La protection du climat n’est pas au centre des préoccupations électorales en Allemagne, mais un rapport d’experts souligne des réductions significatives des émissions de gaz à effet de serre depuis 2021. Malgré cela, la vitesse de diminution est insuffisante pour atteindre l’objectif de 65 % d’ici 2030. Les experts appellent à des investissements massifs pour une transition énergétique équitable, tout en avertissant sur les inégalités et les impacts des prix de l’énergie sur l’industrie. Le ministre Habeck reste optimiste, soulignant les opportunités offertes par ces investissements.
Au cœur de la campagne électorale du Bundestag, la question de la protection du climat ne semble pas occuper une place prépondérante. Toutefois, le dernier avis du conseil d’experts sur les questions climatiques, un groupe mandaté par le gouvernement fédéral pour évaluer les politiques en matière de climat, pourrait bien faire évoluer cette situation.
Les cinq scientifiques ayant remis leur rapport au gouvernement fédéral mercredi concluent que l’Allemagne a réussi à abaisser ses émissions de gaz à effet de serre de manière significative depuis 2021 dans tous les secteurs d’activité.
Cependant, la rapidité de cette réduction n’est pas suffisante pour atteindre l’objectif fixé par la loi fédérale sur la protection du climat, qui vise une diminution de 65 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 par rapport aux niveaux de 1990. Dans leur rapport, qui est établi tous les deux ans, les experts soulignent que le taux de réduction annuel moyen devra augmenter de plus de 50 % à partir de 2024.
Impact des prix de l’énergie sur la réduction des émissions de CO2
La diminution des émissions entre 2022 et 2024 est largement attribuée à une baisse de l’activité économique, comme l’indique le rapport. L’augmentation des prix de l’énergie, en raison du conflit en Ukraine, a également joué un rôle déterminant. Dans le secteur industriel, des « baisses de demande conjoncturelles et structurelles » ont été observées, se traduisant par une consommation d’électricité qui a chuté « considérablement » entre 2021 et 2023.
En examinant la période de 2014 à 2023, on constate que deux tiers de la réduction moyenne des émissions annuelles proviennent du secteur énergétique. Si cette tendance se poursuit, ce secteur, tout comme ceux de l’agriculture et des déchets, pourrait même sous-estimer ses objectifs de réduction d’ici 2030, selon les experts. En revanche, les secteurs de l’industrie, des transports et des bâtiments semblent voués à ne pas atteindre leurs cibles.
Une des raisons de ce retard est que le stock de capital basé sur les énergies fossiles n’est pas démantelé assez rapidement, tandis que la transition vers des énergies non fossiles avance trop lentement. Les experts mettent en avant les faibles taux de remplacement des chaudières à gaz et à mazout par des pompes à chaleur, ainsi que le faible rythme de rénovation des bâtiments et la part limitée des voitures électriques dans les nouvelles immatriculations.
Des inégalités dans la transition énergétique
Pour réaliser une transformation de l’économie vers une production climatiquement neutre, des investissements colossaux de plusieurs centaines de milliards d’euros sont nécessaires. Selon les experts, les coûts des investissements de transformation se chiffrent entre 135 et 255 milliards d’euros par an, soit 3,2 à 6 % du PIB allemand en 2023.
Les experts exhortent les décideurs politiques à prêter une attention accrue aux conflits d’objectifs entre la protection du climat et d’autres domaines politiques. De nombreux programmes de subventions présentent une « efficacité coût relativement faible », et l’État pourrait faire face à un manque de financement de plusieurs milliards d’euros annuellement.
De plus, certaines initiatives de soutien, comme la rénovation des bâtiments, semblent avantager principalement les ménages à revenu élevé. Par ailleurs, la hausse des prix de l’énergie pourrait nuire à la compétitivité internationale de l’industrie allemande.
Pour mieux intégrer les interactions entre la politique climatique et d’autres domaines, les experts suggèrent la création d’un cabinet climatique coordonné par le chancelier fédéral.
Habeck affiche son optimisme
Le ministre fédéral de l’Économie, Robert Habeck, se dit rassuré par les résultats de l’avis, malgré les critiques qui l’accompagnent. « Nous sommes sur la bonne voie, mais il est crucial de poursuivre nos efforts de manière cohérente », a-t-il déclaré. Il est désormais essentiel de maintenir la direction prise. Les investissements nécessaires pour la protection du climat pourraient également offrir à l’économie « d’importantes opportunités de modernisation », selon Habeck.
La protection du climat devra également être une préoccupation pour le prochain gouvernement fédéral. Selon la loi sur la protection du climat, celui-ci devra présenter un programme de protection du climat dans l’année qui suivra le début de sa législature.