Kochanski raconte cette histoire de manière efficace sur la base de recherches approfondies (bien que presque entièrement dans des sources de langue anglaise). Son long livre est toujours intéressant et lisible, sensible au drame humain puissant qu’il présente.
Souvent, cependant, Kochanski sape la profondeur de ses recherches par sa façon rigide d’y penser. L’exemple le plus flagrant est son exclusion de la résistance interne allemande de l’histoire. Kochanski nous dit qu’elle veut écrire un portrait « équilibré » de toute la résistance européenne qui évite les « pièges du nationalisme ». Mais elle nous dit aussi que puisque l’Allemagne n’était ni envahie ni occupée, « il n’y avait rien à résister ». L’opposition allemande, dit Kochanski, ne visait qu’à empêcher son pays de perdre la guerre. « L’opposition interne au sein d’une nation conquérante », conclut-elle, « n’a rien de commun avec la résistance dans les pays qu’elle a vaincus et occupés ».
Ça n’a pas de sens. Que les résistants allemands ne cherchaient que la victoire allemande, ou du moins pour éviter la défaite, est une caricature même de la résistance militaire conservatrice qui a culminé dans le célèbre complot Valkyrie de 1944, dont beaucoup de membres étaient animés par une répugnance morale envers les crimes d’Hitler et dont les racines ont atteint retour avant la guerre. Mais en tout cas, le plus grand nombre de résistants en Allemagne nazie n’est pas issu de la droite nationaliste mais de la gauche communiste. Il y avait environ 300 000 membres du Parti communiste en Allemagne en 1933. On estime que 30 000 d’entre eux ont formé des cellules de résistance souterraines et peut-être 60 000 ont passé au moins un certain temps dans un camp de concentration. Cela éclipse tout autre mouvement, et la motivation de ces militants (opposition idéologique au nazisme) et les problèmes et défis auxquels ils étaient confrontés (les dangers de travailler dans la clandestinité et de vivre une double vie) n’étaient pas différents de partout ailleurs en Europe. En effet, de nombreux résistants dont parle Kochanski, en France ou en Norvège par exemple, ont également été confrontés au problème de combattre leur propre gouvernement.
Pourtant, c’est un livre instructif. Kochanski nous parle d’enseignants norvégiens qui ont résisté aux demandes de leur gouvernement fantoche de remodeler le programme scolaire, et du serment de la police française pro-fasciste de Vichy, la Milice, dont les membres ont juré leur opposition à « la démocratie, l’individualisme et le capitalisme international ». » et leur soutien à « un régime national-socialiste autoritaire ». Il ne faut pas trop écouter pour en déceler les échos mélancoliques à notre époque.
Benjamin Carter Hett est l’auteur de « La mort de la démocratie » et de « La menace nazie ».
RÉSISTANCE : La guerre clandestine contre Hitler, 1939-1945de Halik Kochanski | p. | Liveright | 45 $