Onseulement deux de l’écrivain français Laurent MauvignierLes 12 romans précédents de sont parus en anglais : La blessure (2015), sur la guerre d’indépendance algérienne, et Dans la foule (2008), qui a suivi quatre groupes de personnages en route vers Bruxelles avant la finale de la Coupe d’Europe 1985 entre Liverpool et la Juventus, tirant une tension macabre de la connaissance préalable du lecteur de la catastrophe du stade Heysel.
Bien que le nouveau roman de Mauvignier, La fête d’anniversaire, traite entièrement d’événements fictifs de l’époque actuelle, sa logique narrative impitoyable nous fait également lire derrière nos mains, alors que nous regardons son ensemble sombrer dans la catastrophe. Patrice, un agriculteur d’un hameau français isolé, s’est rendu dans la ville la plus proche pour s’approvisionner en vue d’une fête après le travail pour sa femme, Marion, qui fête ses 40 ans ; leur fille, Ida, rentre de l’école pour préparer un gâteau avec une voisine âgée, Christine – dont nous venons d’assister au massacre du chien par des intrus qui sont sur le point de les prendre tous les deux en otage.
Il reste quatre cents pages d’agonie. Notre compulsion est basique mais extrême : pourquoi cela se produit-il ? Et que va-t-il se passer ensuite ? Au milieu de la terreur d’instant en instant émerge une histoire nouée de deux familles obscurément connectées, l’une superficiellement heureuse, l’autre terriblement dysfonctionnelle, alors que le scénario de la cocotte-minute apporte les secrets enfouis de la vie prénuptiale de Marion – incendie criminel, abus, meurtre – bouillonnant à la surface.
Au moment où l’intrigue démarre, nous sommes depuis longtemps à l’écoute du style exigeant du roman – des paragraphes serpentant, des arrêts complets, des papillons entre l’expérience de chaque personnage. (La traduction est de Daniel Levin Becker, écrivain américain attaché au mouvement expérimental de l’Oulipo ; les phrases segmentées à l’infini, qui claquent et craquent avec ses choix convaincants, ont sûrement donné à son ingéniosité un entraînement.)
Mauvignier assied le lecteur dans les dieux, capable de superviser la situation dans son ensemble comme aucune personne impliquée dans l’histoire ne le peut elle-même, fouillant dans chacun de leurs cerveaux. C’est un mode de narration le plus souvent associé à la sympathie, mais son principal effet ici est de générer un crépitement – j’ai presque tapé caquetage – d’ironie dramatique, effet amplifié par le titre anglais du roman, La fête d’anniversaire (en contraste avec le français moins spécifiquement inquiétant Histoires de la nuit, ou Histoires de la nuit). Lorsque Patrice, un maladroit à la Bovary avec son propre linge sale, arrive à la maison, son esprit est en ébullition avec quoi servir et comment s’habiller, ignorant que les enjeux de la soirée ont radicalement changé; idem Marion, rentrant du travail après avoir déjoué son supérieur hiérarchique dans un conflit de bureau.
Parfois, l’horreur ne peut s’empêcher d’être amèrement drôle, notamment lorsque les invités à la fête, inévitablement oubliés depuis longtemps, apparaissent dûment à l’heure dite ; Au plus fort du siège, naturellement, le fusil de Tchekhov – en l’occurrence un couteau à découper, un pistolet et un fusil de chasse – avait déjà été très remarqué par les captifs et les lecteurs.
La capacité de Mauvignier à entretenir les chocs – sans parler de son talent pour renouveler un cliché ou deux, qu’il écrive sur le syndrome de Stockholm ou le travail du sexe – fait partie des qualités qui rendent ce roman captivant si cruellement efficace. Gérant une action dynamique ainsi que des changements psychologiques d’une fraction de seconde (un exploit rare; pensez au pic Ian McEwan), tout le shebang culmine dans une explosion chorégraphiée de façon extravagante d’un danger presque insupportable. Et même si son pathos abondant se fait au prix quelque peu élevé d’une omniscience narrative exagérée, cette tournure macabre du roman de portrait de mariage invite finalement à la prudence et à l’humilité sur la question épineuse de savoir ce que nous pouvons jamais savoir sur nos proches. Ce n’est pas une idée nouvelle, bien sûr, mais il est rare qu’elle ait été démontrée de manière aussi explosive.
-
La fête d’anniversaire de Laurent Mauvignier, traduit par Daniel Levin Becker, est publié aux éditions Fitzcarraldo (16,99 £). Pour soutenir la Gardien et Observateur commandez votre exemplaire sur guardianbookshop.com. Des frais de livraison peuvent s’appliquer