samedi, novembre 30, 2024

Échec et mat (Les Chroniques de Lymond, #6) par Dorothy Dunnett

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Est-il logique d’être aussi triste à propos de la « fin heureuse » d’un livre ? La phrase même sonne comme une contradiction en soi, car les fins heureuses sont censées vous rendre heureux, et les plus sensibles peuvent aussi verser des larmes, mais essentiellement, c’est censé vous faire sentir satisfait, ravi de la conclusion. Et encore . . .

Vous vous grattez déjà la tête ? Il y a une raison à cela, pas liée à la fin proprement dite. Il s’agit plutôt du voyage vers cette fin, le chemin déchirant menant à ce mo

Est-il logique d’être aussi triste à propos de la « fin heureuse » d’un livre ? La phrase même sonne comme une contradiction en soi, car les fins heureuses sont censées vous rendre heureux, et les plus sensibles peuvent aussi verser des larmes, mais essentiellement, c’est censé vous faire sentir satisfait, ravi de la conclusion. Et encore . . .

Vous vous grattez déjà la tête ? Il y a une raison à cela, pas liée à la fin proprement dite. Il s’agit plutôt du voyage vers cette fin, le chemin déchirant menant à ce moment de bonheur au bord de la chute du rideau, qui laisse un goût aigre-doux avec une légère proéminence de la partie amère. Il y a une fin satisfaisante, et il y a de la gaieté, mais le prix de la victoire a été si vertigineux; pour y arriver, il fallait payer la cotisation tantôt en sang, tantôt en perdant ce qu’on désirait le plus. Pour vaincre Sauron, Frodon doit être brisé. Pour vaincre son ennemi juré, Lymond doit sacrifier la vie d’un innocent. . . Tu obtiens le point.

Le sacrifice est peut-être le thème sous-jacent de ce dernier volume, à mon avis. Pas un nouveau thème ; il est là depuis le premier livre, quand Lymond perd le premier de ses hommes en service et la première de ses femmes. Le livre s’ouvre sur notre héros en difficulté une fois de plus, pour une femme qu’il vient de redécouvert après des années au moment le plus malheureux, car tout ce qu’il veut maintenant, c’est reprendre son travail en tant que Voevoda Bolchoïa de Russie et pense qu’il n’a pas besoin de jupes autour de lui. Cependant, les rois ne se soucient pas de ces bagatelles embêtantes qu’on appelle les sentiments des autres ; pas quand ils ont toute l’Espagne et l’Angleterre écrasant joyeusement leurs armées et qu’ils savent que le meilleur général d’Europe est dans les dominions déguisé en – quoi d’autre ? – un chanteur ambulant. On pourrait penser que François aurait appris que se faire passer pour des bardes en France ne fonctionnerait pas une seconde fois, mais bon Écossais qu’il est, si quelque chose ne marche pas, par les dieux, respectez-le, mon garçon ! Sans surprise, il est pris et persuadé avec ces méthodes de persuasion si royales connues sous le nom de chantage et menaces d’accepter le poste de lieutenant-général d’Henri II pendant un an, en échange d’une solution pontificale à tous ses problèmes de femmes.

Le problème, c’est que lorsque vos émissions féminines s’appellent Sybilla, Philippa et Marthe, vous avez besoin des efforts conjugués de Dunnett et de Dieu au lieu du roi de France et du pape. Lymond est bientôt rejoint par ses dames à différents moments de la chronologie de son séjour en France, et ce qui s’ensuit est la succession d’événements auxquels j’ai fait allusion, qui auront le lecteur à cran. Le principal parmi ceux-ci, les faits saillants seraient le mystère de sa filiation, si compliqué que j’ai tenté de nombreuses suppositions, toutes ont échoué, et cela affecte Lymond plus que prévu. Qu’il suffise de dire qu’il y a une raison pour laquelle Dunnett insiste subtilement et pas si subtilement sur le nom Francis Crawford de Lymond et Sévigny, dans toutes ses déclinaisons. Ensuite, ce serait que notre comte de Sévigny révèle une nouvelle couche que nous n’avions pas vue mais qui avait été entrevu dans les deux derniers livres avant celui-ci. J’étais à peine à la moitié de la série quand j’ai dit en passant que l’histoire de Lymond avait besoin de trois choses : un ami fidèle sur qui compter, un rival à combattre et quelqu’un à aimer. Doux enfant d’été que j’étais, je n’imaginais pas que cela se développerait de cette façon, avec Lymond se sentant si indigne et son profond dégoût de soi. Ce n’est pas que je le blâme du tout, après les expériences qu’il a eues, ce n’est pas si compliqué de comprendre ses raisons de s’estimer si bas à cet égard ; « Moi aussi, j’ai eu ma Margaret Lennox, mon Aga Morat et ma Joleta Reid Malett », comme l’a si judicieusement dit Güzel.

Avec un tel fardeau, j’ai souffert à ses côtés plus que dans tous les volumes réunis, et maintes fois le désir de jurer de bon cœur dans toutes les langues que je connais était à peine étouffé par la présence d’un public désinvolte autour de moi. Tout au long de la longue intrigue, l’auteur n’épargne aucune douleur à Lymond, physique et émotionnelle, le poussant trois fois par-dessus la falaise – oui, trois fois – et toutes sont choquantes. S’il vous plaît, Dame Dorothy, pour l’amour du Tout-Puissant, si cela doit se terminer par une tragédie, donnez-lui au moins une mort épique et sans douleur, n’est-ce pas ?

Mais bien sûr, la brillante dame ne va pas écouter, et juste au moment où j’avais déjà abandonné tout espoir, me résignais à la plus sombre des extrémités sombres, et avais la crème glacée et les mouchoirs en papier à proximité, là ce petit rayon de soleil perce si inattendu et bienvenu. Bien sûr, je ne peux pas dire ce que c’était, mais je peux dire que cette scène est une scène que j’ai lue, relue et relue après relecture. En ce moment, au moment où j’écris cette critique, je la relis. Bon sang, est-ce que ça compense pour avoir peiné sur les cinq cents pages précédentes !

Oui, c’est doux-amer. Il y a tellement de bons amis tombés et de personnages chers disparus, des injustices laissées impunies, des erreurs qui ne peuvent être corrigées mais acceptées, des sacrifices inutiles qui auraient pu être évités, et Francis Crawford de Lymond et Sevigny porte toujours les blessures sur son corps, et son esprit devra s’adapter après plus de quinze ans d’aventures imprudentes. Mais il a gagné l’équilibre, et l’espoir, et ce qu’il désirait le plus, tout cela mieux exprimé dans ses propres mots :

« Nous avons atteint le large, avec quelques cartes ; et le firmament.

C’est tout ce dont un bon marin a besoin, après la navigation mouvementée, et toute la fermeture espérée par ce petit lecteur. Une conclusion satisfaisante à une série grandiose qui me tient maintenant à cœur et mérite donc d’être lue et appréciée par plus de gens.

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