L’article présente « Reading Lolita in Tehran », un film du réalisateur israélien Eran Riklis, adapté des mémoires d’Azar Nafisi. Il suit Nafisi, une universitaire iranienne, pendant 24 ans après le retour en Iran de sa famille après la révolution islamique. Le film aborde les défis d’enseigner la littérature classique dans un environnement de plus en plus répressif, tout en explorant l’émancipation des femmes à travers la littérature. Riklis évoque également des événements contemporains pour confronter les spectateurs à la réalité du patriarcat en Iran.
Eran Riklis, le réalisateur israélien connu pour ses films tels que « Lemon Tree », « The Syrian Bride » et « Shelter », a su donner vie à des récits puissants sur les femmes du Moyen-Orient. Avec son dernier long-métrage, « Reading Lolita in Tehran », une adaptation touchante des mémoires d’Azar Nafisi, l’histoire se déroule dans l’Iran d’après la révolution, révélant avec délicatesse l’expérience d’une femme face aux tumultes sociopolitiques.
Le scénario, écrit par Marjorie David, retrace la vie de Nafisi (incarnée par Golshifteh Farahani) sur une période de 24 ans, depuis son arrivée à Téhéran avec son époux Bijan (Arash Marandi) en 1979, dans un contexte où beaucoup d’Iraniens revenaient avec l’espoir d’un avenir meilleur. Au début du film, un carton contextualise ce retour, révélant les promesses non tenues qui enveloppaient cette période.
Nafisi se trouve à enseigner dans une université prestigieuse de la capitale, où elle aborde des classiques de la littérature occidentale comme « Huckleberry Finn », « The Great Gatsby » et « Lolita » à des classes mixtes. Cependant, cette ambiance d’ouverture est rapidement menacée lorsque la ségrégation des sexes commence à s’imposer. Les tensions montent alors que les étudiants masculins expriment des opinions de plus en plus restrictives sur la manière dont les femmes devraient s’habiller, avec des propos menaçants qui ne laissent pas Nafisi indifférente.
Face à cette montée de la répression, Nafisi choisit de poursuivre son enseignement. Elle invite ses étudiants, ouvert d’esprit pour la plupart, à débattre des dilemmes moraux présents dans les œuvres littéraires. Mais la droite religieuse ne tarde pas à contester son programme, affichant des slogans en faveur de la « purification » de l’enseignement. Dans une scène marquante, Nafisi confrontée à un agent de sécurité au sujet de son voile, évoque avec passion l’héritage de sa grand-mère, illustrant ainsi la richesse de l’identité musulmane dans un contexte d’oppression.
Certaines séquences, bien que fortes, semblent parfois maladroites dans leur approche. Une comparaison entre les rues d’Iran et le personnage de Humbert dans « Lolita » paraît trop directe, et les transitions temporelles manquent de clarté. Toutefois, Riklis excelle dans la mise en scène de moments intimes entre Nafisi et ses étudiantes lorsqu’elle décide de leur enseigner clandestinement. L’ensemble se déroule dans un climat de camaraderie pendant que les femmes explorent leurs esprits à travers la littérature, partagent leurs souffrances, chantent et discutent de concepts libérateurs.
Riklis illustre également le quotidien de Nafisi et les manifestations de répression omniprésentes dans sa vie. La réalisation inclusive du film permet d’apercevoir l’amitié entre Nafisi et un intellectuel mystérieux qu’elle rencontre dans un contexte tendu, ajoutant une dimension émotionnelle à leur relation.
De manière similaire à d’autres œuvres contemporaines comme « Shayda » et « The Seed of the Sacred Fig », « Reading Lolita in Tehran » résonne profondément dans le contexte actuel, particulièrement en mémoire de Mahsa Amini, dont la mort tragique a déclenché des manifestations en Iran. Riklis symbolise ce lien par des scènes poignantes où Nafisi, dans un miroir, jongle entre son voile et sa liberté d’expression. L’adaptation, bien qu’elle ne parvienne pas toujours à atteindre la profondeur émotivement chargée des mémoires originales, reste une œuvre pertinente, audacieuse et résolument féminine.