Emmanuel Macron déroule le tapis rouge au prince héritier saoudien

Emmanuel Macron et Mohammed ben Salmane se sont rencontrés jeudi à l’Elysée pour des entretiens sur l’énergie – GETTY IMAGES

Emmanuel Macron a chaleureusement accueilli jeudi le chef de facto controversé de l’Arabie saoudite pour des entretiens à Paris, serrant la main du prince héritier Mohammed ben Salmane dans une longue poignée de main avant de l’accueillir à dîner à l’Elysée.

Le président français était tout sourire alors qu’il saluait le prince héritier sur le tapis rouge devant sa résidence officielle, dans le cadre du premier voyage saoudien en Europe depuis le meurtre horrible de l’éminent journaliste Jamal Khashoggi alors qu’il cherchait à réhabiliter son image en Occident.

Aucun des deux hommes n’a fait de commentaire mais une déclaration était attendue de l’Elysée après les pourparlers.

La réunion a suscité une énorme colère en France, M. Macron étant décrit jeudi comme dînant avec un complice de meurtre.

Le prince héritier a été accusé par les services de renseignement occidentaux d’avoir directement approuvé le meurtre, ce qu’il nie.

Le « dîner de travail » du président français intervient deux semaines après que le prince héritier s’est entretenu en Arabie saoudite avec le président américain Joe Biden.

Le dirigeant saoudien a d’abord été qualifié de paria après le meurtre de M. Khashoggi en 2018 au consulat saoudien à Istanbul. Le corps du journaliste du Washington Post a été démembré avec une scie à os, selon des responsables turcs.

Cependant, il a été progressivement accueilli dans les cercles occidentaux désireux de rétablir les relations avec le géant pétrolier arabe du Golfe pour contrer l’influence croissante de l’Iran, de la Russie et de la Chine.

Depuis que Moscou a coupé l’approvisionnement en gaz de l’Europe, M. Macron souhaite que Riyad, le plus grand exportateur mondial de pétrole, augmente sa production pour alléger le fardeau de la flambée du coût de la vie.

La France est également un important fournisseur d’armes et de défense des pays du Golfe. Le président français considère le royaume saoudien comme crucial pour aider à lancer des pourparlers chancelants pour relancer un accord nucléaire avec l’Iran et lutter contre l’effondrement économique et politique au Liban.

Macron accusé d’avoir « honoré le bourreau de mon fiancé »

Mais les groupes d’opposition et de défense des droits ont exprimé leur indignation.

Les ONG Democracy for the Arab World Now (Dawn), Open Society Justice Initiative (OSJI) et Trial International ont déposé jeudi à Paris une plainte en justice demandant aux autorités françaises d’ouvrir une enquête sur le prince héritier, arguant qu’il était complice de la torture et meurtre de M. Khashoggi.

De retour en Europe : La visite est la première du prince héritier saoudien en Europe depuis le meurtre de Jamal Khashoggi - REUTERS

De retour en Europe : La visite est la première du prince héritier saoudien en Europe depuis le meurtre de Jamal Khashoggi – REUTERS

Le prince ne devrait pas bénéficier de l’immunité de poursuites parce qu’il n’est pas le chef de l’État saoudien, soutiennent-ils.

« En tant que partie aux conventions de l’ONU contre la torture et les disparitions forcées, la France est obligée d’enquêter sur un suspect tel que Bin Salman s’il est présent sur le territoire français », a déclaré Sarah Leah Whitson, directrice exécutive de Dawn, dans le communiqué.

La fiancée de M. Khashoggi, Hatice Cengiz, s’est dite « scandalisée et indignée qu’Emmanuel Macron reçoive avec tous les honneurs le bourreau de mon fiancé, Jamal Khashoggi ».

« La flambée des prix de l’énergie à cause de la guerre en Ukraine ne peut justifier qu’au nom d’une prétendue realpolitik, nous absoudrions la personne responsable de la politique saoudienne envers les opposants politiques », a-t-elle déclaré.

Le Premier ministre français Elisabeth Borne a déclaré que l’on pouvait compter sur M. Macron pour soulever des préoccupations en matière de droits de l’homme auprès du prince, tout en cherchant également à sécuriser l’approvisionnement en énergie d’ailleurs que la Russie.

« Évidemment, il ne s’agit pas de mettre de côté nos principes. Il ne s’agit pas de remettre en cause notre engagement en faveur des droits de l’homme. Le président aura sûrement l’occasion d’en parler avec M. Mohammed ben Salmane », a-t-elle déclaré.

Mais elle a ajouté : « Dans un contexte où l’on sait que la Russie coupe, menace de couper, et coupe encore l’approvisionnement en gaz et où on a des tensions sur les prix de l’énergie, je pense que les Français ne comprendraient pas si on ne parlait pas à les pays qui sont précisément producteurs d’énergie.

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