Laisser subsister une fausse impression d’implication du gouvernement dans notre travail est incompatible avec notre engagement envers un journalisme précis
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Le ministre s’est approché, renfrogné, après sa conférence de presse. Il a agité son doigt vers mon visage, disant que mon journal avait été « très injuste » envers lui et son gouvernement.
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C’était en 1999. Le London Free Press a publié une série d’articles sur les dangers d’un tronçon de l’autoroute 401 en Ontario entre Chatham-Kent et Windsor, surnommé « Carnage Alley » par l’Association canadienne des automobilistes. Le gouvernement provincial était sur la sellette.
Cet automne-là, un horrible carambolage enflammé dans le brouillard non loin de ce tronçon de route problématique a pris au piège plus de 80 véhicules, fait huit morts et 45 autres blessés. L’accident et la couverture persistante des médias ont finalement conduit à d’importantes améliorations de la sécurité dans la province.
Bien que nouveau journaliste à l’époque, j’ai compris que le malheureux ministre se défoulait après des semaines de questions et d’examens difficiles. Et je savais qu’il savait qu’aucune réprimande ou pression n’influencerait notre couverture.
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C’est l’affaire dans une démocratie saine avec des médias d’information robustes et indépendants, libres de toute influence gouvernementale. Les journalistes racontent les histoires qui doivent être racontées, sans crainte ni faveur. Les politiciens ne peuvent pas dicter ou influencer la couverture.
Dans un monde parfait, toutes les parties sont tenues responsables de leur travail devant le tribunal de l’opinion publique.
La responsabilité est lourde, irritable et parfois contradictoire, mais elle sous-tend les libertés dont nous jouissons dans ce pays, avec l’indépendance de la presse garantie par la Charte des droits et libertés.
L’indépendance journalistique a été un pilier central de chacune des cinq agences de presse pour lesquelles j’ai travaillé depuis, et pas plus que chez mon employeur actuel, CBC News, où je suis rédacteur en chef. Je n’ai pas rencontré un seul journaliste dans toutes mes années pour qui l’indépendance n’est pas une vertu sacrée. Quelle que soit la salle de rédaction – imprimée, magazine, numérique ou audiovisuelle – l’indépendance journalistique est sacro-sainte.
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C’est pourquoi les agences de presse réputées réagissent si fortement aux affirmations selon lesquelles elles sont dans les poches du gouvernement, des politiciens ou de tout autre intérêt extérieur. L’idée est un anathème pour les journalistes, contrairement à tout ce que nous croyons et pratiquons, et une menace pour notre confiance publique.
La récente décision du PDG de Twitter, Elon Musk, de qualifier le compte Twitter de la CBC de «financé par le gouvernement» avec plusieurs autres radiodiffuseurs publics du monde entier a suscité une réponse rapide. Plusieurs diffuseurs, dont CBC/Radio-Canada, ont soit suspendu leur activité sur leurs comptes Twitter officiels, soit annoncé qu’ils quittaient la plateforme.
Cette controverse ne porte pas vraiment sur la délimitation du mode de financement des radiodiffuseurs publics. (Pour mémoire, CBC/Radio-Canada, en tant que société d’État, a reçu plus de 1,2 milliard de dollars en financement fédéral en 2021-2022 et a généré 650 millions de dollars supplémentaires par d’autres moyens tels que la publicité, les abonnements et la syndication de son contenu.)
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Le problème est plutôt que la définition publiée par Twitter de « financé par le gouvernement » fait référence à des points de vente qui « peuvent avoir divers degrés d’implication du gouvernement dans le contenu éditorial ». Et Musk a à plusieurs reprises lié le financement gouvernemental à l’influence de l’État et aux préjugés des médias.
Soyons clairs : aucun gouvernement n’a d’implication ou d’influence sur le journalisme de CBC News et de Radio-Canada Info, notre service de langue française. Zéro.
L’indépendance éditoriale de CBC est enchâssée dans la Loi sur la radiodiffusion du Canada, ainsi que dans ses normes et pratiques journalistiques (JSP), dont les divisions de l’information sont tenues responsables par des médiateurs indépendants.
L’indépendance éditoriale a permis à CBC/Radio-Canada, pendant de nombreuses décennies, de diffuser et de rapporter des centaines d’histoires qui ont mis mal à l’aise les gouvernements et les politiciens de tous bords. Pensez au scandale Airbus, à la crise des réfugiés syriens, aux contrats de WE Charity, McKinsey & Company, ou même à l’exclusivité de cette semaine sur l’émission du Premier ministre Vacances de Noël en Jamaïque.
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Cela ne veut pas dire que CBC/Radio-Canada ne devrait pas être tenue au même niveau de responsabilité que toute autre institution qu’elle couvre. La couverture médiatique et la critique du mandat du radiodiffuseur public, de son budget, de ses performances, de ses défauts, de sa pertinence et de son objectif sont toutes équitables (les lecteurs du National Post sont particulièrement bien servis, devrais-je ajouter). Bien que nous fassions de gros efforts, nous commettons des erreurs et, à l’occasion, nous ne respectons pas nos normes élevées.
Mais permettre à une fausse impression d’une implication potentielle du gouvernement dans notre travail de rester incontestée est incompatible avec notre engagement envers un journalisme précis et factuel. C’est de la désinformation. Et c’est pourquoi des objections similaires aux labels médiatiques de Twitter ont été soulevées par des médias publics internationaux tels que NPR, PBS, la BBC britannique, ABC et SBS australiens, RNZ néo-zélandais et RTVE espagnol, pour n’en nommer que quelques-uns.
Dans la radiodiffusion publique, nous posons les questions qui doivent être posées au nom du public. C’est une question d’intérêt public, de service public et de confiance du public.
En fin de compte, c’est bien plus qu’un différend avec un géant de la technologie sur la sémantique et les sources de financement. Il s’agit de tracer une ligne entre le journalisme professionnel et la propagande, et de s’assurer qu’un public méfiant comprend la différence entre les deux.
Brodie Fenlon est rédactrice en chef de CBC News.
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