OPourquoi certaines choses se combinent et d’autres se séparent ? Ajoutez de l’acide nitrique à l’or et rien ne se passe. Versez de l’eau régale, un mélange d’acides nitrique et chlorhydrique, et l’or se dissout. La doctrine chimique de l’affinité est apparue comme un moyen d’expliquer ces réactions. Dans son roman de 1809 Affinités électives, Johann Wolfgang Goethe a appliqué l’idée aux relations humaines. Charlotte et Edward forment peut-être une union stable, mais si Edward a une affinité avec le jeune Ottilie – ah, eh bien, alors tous les paris sont ouverts.
Qu’est-ce qu’une affinité ? Un peu comme un coup de cœur, je suppose, du moins au début. Et parfois tout aussi éphémère. Mais parfois plus stable, plus sérieux, et plus révélateur de nos manières d’aborder les choses. Les écrits de Brian Dillon ont toujours été marqués par des affinités – pour des œuvres, pour des écrivains, voire pour des phrases particulières. Dans ce travail, il porte son attention sur la notion d’affinité elle-même, à travers un examen des images qui ont attiré son regard.
Nous commençons par une image de l’œuvre Micrographia de Robert Hooke de 1665 : un point comme on le voit au microscope, le petit cercle révélé à l’agrandissement comme étant « défiguré, déchiqueté, déformé ». Nous passons par le portrait de Julia Margaret Cameron de sa nièce, des photos d’hippocampes d’un documentaire, un dessin scientifique d’une aura migraineuse de 1870. Il y a des motifs abstraits capturés dans les ruines d’Hiroshima, des collages dadaïstes, une photo de la production cinématographique de la BBC de Not I de Samuel Beckett – notre attention toujours guidée par l’attraction et la fascination de Dillon. L’effet n’est pas sans rappeler qu’un ami qui lit mieux vous prend par la main et vous montre les choses qu’il aime.
Dillon suggère provisoirement une connexion entre les images : beaucoup d’entre elles semblent capturer un flou et un devenir, une mutabilité entre des formes opposées. Mais tout peut être comme n’importe quoi, à un certain niveau. Le véritable lien est l’œil attentif de Dillon. Comme les étudiants d’un professeur, ou les colonies d’un empire, la relation de ces images entre elles est leur relation avec lui.
L’une des réflexions les plus personnelles concerne un ensemble de photographies prises par la tante de Dillon. Il décrit l’histoire: un père intimidateur qui prendrait ombrage d’une transgression perçue des règles de la maison. Une fille qui a hérité de cette rage et l’a mêlée à la maladie et à l’apitoiement sur soi. Une retraite dans la paranoïa et la fantaisie. Et les images : une série de photographies documentant les roses décapitées, les parterres piétinés, les trous dans les haies qui montraient que ils – qui qu’ils soient – étaient à nouveau.
C’est une histoire triste, racontée avec émotion. Et Dillon est attentif à ses implications. « Il existe des formes d’attention aiguë, habituelle et même morbide au monde qui nous entoure », écrit-il, « qui n’empêchent pas simplement l’examen de soi ou n’autorisent pas la connaissance de soi, mais remplacent plutôt un regard attentif sur nos vies. et une expression appropriée de ce que nous y trouvons. Entre de moindres mains, les essais de Dillon auraient été utilisés simplement pour plaider en faveur des avantages d’une attention particulière. La discussion de Dillon sur ces photographies prévient cette lecture – une attention particulière est une chose. Une attention aimante, une autre.
Et Dillon aime. Cela ressort de chaque essai. Une affinité peut être une relation signifiante : de sang, de ressemblance passagère, de mariage. Dillon note que le mot signifiait aussi autrefois un rassemblement de personnes partageant les mêmes idées. Les images rassemblées dans ce livre deviennent, entre les mains de Dillon, une affinité. Et, en les regardant avec lui, il fait aussi de nous une affinité.
C’est la clé. La tante de Dillon cherchait toujours. Mais elle cherchait seule. Le livre de Dillon est une invitation à regarder ensemble. C’est l’un des plaisirs intimes de la vie d’assister de près en compagnie de quelqu’un d’autre. Bien fait, il nous ouvre au monde de l’autre.