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« Charest humilié », titre en première page du Journal de Montréal de dimanche, un adversaire médiatique de l’ancien premier ministre du Québec. En tant qu’admirateur de longue date de Charest et son partisan dans cette course à la chefferie conservatrice, je suis triste de constater qu’effectivement, il a été pulvérisé. Lui et son organisation savaient depuis un certain temps qu’ils n’avaient aucune chance de vaincre Pierre Poilievre. Personne ne s’attendait à ce que Charest n’obtienne que 11 % des suffrages exprimés (16 % des points), dépassé même dans sa province natale.
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Le résultat de samedi soir met un terme sombre à la carrière politique d’un politicien surdoué. Sans le destin, cette carrière aurait pu être encore plus remarquable. Car peu de gens doutent que Charest possédait comme peu d’autres les qualités qui font un grand premier ministre. Les subtilités de la politique canadienne en ont décidé autrement.
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J’ai commencé à couvrir Charest lors de la course à la chefferie du Parti progressiste-conservateur en 1993 où, à 34 ans, il a osé défier Kim Campbell, la favorite du parti. Sa performance exceptionnelle l’a conduit à moins de 200 voix avant la victoire. Quelques mois plus tard, il était l’un des deux seuls députés conservateurs à avoir survécu au raz-de-marée libéral. Et il lui restait la tâche ingrate de reconstruire le parti.
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Il avait fait des progrès substantiels lorsque, après la panique référendaire de 1995 et l’arrivée de Lucien Bouchard à la tête du gouvernement du Québec, Charest a été soumis à une pression écrasante pour se lancer dans la politique provinciale «pour sauver le Canada».
Mission accomplie! En remportant plus de voix que le Parti québécois de Bouchard aux élections provinciales de 1998, alors même que le PQ gagnait plus de sièges, Charest a anéanti les espoirs des séparatistes de tenir un troisième référendum.
Personne ne devrait sous-estimer la quantité de travail, de talent et de détermination nécessaires pour vaincre les séparatistes, comme il l’a fait d’abord lors du référendum de 1995, puis lors des élections provinciales de 2003, puis gouverner la province indisciplinée pendant 10 ans. Ce passage à la politique provinciale, en tant que libéral (puisqu’aucun parti conservateur provincial n’existait au Québec à l’époque) a également privé Charest d’une autre chance de réaliser son rêve de toujours : devenir premier ministre du Canada.
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Même si les années ont passé, le rêve est resté. C’est pourquoi en 2020, huit ans après avoir pris sa retraite de la politique québécoise, il a été tenté de revenir au Parti conservateur fédéral et de se présenter à la direction laissée vacante par Andrew Scheer. Les commentaires négatifs qu’il a reçus des députés du parti, surtout au Québec, l’ont fait reculer.
Ce n’est pas clair dans mon esprit ce que Charest a vu en 2022 qu’il n’avait pas vu deux ans auparavant : le Parti conservateur du Canada est encore très différent du Parti progressiste-conservateur qu’il dirigeait il y a 20 ans, probablement plus. Cependant, certains organisateurs l’ont convaincu que cette fois, il avait une chance.
J’étais sceptique au début. Mais, comme d’autres partisans de longue date, j’en suis venu à imaginer une rediffusion de la campagne « tortue » de 1993. Nous avons tous énormément surestimé la réputation de Charest au sein du parti et au Canada en général. Et nous avons sous-estimé le facteur âge. De nombreux membres du parti savaient peu de choses sur Charest. Comme beaucoup d’entre nous dans la soixantaine, il porte des cheveux gris et a pris du poids. Aucune somme de compétences politiques ne pouvait contrer la perception que Charest était un homme du passé, un «zombie politique ambulant», comme l’écrivait cruellement un chroniqueur. Cela a été illustré par son atterrissage raté sur les réseaux sociaux au début de la campagne.
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Lors de nos discussions sur la plateforme, Charest a souvent fait référence à son temps comme premier ministre du Québec et à ses jours comme chef conservateur. Nous devenons tous nostalgiques en vieillissant, n’est-ce pas ? Mais la course concernait le présent et l’avenir, pas ce qui avait été. Nous le savions; Est-ce que l’un d’entre nous a eu le courage de lui dire en face que les militants du parti ne recherchaient pas un homme d’État chevronné, mais quelqu’un qui pourrait canaliser leur colère et relever leurs défis quotidiens ? Pas moi.
Malgré tout cela, Charest a mené une bonne campagne. Sa plate-forme était de loin la plus substantielle de tous les candidats. Les débats se sont relativement bien passés pour lui. Mais ses organisateurs ne comptaient pas sur le formidable attrait et l’organisation de Pierre Poilievre. La disqualification de Patrick Brown et l’annonce que Poilievre avait vendu plus de 300 000 adhésions ont étouffé la campagne. À partir de ce moment, l’organisation Charest a su qu’elle n’avait aucune chance.
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Mais le candidat, obstiné comme toujours, s’est battu jusqu’au bout, rencontrant groupe après groupe les membres recrutés par la campagne Brown, tentant de les convaincre qu’il fallait voter, et voter pour lui. En vain.
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En politique, la défaite est toujours dure. Se faire écraser est dévastateur. Je n’ai pas parlé avec Charest depuis l’annonce des résultats, mais je pense savoir ce qu’il ressent; ce n’est pas joli.
Dimanche, Charest a annoncé qu’il reviendrait dans le secteur privé. je ne suis pas concerné; il s’en sortira bien, comme il l’a fait avant sa dernière incursion politique. Mais la défaite, la prise de conscience que son rêve ne se réalisera jamais, le fait indéniable qu’il a maintenant dépassé sa date de péremption politique, seront un lourd fardeau à porter.
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« Nous venons de perdre le dernier grand politicien que nous ayons eu au Canada », m’a écrit un député. C’est ce qui a animé les partisans de Charest pendant cette course, la conviction qu’il aurait fait le premier ministre modéré et bâtisseur de coalition dont ce pays en colère et fracturé a désespérément besoin aujourd’hui.
Si j’avais mieux connu et compris mon pays, j’aurais réalisé qu’il n’y avait aucun moyen pour Charest de vaincre le mouvement Poilievre. En tant qu’ami, j’aurais insisté pour qu’il ne se présente pas. Pour son bien et celui de sa famille.
La tentation était trop forte. Le coût personnel est considérable.
André Pratté est chercheur principal à l’École supérieure d’affaires publiques et internationales de l’Université d’Ottawa. Il s’est porté volontaire pour la campagne à la direction du Parti conservateur de Jean Charest.