« Goya, Carrière et le fantôme de Buñuel », qui joue à Cannes Classics ce samedi, commence avec le grand film français Jean-Claude Carrière dans un train, chantant une chanson ancienne en occitan, la langue de Provence, d’où il est originaire.
En visitant la maison natale de Goya, il aperçoit un chaudron et commente qu’il y en avait un comme ça dans sa propre maison familiale.
Vers la fin du film, examinant « Le colosse », la peinture de Goya d’un géant dominant de minuscules personnes dans une vallée en contrebas qui fuient dans toutes les directions, Carrière observe que la peinture capture un sentiment d’immigration. Contrairement à tant de ses amis, et même à sa femme, Nahal Tajadod, note Carrière, il aura le privilège d’être enterré au même endroit où il est né.
Réalisé par José Luis López Linares, (« Bosch : Le Jardin des Rêves »), « Goya, Carrière et le Fantôme de Buñuel » représente Carrière venant en Espagne pour revisiter et commenter plusieurs des grandes œuvres de Francisco de Goya.
Carrière s’est fait remarquer pour la première fois lorsque des photos des années 60 ont commencé à l’attraper, un jeune homme plutôt fringant et pimpant mais avec la barbe et les cheveux épars de l’époque, marchant ou écrivant avec Luis Buñuel.
Co-auteur de tous les films français de la fin de la période du maître espagnol, tels que « Belle de jour » et « L’objet obscur du désir », Carrière a ensuite co-écrit des films de certains des autres plus grands auteurs du monde, que ce soit Milos Forman (« Valmont »), Volker Schlöndorff (« Le tambour ») ou Julian Schnabel (« Aux portes de l’éternité »).
Alors « Goya » capture Carrière en train de faire ce qu’il faisait le mieux : interpréter le génie. Visitant pour la première fois « The Threshing Ground », l’œuvre révolutionnaire de Goya en 1786, il la décompose en quelques traits brefs : la sympathie du peintre pour les gens ordinaires, prise dans le contraste de classe entre le château qui se profile à l’arrière-plan et la meule de foin au premier plan, que Goya peint comme s’il était plus grand.
Jean-Claude Carrière est décédé subitement en février 2021. L’impact émotionnel du documentaire vient du fait qu’il utilise sa visite en Espagne pour suggérer son parcours de vie plus large et une ligne directrice remontant via Buñuel, jusqu’à Goya lui-même.
« Il faut penser à Luis Buñuel et Jean-Claude dans le même souffle qu’à Goya », déclare Julian Schnabel dans l’un des commentaires sélectifs du film.
« La générosité et en même temps la liberté et la jeunesse. A 89 ans, c’était un enfant absolu mais il avait une encyclopédie de sentiments et de talents. Nous ne verrons pas beaucoup de gens comme Jean-Claude Carrière franchir ces portes », a ajouté Schnabel.
Vendu par Reservoir Docs, « Goya, Carrière et le fantôme de Buñuel » est produit par les français Mondex Films et Milonga Productions, les espagnols López-Li Films et Zampa Audiovisual et les portugais Fado Filmes.
« Les talents combinés de José Luis et Jean-Claude se sont avérés un match parfait. Ils ont pu éviter une simple monographie et un ‘catalogue raisonné’ interminable, saisissant l’essence même de la vision et des réflexions de Goya sur la condition humaine », ont déclaré Guy Amon et Stéphane Sorlat chez Mondex. « Ce fut un privilège de participer à l’aventure et nous sommes profondément émus par leur travail inspiré qui est une récompense bien au-delà de nos meilleures attentes en tant que producteurs. »
Variété a parlé à López Linares dont les longs métrages documentaires ont joué à Berlin (« Le poulet, le poisson et le crabe royal ») et à Venise (2003 « Un instant en la vida arena ») et maintenant à Cannes.
« Goya, Carrière et le Fantôme de Buñuel » livre un guide à Goya et capture Jean-Claude Carrière au faîte de ses pouvoirs, interprétant le génie. Comment est né ce mélange ?
Après le succès de « Bosch : Le Jardin des Rêves » réalisé avec la France, nous avons eu la chance de faire ce film. Mon idée était que Jean-Claude collabore au scénario. Il a préféré ne pas écrire mais il est venu en Espagne pendant 10 jours. Nous n’avons pas vraiment parlé en détail de ce qu’il devrait faire. Il se tenait devant un tableau et commençait à raconter une histoire et à dire ce qu’il voulait. Oui, c’était un génie de l’interprétation, et ce qu’il disait était beau et fascinant…
J’ai l’impression que le documentaire s’est inventé au fur et à mesure qu’on le tournait…
Nous tournons tous nos documentaires sans scénario prédéterminé. Quand Jean-Claude dit au revoir aux deux tableaux « Maja » du Prado, on n’aurait jamais imaginé que c’était pour de vrai. On ne s’attendait pas à la mort de Jean-Claude qui nous a fait repenser le film. Nous voulions dépeindre le processus de réalisation du documentaire, et suggérer sa vie, racontée par ses amis, des personnes qui l’ont connu. Oui, il y a un certain sens du voyage alors qu’il visite le lieu de naissance de Goya et se souvient de sa propre jeunesse. On terminait un plan mais on faisait tourner le son car Jean-Claude continuait à raconter des histoires passionnantes…
En tant que réalisateur, quelles ont été vos lignes directrices lors de la réalisation de « Goya, Carrière et le fantôme de Buñuel » ?
Suivez Jean Claude. Je disais : « Quand tu seras prêt, et Jean-Claude serait parti. Parfois au Prado, on ne savait même pas dans quelle direction il irait, et on n’était pas vraiment préparés ! Puis retrouvez le sens du film au montage., et faites intervenir d’autres commentateurs.
L’un d’eux semble donner une interprétation très originale au célèbre « La duchesse blanche » de Goya de 1795, un portrait de la duchesse d’Albe peint alors que Goya était totalement sourd….
Je ne sais pas si tout le monde se rend compte que Goya a totalement perdu l’ouïe, en quelques semaines. Le film le souligne jusqu’à un certain point. Il devait tout écrire pour être compris. Nous voulions donner une idée de la façon dont sa vie a dû changer….