lundi, octobre 28, 2024

Dépendance inquiétante aux universitaires étrangers : la Suisse sous-investit dans l’éducation

La Suisse fait face à une pénurie croissante de médecins, avec une prévision de manque de 5 500 spécialistes d’ici quinze ans. Malgré la suppression du numerus clausus par le Parlement, les experts soulignent que l’augmentation des places d’études en médecine est essentielle. La situation s’étend également à d’autres domaines, où un grand nombre de professionnels sont étrangers. Les chercheurs plaident pour une meilleure orientation des jeunes vers les filières techniques, afin de renforcer la formation nationale.

La Suisse fait face à une pénurie préoccupante de médecins. Selon une étude récente de PwC, le pays pourrait avoir un déficit de 5 500 médecins dans les quinze prochaines années, en grande partie parce que le système de formation n’est pas à la hauteur. En effet, durant la dernière décennie, seulement 10 000 médecins suisses ont obtenu leur diplôme, tandis que près de 30 000 praticiens venus de l’étranger ont été accueillis.

Face à cette situation critique, le Parlement a décidé il y a un mois de supprimer le numerus clausus, malgré l’opposition du Conseil fédéral. Cette restriction, mise en place en 1998 pour maîtriser les coûts de la santé, sera donc levée.

Yvonne Gilli, présidente de la Fédération des médecins suisses (FMH), applaudit cette décision, mais souligne que cela ne suffit pas. « La véritable cause de la pénurie réside dans le manque de places dans les filières de master. Il est crucial de former davantage de médecins en Suisse, » déclare-t-elle.

Pour cela, des investissements colossaux sont nécessaires : la formation d’un médecin coûte en moyenne 600 000 francs, ce qui impliquerait un investissement annuel de 300 millions de francs pour former 500 médecins supplémentaires. Toutefois, la Confédération a un rôle limité dans ce domaine, car la responsabilité des études de médecine incombe aux cantons. « De plus, il faut être conscient qu’un tel élargissement prendra du temps : après six ans d’études, s’ensuivent encore plusieurs années de formation pour devenir spécialiste. En tout, il faut donc compter environ 12 ans avant que les nouveaux spécialistes intégrés en milieu professionnel, » ajoute Gilli.

Pénurie de techniciens

La crise ne se limite pas seulement aux médecins : la Suisse souffre également d’un manque de professionnels qualifiés dans de nombreuses autres disciplines. Une étude du Bureau bâlois de conseil en économie politique (BSS) confirme cette tendance, notant que pour les physiciens et les chimistes, deux tiers des nouvelles recrues sont des étrangers. Ce constat est également alarmant pour les mathématiciens et statisticiens, où 59 % des nouveaux employés sont issus de l’étranger.

La part d’étrangers est presque équivalente parmi les biologistes, atteignant 57 %. Bien que la proportion soit légèrement inférieure à 50 % chez les ingénieurs et spécialistes en logiciels, ces secteurs emploient plus de 200 000 personnes, ce qui représente une forte dépendance à cette main-d’œuvre extérieure. D’après le BSS, 28 000 spécialistes en logiciels et 12 000 ingénieurs étrangers ont été engagés au cours des trois dernières années.

« Ces statistiques soulignent notre dépendance aux experts étrangers dans un contexte d’immigration incertain, » Observation de Wolfram Kägi, directeur de BSS. « Cela soulève la question de savoir si la Suisse doit intensifier ses efforts pour former des professionnels dans d’autres domaines que la médecine. »

L’analyse du BSS révèle également une forte demande pour les diplômés dans les filières STEM (sciences, technologie, ingénierie et mathématiques), des secteurs vitaux pour la compétitivité de l’économie suisse. De plus, la faible représentation des femmes dans ces domaines reste préoccupante, même si elles représentent la majorité des étudiant(e)s, leur ratio dans les métiers STEM atteint seulement 22%, l’un des plus bas au niveau mondial.

Les universitaires se dirigent vers l’administration

Ursula Renold, professeure de systèmes éducatifs à l’EPF de Zurich, étudie ces questions depuis plusieurs années. Elle défend l’idée d’un système éducatif libéral et déconseille des mesures coercitives comme des frais d’études pour orienter les choix des matières. En réalité, il est crucial d’encourager dès le plus jeune âge l’intérêt des enfants pour les métiers techniques. « C’est pourquoi nous devons agir dès la formation des enseignants : des enseignantes passionnées par les mathématiques peuvent inspirer leurs élèves, » suggère-t-elle.

Renold souligne également que, même si le nombre de diplômés de l’enseignement supérieur a augmenté, la majeure partie d’entre eux se dirige vers des domaines comme l’administration, l’éducation et la santé. En revanche, l’augmentation est beaucoup moins marquée dans le secteur privé. « Il est donc important de se demander si le secteur public nécessite réellement autant de diplômés, » insiste-t-elle.

À l’avenir, l’économie devra compter moins

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