Quoi qu’il en soit, les affrontements inévitables de Kratos avec Thor et Odin dans Dieu de la guerre Ragnarok promettre catharsis. Après avoir joué à travers Dieu de la guerre 2018, il est difficile de ne pas penser que ces deux leaders du panthéon nordique méritent la vengeance qui les attend. Les deux planent sur les événements de Dieu de la guerre en tant que personnages qui sont, sinon carrément mauvais, du moins insensibles au point que cela ne fait aucune différence – et le jeu y parvient sans jamais avoir besoin qu’ils apparaissent.
Ce faisant, Santa Monica Studio rejoint une longue lignée de créatifs pour donner du pouvoir à leur histoire à travers des personnages invisibles.
L’un des exemples les plus puissants de la technique dans l’histoire du divertissement doit être Sauron de Le Seigneur des Anneaux. Il existe dans le texte comme un poison pour la Terre du Milieu. De son domaine du Mordor, il répand une influence toxique qui se traduit par la chute de Minas Ithil, la corruption de Saroumane et la menace de destruction pour tous les Peuples Libres. Malgré cela (et les films de Peter Jackson le dépeignant comme un œil géant enflammé), Tolkien ne précise jamais si Sauron a même un corps pendant le troisième âge. Il n’apparaît certainement jamais, sauf comme une vague conscience qui se tourne vers Frodon chaque fois qu’il porte l’Anneau Unique, mais sa présence est palpable.
Tolkien obtient cet effet en s’assurant que toutes les routes mènent à Sauron, et Dieu de la guerre fait quelque chose de similaire. Le processus commence assez tôt dans le jeu, lorsque Kratos et Atreus se lancent pour la première fois sur le lac des Neuf. De la brume se dresse une statue de Thor. Son apparition déclenche un bref va-et-vient sur les Ases et la dynamique de la famille de Kratos, mais son véritable objectif est d’agir en tant que marque. Au cœur du lac des Neuf se trouve le temple de Tyr, qui agit comme une sorte de plaque tournante pour l’ensemble du jeu. Cela signifie que Thor est la sentinelle des allées et venues constantes de Kratos et d’Atreus (au moins jusqu’au réveil de Jörmungandr). La statue établit littéralement Thor comme une figure plus grande que nature, mais au-delà d’un vague sentiment d’admiration, ni les personnages ni le joueur n’en ressentent quoi que ce soit. À ce stade, il n’y a pas de mystique.
Ce n’est que lorsque le jeu commence à se plonger dans – et plus important encore, récrire – Mythologie nordique dans laquelle nous commençons à avoir une idée de qui sont Thor et Odin Dieu de la guerre. Alors que Kratos et Atreus explorent les royaumes, ils rencontrent des sanctuaires de Jotnar qui racontent les histoires héroïques des Ases. Ils dépeignent une vision de l’histoire, mais Dieu de la guerre emploie une sorte de mythopée récursive à travers Mimir. Les mythes établis sont interrogés et réinventés pour s’inscrire dans le cadre de la saga.
L’histoire qui me reste le plus à l’esprit est celle du Géant Hrungnir. Le mythe raconté par le sanctuaire est celui d’une bataille, où Hrungnir a combattu les Ases avant d’être renversé par Thor. Cette histoire racontée par Mimir est tout autre. Odin est dépeint comme une sorte de sadique, provoquant l’agression de Hrungnir, tandis que Thor pourrait bien être sociopathe dans sa décision immédiate de tuer le Géant. C’est une dynamique qui se joue encore et encore dans les histoires de Mimir – dans la liaison et la torture de Mimir lui-même et dans l’histoire de la destruction physique et de la réputation d’Odin et Thor de Starkaðr, entre autres.
La cruauté occasionnelle décrite dans les histoires de Dieu de la guerre suffit à peindre Thor et Odin comme méritant une punition. Même ainsi, il n’y a aucun lien direct avec ce que nous voyons et ressentons à travers le jeu. C’est pourquoi ces représentations négatives restent périphériques.
Pour revenir à Le Seigneur des Anneaux, la menace de Sauron est rendue tangible par la façon dont il corrompt Saroumane et réduit à néant la résolution de Denethor. Ces deux subversions provoquent le chaos à travers la Terre du Milieu, permettant au mal de prendre pied à la fois dans le Rohan et le Gondor. Nous voyons les effets de l’influence de Sauron. On voit ce qu’il peut faire, et ça nous fait le prendre au sérieux.
C’est de même dans Dieu de la guerre. Thor est le plus présent des deux Ases, principalement à cause de l’apparence de ses fils, Magni et Modi. Les deux se disputent l’approbation de Thor et pensent que tuer Kratos est la clé pour le gagner. Cependant, leur quête se retourne contre lui lorsque Magni est tué, provoquant la fuite de Modi. La réponse de Thor est de blâmer Modi et de le battre jusqu’à ce qu’il puisse à peine se tenir debout.
Maintenant, Modi n’est pas un objet de sympathie ; tout au long du jeu, il est dépeint comme un idiot minaudant – sans parler de la chair de poule dans sa fixation sur Atreus – mais cela ne fait que souligner la haine des actions de Thor. Il n’y a pas de pitié, pas d’atténuation, pas de retenue. Cela se juxtapose au traitement d’Atreus par Kratos comme brutal sans jamais être violent. Jusque-là, nous avons entendu histoire après histoire de la soif de sang de Thor, et cette scène renforce tout cela. Il est difficile de ne pas se sentir au moins un peu désolé pour Modi, qui inspire notre colère envers Thor. Et encore une fois, cela est réalisé entièrement par inférence.
Pendant ce temps, Odin est le catalyseur de tout ce qui se passe tout au long du jeu. Il est chargé de mettre Baldur sur la piste de Kratos mais n’a que peu d’autre impact direct sur les événements.
Néanmoins, la dépravation de Thor et Odin souligne la fin. Alors que le voyage touche à sa fin à Jötunheim, nous voyons les séquelles de leur génocide. Des cadavres brisés de géants jonchent le paysage montagneux. La paix du moment souligne l’horreur de la vue. Tout ce que vous avez vu et entendu tout au long du jeu mène à ce moment, mais cela vous prend toujours au dépourvu. Même le chaos que Kratos a provoqué dans sa vie antérieure semble apprivoisé par rapport à la destruction exposée.
La Dieu de la guerre série a toujours été sur le cycle de la violence. C’est un cycle que Kratos a cherché à briser tout au long du redémarrage. À maintes reprises, Thor et Odin se délectent de la violence que Kratos a rejetée. Sa croissance de caractère entre les sagas juxtapose l’insécurité et l’immaturité des Ases, que nous voyons à la fois de première et de seconde main.
Thor et Odin sont des figures mythiques de la mythologie. Ces représentations aveugles signifient qu’elles peuvent être n’importe quoi. Nous ressentons du soulagement lorsque nous tuons Magni, mais de la tristesse lorsque Thor bat Modi. Nous ressentons de la droiture alors que Kratos déchire les Draugr et d’autres adversaires divers des Neuf Royaumes, mais de l’horreur au lendemain du génocide de Jötnar. Bien sûr, les contextes sont différents, mais Sony Santa Monica nous fait ressentir ces choses, parallèlement à un dédain croissant pour Thor et Odin, car les développeurs savent que nos émotions peuvent parfois être plus puissamment manipulées par des choses qui sont en dehors de notre expérience. Dans Dieu de la guerreles échos de la violence sont plus percutants que les images de la violence.