Le poème de Lyn Hejinian a les 14 lignes traditionnelles du sonnet et présente même la résolution de type couplet du sonnet, mais la longueur de ses lignes dépasse la tradition, atteignant presque les bords de la ligne elle-même. Il emprunte l’élan linéaire de la prose mais refuse l’insouciance des fins enveloppantes de la prose. La puissance de ces lignes est, en partie, générée par leurs décollages rapides – chacun commence par un mot d’une seule syllabe. Ceci est associé à des sauts de ligne astucieux qui enjambent, suggèrent, doublent les mots qui les entourent et intensifient l’effet du poème en lui donnant un mouvement à la fois vertical et horizontal. Partout, il y a du son épais empilé sur du son épais, la diction mélangée et surprenante, le quotidien et l’érudit pétillant comme le silex et l’acier. Dans ma lecture du poème, tout se passe comme si le vers cherchait à mettre en acte la proposition du poème : que dans le mouvement d’éparpillement, dans une orientation de désorientation, puisse se trouver une possibilité de libération. Sélectionné par Anne Boyer
Le temps de la tyrannie, 49
Par Lyn Hejinian
Nous vivons à une époque renversée sous un exploit de tyrannie ; il ne faut pas
faire semblant de se perdre, faisons-le, ne le faisons pas par intermittence, soyons
perdu, désorienté et ne jamais être lié pour que tout le monde puisse entendre
le sifflement des adverbes que nous tirons dans les yeux des tyrans, frémissant
tiges glissantes des membres et visées par les yeux sous les plumes
couvercles. Nos caractéristiques sont comme du pain rassis, mon mal de tête est mauvais
comme modèle pour le beurre. Windows : quelle bêterie l’intensité
de verre nous rend la terreur de l’amour. Les choses divergent, se séparent
comme les embranchements de la rivière Eel auxquels se trouve la concurrence
de deux tyrans ne sont que des pierres fendues secouées par des tremblements de terre
de temps stupéfiants, de minutes à travers une forêt glorieuse, de femmes
qui sont des amis personnels, les flancs d’un lapin prévenu : éparpiller
et équivoque, évite, subrepticement
chair et se dépêcher de trouver des choses à recombiner.
Anne Boyer est poète et essayiste. Ses mémoires sur le cancer et les soins, « The Undying », ont remporté un prix Pulitzer 2020 pour la non-fiction générale. Lyne Hejinien est l’auteur de plus de 25 volumes de poésie et de prose critique, dont les plus récents sont « Tribunal » (Omnidawn, 2019), dont ce poème est tiré, et « Positions of the Sun » (Belladonna, 2018). Wesleyan University Press publiera son livre d’essais critiques intitulé « Allegorical Moments: Call to the Everyday » (2023), et « The Proposition », une édition critique des premiers travaux non collectés de Hejinian, est à paraître par University of Edinburgh Press (2024) .