Triangle of Sadness by Ruben Östlund | black palm

Ruben Östlund has twice won the Palme d’or with his two most recent films, immediately inscribing his name in the history of cinema. Revealed in 2014 thanks to the excellent force majeurethe Swedish filmmaker signs a new social satire in the caustic tone of The Squarewith a little extra cynicism about the human condition.

Posted at 6:00 a.m.

Marc Cassivi

Marc Cassivi
The Press

Triangle of Sadnesswhich is due to be released in Montreal on October 14 (then elsewhere in Quebec as well as in French version by the end of the month), is a black tragicomedy which is divided into three chapters around the young instant celebrity couple formed by Carl and Yaya, both models and influencers.

A drama came to darken the Cannes coronation of the film in August. Yaya’s interpreter, Charlbi Dean, died suddenly at the age of 32 from what appears to be a viral infection in the lungs (autopsy results are not yet known). “It was an honor to have known her and to have been able to work with her”, wrote Ruben Östlund on Instagram.




Au début de Triangle of Sadness se révèle le sens du titre du film, alors que Carl, torse nu, participe à une audition pour un défilé de mode. « Peut-être qu’il aurait besoin de Botox ? » se demande l’un des évaluateurs, en parlant d’une ride sur le front du jeune mannequin. Cette ride triangulaire, en suédois, est appelée la « ride du souci ».

« Lorsque la société capitaliste s’individualise et que chacun devient sa propre marque et sa propre chaîne de marketing, les relations de couple deviennent plus que jamais transactionnelles, croit Ruben Östlund, interviewé cette semaine par visioconférence. Je me suis intéressé à la beauté et au sexe comme monnaies d’échange permettant de gravir les échelons sociaux. »

Scènes d’anthologie

C’est la compagne du cinéaste, qui est photographe de mode, qui lui a inspiré des personnages provenant de cet univers superficiel où pullulent les slogans publicitaires hypocrites sur l’égalité, la diversité et le respect de l’environnement. Elle lui a raconté l’histoire d’un mannequin, devenu l’égérie d’une grande parfumerie, qui a réalisé qu’il perdait ses cheveux. Son agent lui a suggéré de former un couple avec une jeune femme célèbre, afin de sauver sa carrière.

Ce fut la bougie d’allumage de Triangle of Sadness, une œuvre foisonnante et inégale qui s’étire indûment sur deux heures trente, mais qui compte quelques scènes d’anthologie. Une en particulier met en scène un dilemme éthique qui rappelle celui de Force majeure, alors qu’un père de famille, devant la menace d’une avalanche, avait eu le réflexe de saisir son téléphone plutôt que son enfant sur la terrasse d’une station de ski des Alpes, provoquant une crise dans son couple. Dans un restaurant chic, Carl ne peut cacher son irritation lorsque sa blonde le laisse une fois de plus régler la note. Elle est plus riche que lui et avait promis la veille de payer l’addition. Il trouve qu’elle est féministe quand ça l’arrange. Elle n’en revient pas de son manque de galanterie.


PHOTO ASSOCIATED PRESS

Arvin Kananian et Woody Harrelson dans une scène de Triangle of Sadness

« Je cherchais une anecdote qui puisse mettre en lumière les thèmes du film, m’explique le cinéaste de 48 ans. J’ai cherché un exemple dans ma propre vie et j’ai repensé à cet épisode, qui est arrivé entre ma femme et moi lorsque nous nous sommes rencontrés. Venant du monde de la mode, elle était habituée à ce que sa beauté soit une monnaie d’échange et que les rôles soient genrés. Ma mère, une socialiste, dit que si tu n’es pas égal, tu ne seras jamais heureux. Toute la scène, jusqu’au billet de 50 euros lancé dans l’ascenseur, est quelque chose que j’ai vécu ! À l’hôtel Martinez de Cannes, en plus. »

Personne ne met en scène les « beaux malaises » comme Ruben Östlund. Dans The Square, c’était la performance artistique outrageuse d’un homme se prenant pour un singe dans un souper-bénéfice.

Après la Semaine de la mode à laquelle ils assistent, Carl et Yaya sont invités pour une croisière de luxe sur un yacht, gracieuseté de leurs nombreux abonnés sur Instagram. Ils donnent l’impression, évidemment, de mener une vie de rêve, mais la jalousie de Carl et les fantasmes de princesse de Yaya créent bien des tensions entre eux. Au cours de la croisière, les milliardaires côtoient les employés beaucoup moins fortunés. Le « roi de la merde » autoproclamé de Russie, qui a fait fortune dans les fertilisants, un Suédois qui a récemment vendu à prix d’or sa société de nouvelles technologies, un vieux couple britannique dont l’entreprise familiale se spécialise dans la vente d’« outils d’accès à la démocratie », c’est-à-dire de grenades et de mines antipersonnel…

On reconnaît, en particulier dans ce deuxième chapitre, l’humour noir de Ruben Östlund et son regard plein d’acuité sur les dynamiques de classes, les privilèges, les abus de pouvoir, la vulgarité des nouveaux riches, les excès du capitalisme et, bien sûr, le sexe comme monnaie d’échange.

Lorsqu’une tempête houleuse s’annonce, et que le capitaine alcoolique – et marxiste – du navire (Woody Harrelson) organise malgré tout un souper de gala, le bateau ivre tangue et le récit de Triangle of Sadness vire au délire d’excès scatologiques en tous genres… avant d’inévitablement s’essouffler au terme d’un troisième chapitre beaucoup trop long.


PHOTO LOÏC VENANCE, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Ruben Östlund reçoit la Palme d’or à Cannes.

Triangle of Sadness est le premier long métrage en anglais de Ruben Östlund, de passage cette semaine au 60e New York Film Festival. « Ça me semblait naturel, lorsque je parlais du sujet du film avec ma femme, qu’il soit en anglais. Elle a été élevée en Australie et en Allemagne et nous parlons ensemble en anglais. Bien sûr, j’avais aussi envie de rejoindre un plus large public après la Palme d’or à The Square. Comme ça s’était bien passé avec Elizabeth Moss et Dominic West [acteurs de son précédent film], despite my fears, I thought it was possible. »

“Let’s not be too influenced”

The Swede is not, however, insensitive to the harmful effects of globalization and the omnipresence of American culture. “Sweden is a very Americanized society. My daughters are 20 years old and they knew how to speak English since the age of 12 because they watched American TV. But we must continue the fight! Let’s not be too influenced,” he says, fist raised, when I tell him that Quebec is obviously facing the same threat.

Ruben Östlund is a filmmaker who does not leave anyone indifferent. His third feature film, Playwhich is interested in systemic racism, had sparked a lively controversy in Sweden.

And like The Square in 2017, Triangle of Sadness was booed by some journalists when he was awarded the Palme d’Or at Cannes last May. “I think it’s the absence of sentimentality that they may not appreciate,” believes the filmmaker, who likes to hold up a mirror to the public that does not reflect a flattering image.

“I hate sentimentality,” he said. I don’t like people feeling sorry for themselves. I don’t like mushy stories, with virtuous underdog characters who win in the end. I’m more interested in our failures as human beings. I like how sociology can demonstrate how one fails, not pointing the finger at individuals to humiliate or blame them, but to analyze the context of a situation. This is perhaps a contrast to conventional cinema, which aspires for the audience to identify with a hero and for the good guys to defeat the bad guys. »

The Triangle of Sadness will be screened in Montreal starting October 14.


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