L’indifférence comme pilier fondateur de notre pays au bord de l’effondrement
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Le recensement de 2021 Les données sur la langue, publiés la semaine dernière, pointent tous vers une baisse de l’usage du français au Canada et au Québec, bien que le contexte varie d’une province à l’autre. Si les Canadiens ne changent pas leur approche des deux langues officielles du pays, le Canada deviendra bientôt une nation unilingue anglaise (bien que multiculturelle), englobant une nation distincte, principalement française.
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À l’extérieur du Québec, la proportion de personnes dont le français est la première langue officielle parlée est passée de 6 % en 1971 à 3,3 % aujourd’hui.
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Cette tendance apparemment imparable s’est produite malgré l’adoption de la Loi sur les langues officielles en 1969 et malgré les efforts extraordinaires des communautés francophones concernées. L’assimilation des francophones à la majorité anglophone se poursuit sans relâche.
Au Québec, malgré la loi 101, le pourcentage de Québécois qui ont le français comme langue maternelle et ceux dont le français est la première langue officielle parlée sont à la baisse. Les experts en démographie débattent de l’importance de ces baisses, considérant deux faits apparemment contradictoires : le français est parlé à la maison par la grande majorité des Québécois (85,5 %) ; et à mesure que l’immigration augmente, un nombre important de nouveaux arrivants dans la province choisissent l’anglais plutôt que le français comme langue seconde.
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Enfin, le nombre de Canadiens hors Québec qui parlent les deux langues officielles est passé de 10,3 % il y a vingt ans à 9,5 % aujourd’hui. Pendant ce temps dans la province de Québec, la proportion de personnes bilingues ne cesse d’augmenter si bien qu’en 2021, 60 % des Canadiens bilingues étaient Québécois ! Autrement dit, le bilinguisme, le rêve de Pierre Elliott Trudeau, agonise dans la plupart des régions du pays.
Il est vrai qu’en lançant la Loi sur les langues officielles, Trudeau père ne souhaitait pas que tous les Canadiens deviennent bilingues. Sa première ambition, plus pragmatique, était que les Canadiens puissent être servis dans la langue officielle de leur choix par leur gouvernement national. Cependant, il a aussi une vision plus idéaliste, qu’il développe lors du dépôt du projet de loi sur les langues officielles le 17 octobre 1968 :
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« Tous les Canadiens devraient profiter des avantages de vivre dans un pays qui a appris à parler deux grandes langues mondiales.
« Un tel pays pourra tirer pleinement parti des compétences et de l’énergie de tous ses citoyens. Un tel pays sera plus intéressant, plus stimulant et, à bien des égards, plus riche qu’il ne l’a jamais été. Un tel pays sera bien mieux équipé pour jouer un rôle utile dans le monde d’aujourd’hui et de demain.
Cela ne s’est pas produit et n’est pas susceptible de se produire. Chose certaine, le bilinguisme officiel ne peut être soutenu que si le gouvernement du Canada fait preuve d’un engagement de fer envers les langues officielles du pays. La nomination d’un gouverneur général qui ne parle pas le français n’est pas conforme à un tel engagement, quels que soient les autres mérites de Mary Simon. Comme l’affirmait il y a 16 ans l’ancien commissaire aux langues officielles et journaliste Graham Fraser dans son livre Désolé, je ne parle pas français.
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« Il y a une tendance au Canada anglais à considérer la langue comme un problème d’hier. En fait, elle demeure le fait politique et social central de la vie canadienne et la ligne de faille la plus critique. Si le Canada ne peut pas produire de leaders qui peuvent parler au nom de tout le pays, il est difficile de voir comment le pays peut fonctionner efficacement.
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Plus important encore, pour que le français continue de prospérer au Canada, les politiques gouvernementales (à Ottawa ou à Québec) ne suffisent pas. Les 50 dernières années ont montré qu’il y a des limites à ce que les gouvernements peuvent faire dans ce domaine. Au bout du compte, la volonté de sauver le français et le caractère bilingue du Canada doit venir du peuple. Au Québec, la détermination existe certes, mais la plupart des Québécois se contentent de s’en remettre au gouvernement provincial au lieu de se battre eux-mêmes. Par exemple, ils se soucient peu d’un aspect important mais négligé du problème, la mauvaise qualité de la langue française parlée dans la province.
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Dans le reste du Canada, de nombreux parents envoient leurs enfants à l’école d’immersion, mais l’impact à long terme de cette tendance sur le bilinguisme est douteux. Fraser a souligné qu’en devenant adultes, les jeunes Canadiens perdent graduellement le peu de français qu’ils ont appris à l’école : « Dans le passé, on a fait valoir que les Canadiens anglais devraient apprendre le français pour le bien du Québec et de l’unité nationale. Non, merde, on devrait le faire pour nous-mêmes. Apprendre une autre langue est la première étape pour comprendre le reste du monde, pas seulement le pays dans lequel nous vivons.
Le plaidoyer de Fraser est tombé dans l’oreille d’un sourd. En effet, la plupart des Canadiens semblent indifférents alors que l’un des piliers fondateurs de notre pays s’est érodé au point de s’effondrer. Est-ce le souhait des Canadiens que le bilinguisme disparaisse comme caractéristique du Canada? Si oui, nous sommes sur la bonne voie.
André Pratté est directeur de Navigator et agrégé supérieur de recherches à l’École supérieure d’affaires publiques et internationales de l’Université d’Ottawa