Le Festival d’animation d’Annecy en France s’est ouvert dimanche et parmi les premières activités de l’événement figurait une projection des titres de la programmation des films de la Commission en compétition. Lors de la projection, le clip français de « Étoile filante » de Chien Méchant, réalisé grâce à un logiciel d’intelligence artificielle générative, a eu l’extraordinaire distinction d’être hué par le public annécien.
D’après le site français de VFX, d’animation et de jeux 3DVF, qui était présent à la projection, tous les autres titres présentés lors de l’événement ont reçu des applaudissements à des degrés divers. À la fin du clip « Étoile filante » – réalisé par Kelzang Ravach et produit par Temple Caché et Mélusine Caillau –, quelques personnes ont applaudi, mais la plupart du public est resté silencieux tandis que « certains spectateurs ont commencé à huer le clip ».
Constituée majoritairement d’étudiants et de professionnels de l’animation, la foule annécienne, remplie d’étudiants issus de certaines des meilleures écoles d’animation d’Europe, exprime généralement très peu de cynisme à l’égard des films projetés au festival. Le public applaudira presque tout ce qui est projeté, ne serait-ce que pour montrer son soutien à l’énorme quantité de travail nécessaire à la création d’un film d’animation.
Ainsi, un titre de compétition, notamment français, se faisant huer par la majorité du public local est un phénomène exceptionnel et qui peut se répéter tout au long de la semaine.
Lorsqu’Annecy a dévoilé la programmation de cette année fin avril, la rumeur s’est rapidement répandue concernant l’inclusion de « Who Said Death is Beautiful? » de Ryo Nakajima, un long métrage japonais de 68 minutes qui a utilisé le logiciel Stable Diffusion AI pendant le développement, aux côtés d’autres techniques telles que VR, capture de mouvement et prise de vue avec caméra virtuelle avec une tablette.
Après que l’inclusion du film soit devenue virale, le directeur artistique d’Annecy, Marcel Jean, a publié une déclaration sur la décision d’inclure des films réalisés avec l’IA, expliquant : « Il est important d’être attentif à l’évolution des choses et de réagir avec discernement, sensibilité et sens artistique. qui justifient notre présence au sein des comités de sélection.
Les critiques de la décision soutiennent que les logiciels de génération d’images ont été illégalement formés à l’aide de matériaux protégés par le droit d’auteur et que, par conséquent, présenter des titres qui ont utilisé ces programmes en développement ou en production n’est pas différent de célébrer le vol.
Reste à savoir si le public d’Annecy sera d’accord avec la justification du festival, mais si l’on se base sur les projections de films commandées dimanche soir, cela semble peu probable.
Lisez la déclaration complète de Jean ci-dessous, traduite du français :
Premièrement, nous n’avons aucune règle interdisant l’utilisation de l’intelligence artificielle. Dans ce dossier comme dans bien d’autres, il est important d’être attentif à l’évolution des choses et de réagir avec le discernement, la sensibilité et le sens artistique qui justifient notre présence au sein des comités de sélection. Les règles nous évitent de devoir réfléchir plus loin, alors que l’arrivée de l’IA dans la création soulève justement une série de questions qui méritent réflexion.
L’année dernière, nous avions sélectionné le court métrage « Algodreams » du cinéaste australien Vladimir Todorovic dans la section compétitive Off-Limits. En 2021, ce cinéaste avait également remporté le Prix de cette section pour son précédent film, « Tunable Mimoid ». Todorovic a justement utilisé l’IA dans son film pour mettre en lumière les mécanismes de création.
Cette année – et ce n’est pas une surprise – nous recevons un plus grand nombre d’œuvres utilisant l’IA. La majorité d’entre eux ne s’y trompent pas : on s’aperçoit vite qu’il n’y a aucune vision, aucune pensée, aucune sensibilité singulière derrière l’usage de la technologie. Toutefois, une minorité de ces travaux cherchent à s’engager dans une voie fertile. Ces œuvres provoquent des questionnements qu’il faut partager avec le public, avec l’industrie, avec les jurys… D’où la sélection de ce qui nous semble le plus pertinent, le plus capable de stimuler ou de provoquer des débats.
On remarque également que les vidéoclips, de par la rapidité de leur production et les budgets souvent modestes alloués à leur production, sont le terreau idéal pour l’IA. Les artistes semblent se tourner vers la technologie car on leur demande constamment de proposer de nouvelles images, de le faire rapidement et à moindre coût. Au final, cela aboutit souvent à une imagerie très datée, exposant ses limites, au point qu’on pourra probablement dire, dans quelques années, au cours de quel trimestre précis de 2023 ce clip a été réalisé…
Marcel Jean – Directeur artistique, Festival d’Annecy