André Pratte : Comment ‘multiculturaliste’ est devenu une insulte au Québec

La vision de Legault est-elle vraiment que la culture française du Québec est supérieure aux autres cultures ?

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Lundi dernier, le chef de Québec solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois, a annoncé que si son parti de gauche était élu pour former le gouvernement provincial cet automne, il modifierait le projet de loi 21 afin de permettre le port de symboles religieux pour tous les travailleurs du Québec. Nadeau-Dubois est immédiatement accusé d’être un « multiculturaliste ».

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Quelques jours plus tôt, le premier ministre du Québec, François Legault, avait tenté d’expliquer pourquoi la province rejetait le multiculturalisme au profit d’un autre concept de diversité que les experts appellent «l’interculturalisme».

« Il est important de ne pas mettre toutes les cultures au même niveau ; c’est pourquoi nous nous opposons au multiculturalisme », a déclaré Legault. « Je pense que les nouvelles personnes qui arrivent au Québec ajoutent à notre culture, mais il est important d’avoir une culture où nous nous intégrons, surtout à notre langue.

Le Québec s’oppose au multiculturalisme depuis qu’il est devenu la politique du gouvernement du Canada au début des années 1970. Depuis, les nationalistes de la province ont réussi à faire du « multiculturalisme » un vilain mot. Les « multiculturalistes », disent-ils, sont coupables d’avoir consenti à l’assimilation des Québécois francophones.

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En tant que fervent opposant aux projets de loi 21 (la Loi sur la laïcité de l’État) et 96 (la dernière loi linguistique), permettez-moi de tenter de parcourir ce terrain miné et d’expliquer pourquoi et comment la théorie et la pratique québécoises du multiculturalisme sont à juste titre différentes de celles du Canada. D’abord, ni la théorie ni la pratique ne correspondent à l’affirmation de M. Legault : la culture québécoise n’est pas supérieure aux cultures des centaines de milliers de personnes qui nous ont rejoint en provenance d’autres régions du monde. Au Québec comme dans le reste du pays, en principe, tous ont les mêmes droits, peu importe leurs origines. Ces droits sont protégés par les chartes québécoise et canadienne.

En quoi l’interculturalisme est-il différent du multiculturalisme ? Comme l’a dit le grand philosophe Charles Taylor dans un article de 2012, « ces politiques sont en fait assez similaires quand on les énonce ». Au Québec comme dans les autres provinces, le gouvernement et la population accueillent favorablement la diversité. Au Québec comme dans les autres provinces, on s’attend à ce que les personnes qui font partie de cette diversité s’intègrent (et non s’assimilent) à la majorité en apprenant sa langue et sa culture. Cependant, au Canada moins le Québec, il y a peu d’insistance publique sur l’intégration, parce que la culture de la majorité est si écrasante que l’intégration se fait tout naturellement. Ce n’est pas le cas au Québec où les nouveaux arrivants sont très tentés d’apprendre l’anglais plutôt que le français.

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Comme l’écrit Taylor, « l’intégration doit être un objectif plus complexe (au Québec) que dans le reste du Canada. … À cause de notre situation, nous devons travailler pour que cette intégration se fasse en français plutôt qu’en anglais.[…]En revanche, à Toronto, personne n’a à faire quoi que ce soit pour que les enfants d’immigrants deviennent anglophones.

Le multiculturalisme insiste sur la diversité, car la diversité est menacée par le mastodonte anglais. L’interculturalisme insiste sur l’intégration, car au Québec, l’intégration est menacée… par le mastodonte anglais. Sans l’intervention gouvernementale au Québec, sous la forme de la loi 101, la plupart des immigrants auraient continué d’envoyer leurs enfants à l’école anglaise et de travailler en anglais, rejoignant et renforçant ainsi la minorité anglophone de la province.

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Pourtant, la langue et la culture anglaises demeurent très attrayantes dans la province, de sorte qu’il y a actuellement une perception au Québec que la « langue de Shakespeare » et les religions non chrétiennes ont commencé à gagner du terrain. Cette vision des choses est discutable, mais elle est relayée par les médias et partagée par la plupart des Québécois francophones. Ce sentiment est à l’origine des projets de loi 21 et 96.

Je suis d’accord avec l’approche québécoise du multiculturalisme, de l’interculturalisme, parce que c’est la seule approche possible de la diversité qui s’offre à une petite nation. Cependant, je suis profondément en désaccord avec la conclusion selon laquelle une telle politique nécessite une violation des droits fondamentaux des minorités.

Les projets de loi 21 et 96 ne sont pas le fruit de l’intolérance présumée des Québécois envers les minorités culturelles et religieuses, mais du populisme et de l’insouciance du gouvernement Legault. L’interculturalisme ne peut pas seulement cohabiter avec la diversité, la reconnaissance de la diversité est au cœur du concept.

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Il est profondément troublant que le premier ministre lui-même semble mal comprendre ce qu’est l’approche québécoise du multiculturalisme. Si la vision de Legault est vraiment que la culture française du Québec est supérieure aux autres cultures, cela explique qu’il ait négligemment approuvé l’atteinte aux droits fondamentaux des minorités qui caractérise les projets de loi 21 et 96.

Cette politique doit être combattue. Cependant, c’est une mauvaise et une mauvaise stratégie pour les opposants de mettre en avant le multiculturalisme à la canadienne comme modèle. Ils devraient plutôt reconnaître que la diversité culturelle pose des défis particuliers au Québec. Ces défis ne justifient pas la violation des droits, mais ils nécessitent une approche différente.

Poste nationale
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André Pratte est administrateur chez Navigator et agrégé supérieur à l’École supérieure d’affaires publiques et internationales de l’Université d’Ottawa.

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