« Nous allons devoir trouver un moyen pour moi de vous aider », dit mon mari une fois que je suis à la maison sur le canapé, avec mon plâtre appuyé sur une pile d’oreillers.
Ce n’est pas le plâtre de poignet court que j’avais imaginé. Au contraire, il commence à l’épaule, s’articule au coude, se resserre au poignet et pèse plusieurs livres. En dessous, la douleur bat au rythme de mon cœur. Mais je ne prendrai pas les pilules. Ceux que ma mère a pris pour mourir, ceux qui l’ont éloignée de moi, l’ont rendue méchante, ont changé son cerveau. Celles que la mère de mon mari ingurgitait tous les jours, une dépendance dont elle ne pouvait se débarrasser, pour tous les mêmes résultats. La méchanceté, la déconnexion, la mort. Je préfère sentir la douleur, le désir que ça s’arrête.
Les jours passent, la douleur s’apaise et le plâtre prend une personnalité. Un agent de changement encombrant. Mon mari m’apporte de la nourriture, et là où au début je déteste ne pas pouvoir la préparer moi-même, compter chaque calorie qui arrive dans l’assiette, je ne peux rien faire d’autre qu’accepter ma frustration et manger.
Il achète des pochoirs et des autocollants, et nous éblouissons mon bras en plâtre jusqu’à ce qu’il scintille d’or. Il m’enveloppe dans une manche en caoutchouc avant chaque douche. Il se tient derrière moi dans le miroir et je lui explique l’anatomie de base d’une queue de cheval, comment rassembler mes cheveux, comment les attacher avec une bande en plastique. Il m’apporte des tonnes de blocs-notes jaunes. Dans une semaine, je suis à mon bureau, jeté dans une écharpe, reconnaissant que la chute ait pris mon poignet gauche plutôt que mon droit. Petites miséricordes.
Écrire à la main est un travail lent. Mais le temps qu’il faut pour faire une phrase produit un certain lyrisme, et l’intrigue à laquelle j’ai résisté devient l’intrigue que j’embrasse. J’écris toujours, je porte toujours le casting, quand le monde entre en confinement.
Impuissance, incertitude, peur. Une saison de perte et de lâcher-prise. Le comptage des calories diminue, puis augmente, puis diminue. Le virus fait de même. Quand enfin le plâtre se détache, mon bras a l’apparence d’un nouveau-né, doux et pas encore de ce monde. Les doigts libres, je transcris le roman que j’ai écrit à la main dans mon ordinateur. Je révise, révise encore, choisis les mots, la ponctuation, les images avec soin. Ici, un point d’interrogation. Ici, un coeur. Ici, un nouveau monde à parcourir pour mon personnage.
Episode est une chronique relatant un moment de la vie d’un écrivain. Allie Rowbottom est l’auteur du roman « Aesthetica » et des mémoires de famille « Jell-O Girls ».