samedi, janvier 11, 2025

De la victime au bourreau : Comment la torture peut toucher chacun d’entre nous

Jonathan Austin a réalisé des interviews avec d’anciens tortionnaires syriens, découvrant que ces individus, souvent ordinaires, infligeaient la violence avec une désinvolture troublante. En tant que professeur de relations internationales, il s’interroge sur la capacité de chacun à devenir tortionnaire, influencé par la pression sociale et militaire. Ces rencontres révèlent que la torture est souvent le résultat d’une transformation insidieuse, plutôt qu’une décision consciente, remettant en question les notions de responsabilité et d’autorité.

Rencontre avec des tortionnaires ordinaires

Jonathan Austin a mené des interviews fascinantes avec des individus que beaucoup qualifieraient de monstres. Lors de son séjour au Liban, il a rencontré des hommes ayant fui la Syrie, partageant café et thé tout en écoutant leurs récits poignants sur la torture.

Ces hommes sont souvent des personnes banales : anciens étudiants, médecins, policiers, ainsi que des soldats ou des rebelles. Pour eux, infliger des coups, étrangler ou torturer est devenu une routine. Austin a été frappé par la désinvolture avec laquelle ces tortionnaires parlaient de leurs actes, d’une manière factuelle et sans émotion.

Une transformation choquante

Âgé de 37 ans, cet Irlandais est professeur de relations internationales à l’université de Copenhague et spécialiste de la violence politique. Son objectif était de comprendre comment des individus ordinaires peuvent devenir des tortionnaires, ainsi que l’impact de cette transformation sur eux. Après des années d’étude, il est convaincu que nous sommes tous capables de torturer, car cela devient une norme sociale.

Lors de ses premières rencontres, Austin a été pris de court. En 2014, alors qu’il était à Beyrouth, il a rencontré un ancien soldat syrien. Cet homme parlait sans ambages des « interrogatoires », sans jamais utiliser le mot « torture », mais décrivait des techniques de violence avec une banalité déconcertante.

Au fur et à mesure qu’Austin approfondissait ses échanges, certains de ses interlocuteurs sont devenus de véritables amis. Ces rencontres, initialement axées sur la recherche, ont évolué vers des discussions plus personnelles. Cependant, il a été soudainement rappelé à la réalité lorsqu’il a réalisé que la personne en face de lui avait commis des actes de torture peu de temps auparavant.

En s’appuyant sur ces interviews, Austin a découvert que ces tortionnaires, loin d’être des monstres, étaient souvent de jeunes hommes ayant des parcours académiques variés. Leur évolution vers la torture n’était pas nécessairement le fruit d’une décision consciente, mais plutôt une transformation insidieuse.

Un individu qu’il a interviewé, que Jonathan appelle Hamod, a exprimé que personne ne voulait torturer. Les personnes impliquées dans la torture ne cherchaient pas à justifier leurs actions en évoquant un désir d’obtenir des informations, mais plutôt en décrivant la violence comme quelque chose qui « arrive ».

La peur de représailles, la pression des pairs et les tensions ambiantes dans l’environnement militaire ont souvent conduit à des actes de torture spontanés, où l’interrogé pouvait simplement être victime d’un moment de colère ou de stress. Cette situation complexe remet en question les notions d’autorité et de responsabilité dans des contextes aussi extrêmes.

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