dimanche, décembre 22, 2024

Critique de livre : « Rétrospective », de Juan Gabriel Vásquez

Cette déception se reflète dans les pensées de Sergio sur son père, un révolutionnaire sans vergogne qui meurt alors que Sergio se dirige vers la rétrospective à Barcelone. Fausto Cabrera était un acteur et dramaturge bien connu et est apparu dans plusieurs des films de son fils. Le problème est que le père, dans sa vie de famille, est aussi précisément le genre de dictateur que la révolution était censée déplacer. Il fait une scène terrible lorsque Sergio, au début de la vingtaine, dit qu’il va à Londres, abandonnant la carrière médicale que son père lui avait ordonnée. « C’est pire que la tromperie », dit Fausto. « C’est une trahison. »

Malgré sa véritable affection et sa gratitude, Sergio ne peut pas, comme il le dit, « adoucir » ses souvenirs de son père. Un passage remarquable où la rétro-colère de Sergio et l’écriture de Vásquez se rejoignent parfaitement, dans la traduction fluide d’Anne McLean, offre une image subtile de la difficulté. Quand Fausto veut emmener la famille en Chine, il ne dit pas que c’est ce qu’il veut :

Il présentait la situation comme si elle ne l’intéressait pas, enthousiasmant ses enfants avec des phrases qui n’étaient pas des phrases mais des invitations à l’aventure, leur disant que ce serait l’équivalent d’un tour du monde, à l’image de l’équipage du capitaine Nemo. … Sergio et Marianella avaient parfaitement le droit de refuser de faire ce dont aucun de leurs amis ne pouvait rêver, même dans leurs rêves les plus audacieux. Chacun était libre de rater des occasions uniques. … À la fin du dîner, Sergio et Marianella suppliaient leur père d’accepter. … Et Fausto, comme si ses enfants venaient de le convaincre … annonça avec la formalité de quelqu’un qui pardonne à un voleur : « D’accord. Nous allons en Chine.

Comment en apprenons-nous autant sur Sergio et Marianella et les autres ? Dans « Retrospective », leur mère et leur père, ainsi qu’une autre famille, ont des mini-romans entiers pour eux seuls. Tout cela fait partie de l’histoire de longue date, bien sûr. Mais qui parle ? Ou plutôt, qui rapporte et interprète le discours ?

Les premiers mots du roman sont « D’après ce qu’il m’a dit lui-même, Sergio Cabrera… » ; les mêmes mots ouvrent l’épilogue du livre. Dans une note d’auteur, Vásquez dit « l’acte de fiction a été d’extraire la figure de ce roman de l’immense montagne de l’expérience de Sergio Cabrera et de celle de sa famille, comme il me les a révélées au cours de sept ans de rencontres et plus de 30 des heures de conversations enregistrées. Vásquez a aussi parlé à d’autres personnes, et il y a eu des photos, des souvenirs et des échanges de courriels. Tous en attente de « l’acte » qui trouverait une « voix » et une « architecture » pour le roman.

Ce sont là des remarques lucides, et l’on voit tout de suite comment elles renvoient à la gestion experte du temps vécu et du temps remémoré par le roman. Mais la « figure » ou l’« architecture » du roman doit aussi être plus que technique, et peut-être ne peut-elle pas être décrite, seulement vécue puis pointée du doigt. En ce sens, l’épigrammatique d’ouverture de Vásquez à sa note en dit plus que tout ce qui vient après : « ‘Rétrospective’ est une œuvre de fiction, mais il n’y a pas d’épisodes imaginaires en elle. Il ne faut pas toucher à cette belle phrase, bien sûr, mais certaines clauses peuvent se présenter comme des clarifications de ce que nous pensons comprendre. Comme : « Pas de gens imaginaires non plus. » Ou : « En dehors des épisodes, tout est imaginaire. »


Michael Wood est professeur émérite à Princeton. Son petit livre sur Proust paraîtra en août.


RÉTROSPECTIVE | Par Juan Gabriel Vasquez | Traduit par Anne McLean | 436 pages | Livres Riverhead | 30 $

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