Q : En regardant Frontières, on a un peu l’impression de retourner dans l’environnement de Marécages, votre premier long métrage. Avez-vous le sentiment d’effectuer un retour aux sources avec ce nouveau film ?
R : Après Ville-Marie et Malek, j’ai vraiment eu le goût de revenir tourner chez nous. Cette envie a d’ailleurs coïncidé avec mon propre retour à la terre. Nous avons tourné dans ma maison, ainsi que dans celle de mes parents et celle de ma sœur, situées non loin. Il s’est passé plein d’affaires dans cette maison-là, que la famille possède depuis 190 ans. Elle n’est pas hantée, mais il est certain qu’elle reste imprégnée de l’énergie des gens qui y ont vécu. On ne peut pas chasser de ces lieux près de 200 ans d’histoire. Là est d’ailleurs le point de départ de mon scénario.
Q : Il y a parfois dans Frontières des éléments qui relèvent presque du vocabulaire des films d’épouvante. Comment avez-vous trouvé le bon dosage pour insérer ce genre de ponctuation dans un contexte néanmoins réaliste ?
R : Un film en cache parfois un autre. Dans ce cas-ci, le drame psychologique cache le thriller. De tous mes scénarios, celui de Frontières a été le plus ardu à écrire. Il me fallait huiler cette mécanique pour qu’elle fonctionne et qu’elle puisse tenir la route, même pour les spectateurs qui voudront regarder le film une deuxième fois. Quand le tournage a été fini, j’ai dû laisser Frontières de côté pendant deux mois pour aller réaliser des épisodes de la série Cerebrum. Quand je suis revenu, mon regard sur ce qui avait été fait – le monteur Richard Comeau a fait un travail exceptionnel – était hyper frais et j’ai pu prendre une certaine distance. Les choix étaient plus faciles à faire, on dirait !
Q : Frontières raconte l’histoire d’une femme vivant dans une ferme, qui se sent constamment menacée depuis qu’un accident tragique est survenu dans sa vie. Pascale Bussières, qui a tourné avec vous pour la troisième fois, dit que vous écrivez extraordinairement pour les femmes. Il est vrai que vos films mettent principalement en scène des personnages féminins, particulièrement celui-ci. C’est une volonté très affirmée chez vous ?
R : L’histoire du cinéma nous a déjà abondamment abreuvés de films où les femmes sont les faire-valoir des hommes. J’avais envie d’explorer l’idée de la sororité et de construire une famille au féminin, qui va de la petite-fille à l’arrière-grand-mère. Des femmes qui se prennent en main, qui, comme celles que je connais, s’aiment rough. Elles existent réellement. Je les croise au supermarché. J’aime les femmes fortes, assez badass. J’ai eu envie d’écrire une histoire où les femmes se soutiennent et où les hommes sont en périphérie, ce qui a quand même demandé une certaine humilité aux acteurs qui jouent ces rôles. Et puis, je suis un grand fan de Pedro Almodóvar !
Q : Les héroïnes de Frontières sont par ailleurs des femmes de terre qui ont visiblement l’habitude de manier des armes pour aller chasser ou défendre leur territoire. Cet aspect de la vie rurale, où la vie et la mort se côtoient constamment, est particulièrement bien rendu. Comment vous y êtes-vous pris ?
R : Comme je suis né dans ce milieu, voir un fusil qui traîne sur un congélateur, ça ne m’émeut pas du tout. Dans une ferme, la mort est partout. Ce côté terrien m’habite beaucoup. Pascale [Bussières] and Micheline [Lanctôt] also live in the countryside most of the time. Christina [Beaulieu] has that naturally in her, Marilyn [Castonguay] Also.
Q: We can also sense your story nourished by anecdotes that really happened, if only this story of American escapees which puts everyone on the alert because we think that they were able to cross the border, located just a few kilometers away…
A: For years, I’ve been keeping a whole collection of things that actually made it to us in the bank. Someone has already come knocking in the middle of the night, a cow has really been butchered, and then, yes, these American escapees on the run existed. To feed Diane’s paranoia [le personnage que joue Pascale Bussières] and to make it credible, I had to find threats of all kinds. The story of the deer shot by ignorant hunters on Diane’s land at the start is true; my mom went through the same thing. It’s like a violation of territory.
Q: Is it a strange feeling to shoot a feature film in your own home and those of your loved ones?
A: Very quickly, these places become film sets and we have to go and live elsewhere. I wrote the screenplay keeping in mind all the particularities of the three houses. Finding it for rent is impossible. My biggest obsession was repeating shots that I had already made in other films. During the two years of the pandemic, I also had time to do research on the farm. Each tree has been listed and each sequence has been assigned to a specific part of the forest!
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