La décision souligne qu’en tant que radiodiffuseurs publics, CBC et Radio-Canada sont obligés de toujours être fades et non controversés. Mais pourquoi quelqu’un voudrait-il cela?
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La décision du CRTC d’exiger que Radio-Canada s’excuse d’avoir autorisé son émission de l’après-midi à la radio de Montréal à utiliser le mot n dans un segment de 2020 – un segment sur un morceau célèbre de la littérature québécoise qui a le mot n dans son titre, c’est-à-dire — fait partie d’un genre croissant de décisions rendues par les cours, tribunaux et autres organismes canadiens : en le lisant, il est très clair que les décideurs savaient à l’avance quelle serait la réponse , puis ont bricolé toutes les lois, réglementations et opinions personnelles qu’ils ont pu trouver pour le justifier.
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Ce n’est pas comme ça que ça doit fonctionner. Et ça fait un sacré bordel.
À certains moments, la décision suggère qu’un avertissement à l’avance – « attention: n-mot devant » – ou simplement dire le titre à voix haute une fois, aurait pu suffire à atténuer les dommages. À d’autres moments, cela suggère que toute référence serait verboten.
La décision reconnaît que « le mot n’a pas été utilisé de manière discriminatoire, mais plutôt pour citer le titre d’un livre qui était au cœur d’une question d’actualité » – le livre étant condamné. La polémique sur la prison du bombardier du FLQ Pierre Vallières en 1968, N *** es blancs d’Amerique (White N ***ers of North America) et le problème étant sa récente utilisation controversée dans des contextes rhétoriques similaires par Verushka Lieutenant-Duval, professeure à l’Université d’Ottawa, et (hors antenne) par la journaliste de la CBC, Wendy Mesley.
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Mais on ne sait jamais quel poids, le cas échéant, l’intention non discriminatoire a dans la décision.
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La décision note l’évolution du «contexte social» du mot n, en particulier la montée du mouvement Black Lives Matter. Mais comme le fait remarquer la commissaire dissidente Joanne Levy, de nombreux Canadiens considéraient le mot n comme complètement inacceptable bien avant cela. « L’évolution du contexte social n’est pas une raison suffisante pour ignorer le contexte, le ton et les décisions antérieures du CRTC », soutient Levy.
« La décision ignore le droit supérieur à la liberté de la presse inscrit dans la Charte canadienne des droits et libertés, protégé par la Loi sur la radiodiffusion et reconnu par la Cour suprême du Canada », ajoute-t-elle en résumant assez bien.
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Levy et sa collègue commissaire dissidente Caroline Simard notent également que le tabou des mots en n est beaucoup plus fermement établi au Canada anglais qu’au Canada français. Simard suggère que la commission aurait pu parler à de vrais Québécois noirs vivants (autres que le plaignant) pour voir ce qu’ils pensent de tout cela. La commission ne l’a pas fait. Mais à l’émission télévisée phare de Radio-Canada, Tout le monde en parle, l’artiste hip-hop québécois Webster (né Aly Ndiaye) a suggéré que tenter d’assainir le titre détourne l’attention de l’absurdité de la comparaison de Vallières. (« Les Canadiens français n’étaient-ils pas, comme les Noirs américains, importés pour servir de main-d’œuvre bon marché dans le Nouveau Monde ? », demande Vallières dans le livre. Pas enchaînés, ils ne l’étaient pas.)
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La majorité des commissaires passent outre cette distinction en suggérant que l’émission francophone de l’après-midi de Montréal se doit de refléter le contexte social de tout le pays, de Green Gables à Yellowknife, peu importe le sujet. Ce qui est complètement absurde, comme le constatent les dissidents.
Plus effrayant encore, la décision s’appuie sur la notion que les ondes publiques doivent être remplies d’émissions de « haute qualité », et sur l’opinion des commissaires — et seulement leur opinion — que ce segment était de mauvaise qualité. « Il s’agit d’un test subjectif qui défie la transparence, l’équité et la prévisibilité », observe avec insistance Simard. Les radiodiffuseurs ne savent pas ce qui pourrait être casher et ce qui pourrait ne pas l’être. L’autocensure serait le résultat inévitable, et pas seulement sur le n-mot.
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Ce seuil de « qualité » en particulier m’a fait penser au retour triomphal de Kids in the Hall, le quatuor comique torontois que le producteur Lorne Michaels a réussi à convaincre CBC de donner son feu vert à la fin des années 1980. La nouvelle série est sur Amazon Prime ; pour mon argent c’est mieux que l’original; et s’il est surprenant que CBC ait accepté un contenu aussi énervé à la fin des années 1980 – les légions de prudes du Canada ont été scandalisées sur un certain nombre de fronts – ce serait carrément impensable de nos jours.
Mon esprit se tourne en particulier vers le nec plus ultra des sketchs de réunion Zoom, qui commence par des allégations de masturbation devant la caméra lors d’une réunion précédente et se termine par le patron suggérant qu’ils abandonnent tous l’ordre du jour et commencent à « voler en solo, mais en formation ». ”
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« Je ne me sens pas en sécurité », déclare une participante à un moment donné. D’autres semblent inquiets.
« Je n’ai pas dit que je n’aimais pas ça », précise-t-elle, haletante. « La sécurité est pour les moutons. »
«Dieu merci pour Amazon», pourriez-vous dire… sauf que ce gouvernement est déterminé à le placer, ainsi que d’autres services de diffusion en continu, sous l’égide réglementaire du CRTC. En fait, c’est l’un des éléments les moins controversés du programme anti-Internet des libéraux – et dans la pratique, il est probablement peu probable que nous voyions le CRTC essayer quelque chose comme ça avec Netflix ou Amazon. La décision souligne à plusieurs reprises qu’en tant que radiodiffuseurs publics, CBC et Radio-Canada ont des obligations particulières d’être fades et non controversées en tout temps.
Mais alors… pourquoi diable voudrait-on cela d’un radiodiffuseur public ?
Pour mémoire : je n’épelerais pas le mot n même si j’y étais autorisé dans ce journal, pour la simple raison que je ne veux pas insulter ou vexer qui que ce soit inutilement en argumentant. Et je n’ai aucun problème avec la règle en question ici au National Post, parce que (pour autant que je sache) c’est la règle du National Post, librement choisie. C’est entre nous et nos lecteurs, comme ça devrait l’être entre Radio-Canada et ses téléspectateurs et auditeurs. La radiodiffusion publique ne survivrait pas longtemps aux instincts inquiétants qui se dégageaient de cette décision du CRTC.