 milliards de dollars pour 2030 avait été évoqué, mais cette projection a depuis été écartée.
En 2022, Amrize a enregistré un chiffre d’affaires de 11,7 milliards de dollars, avec des prévisions de croissance de 5 à 8 % par an entre 2025 et 2028. Cela ne porterait le chiffre d’affaires qu’à environ 16 milliards de dollars d’ici 2028, un écart significatif par rapport aux ambitions initiales.
Jan Jenisch justifie cette séparation en affirmant que les activités aux États-Unis et au Canada nécessitaient une attention particulière, promettant des opportunités de croissance à exploiter de manière autonome.
Cependant, les chiffres montrent qu’entre 2021 et 2024, les revenus nord-américains ont augmenté de 13 % par an en moyenne, grâce à des acquisitions, bien au-delà des prévisions actuelles. Amrize ne prend pas encore en compte de potentielles grandes acquisitions dans ses objectifs, soulevant des questions sur leur stratégie prudente.
Une vision optimiste malgré les incertitudes
Cependant, cette prudence ne doit pas dissuader les investisseurs d’Amrize, qui devrait être cotée après sa séparation prévue d’ici fin juin. En effet, les objectifs de rentabilité de l’entreprise ont été bien accueillis par les analystes, avec des prévisions de bénéfices d’exploitation croissant plus rapidement que le chiffre d’affaires, ce qui est essentiel pour les investisseurs.
Une croissance de 8 % annuelle est un objectif respectable, surtout dans un contexte où des taux d’intérêt élevés et des incertitudes politiques pèsent sur l’économie. Jenisch anticipe un rebond à partir de la seconde moitié de 2025.
Bien que le nom de Trump n’ait pas été évoqué explicitement, il est probable que son administration aura un impact. Les espoirs reposent sur la poursuite des investissements dans les infrastructures, ce qui pourrait booster la demande. Amrize se diversifie également en proposant des matériaux de construction de qualité supérieure, au-delà du ciment traditionnel.
Les États-Unis dépendent encore largement des importations de ciment, mais Amrize, avec son réseau d’usines sur le territoire, se positionne favorablement face à la concurrence. Les actionnaires de Holcim, qui recevront des actions d’Amrize, affichent un optimisme croissant, avec une hausse significative des actions depuis l’annonce de la séparation.
Un silence sur les enjeux climatiques
Malheureusement, un aspect crucial pour Holcim, à savoir la durabilité, semble peu prioritaire pour Amrize. La production de ciment est notoirement nuisible pour l’environnement. Lors des dernières présentations à New York, les termes « climat » et « durabilité » ont été remarquablement absents, soulignant le désintérêt des investisseurs américains pour les préoccupations écologiques.
En revanche, en Europe, Holcim met l’accent sur des produits plus respectueux de l’environnement, visant à réduire les émissions de CO2 de 30 % d’ici 2030. Des objectifs ambitieux incluent également le recyclage accru des matériaux de démolition, augmentant ainsi les marges sur des produits plus coûteux.
Holcim prévoit une croissance annuelle de 3 à 5 % jusqu’en 2030, avec une rentabilité qui devrait également progresser, malgré un environnement difficile l’année dernière. Sans l’activité nord-américaine, Holcim a généré un chiffre d’affaires de 16,3 milliards de dollars, démontrant ainsi sa résilience face aux défis du marché.