“Le Chagrin et la Pitié” is a powerful documentary by Marcel Ophuls, examining life in Clermont-Ferrand during the Nazi occupation from 1940 to 1944. With a runtime of over four hours, it combines interviews and period footage, revealing complex truths about collaboration and resistance in France. The film was censored in France for over a decade due to its controversial portrayal of collaborationist sentiments. Celebrated for its historical significance, it significantly impacted French collective memory regarding World War II.
Bien que le documentaire diffère naturellement des œuvres de fiction, il a le pouvoir d’éveiller des émotions d’une intensité souvent dévastatrice. Il aborde des sujets intimes et des questions qui nous bouleversent, interrogeant notre relation avec le monde, les autres et le vivant. Il nous force également à faire face à notre passé en se présentant comme un miroir, dont l’image peut être à la fois salutaire et brutalement honnête. C’est précisément ce que réalise l’œuvre remarquable, Le Chagrin et la Pitié.
Une analyse d’une ville provinciale sous l’occupation nazie
Cité aux Oscars dans la catégorie du Meilleur film étranger, Le Chagrin et la Pitié: chronique d’une ville française sous l’occupation, réalisé par Marcel Ophuls, est un véritable chef-d’œuvre. En se concentrant sur Clermont-Ferrand, le film retrace la vie d’une ville de province durant la période de 1940 à 1944.
Bien que le film s’étende au-delà de Clermont-Ferrand pour aborder des thèmes touchant à l’ensemble de l’Auvergne, il inclut également des témoignages de figures influentes ayant joué un rôle significatif durant la guerre, telles que des militaires, des hommes d’État et des témoin-clés, qui ne proviennent pas uniquement de cette région.
Durant 4 heures et 10 minutes, ce film en noir et blanc est composé d’interviews et d’actualités d’époque, présentées sans commentaires et sous l’égide de la propagande du régime de Vichy, à l’exception d’un extrait. Il présente une interview de Maurice Chevalier, s’exprimant en anglais pour le public américain, où il justifie sa collaboration avec les Allemands, suivie d’images de la Libération. Cette juxtaposition laisse le spectateur dans une situation de profond malaise.
Censure pendant plus d’une décennie en France
En France, ce documentaire a été censuré durant plus de dix ans à la télévision. En effet, il offre une vision particulièrement négative d’une partie de la population française, plus encline à soutenir Pétain qu’à reconnaître de Gaulle. Tant la droite que le Parti Communiste français ont tenté de minimiser cette image de collaboration pour préserver l’unité nationale, ce qui a entraîné l’interdiction du film à la télévision jusqu’à l’arrivée de la gauche au pouvoir en 1981.
Sorti en 1969, le film a suscité de vives réactions, car il exposait à la société française une réalité longtemps oubliée : celle de l’Occupation et de la Collaboration. Il constitue historiquement la première œuvre cinématographique à plonger dans la mémoire collective française sur l’Occupation allemande durant la Seconde Guerre mondiale.
Marcel Ophuls a mis en lumière des comportements ambigus concernant l’occupant, révélant des aspects de quotidien loin de l’image de résistance que l’idéologie dominante prônait jusqu’alors.
En déconstruisant le mythe d’une France uniformément résistante, le film a ouvert la voie à un nouveau chapitre dans la mémoire de l’Occupation à partir des années 1970. Ce courant de pensée sera également alimenté par l’ouvrage marquant de l’historien Robert O. Paxton, La France de Vichy, traduit en français en 1973.
Avec son analyse rigoureuse et son impact historique, Le Chagrin et la Pitié demeure, plus de 55 ans après sa sortie, l’un des plus grands documentaires du XXe siècle. Il est disponible en VOD et en DVD.