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Je commente un peu ci-dessous chaque histoire.
INTIMITÉ pp. 3-40
Lulu est mariée à Henri et ils semblent être à la fois amoureux et non amoureux, s’attirant et se repoussant alternativement. Lulu a un amant « à temps partiel », Pierre, et une petite amie, Rirette, à qui elle se confie.
Finalement elle décide de quitter Henri pour Pierre et ils vont s’enfuir à Nice et auront cette vie idéale. Mais elle sait que c’est un mythe et finit par rester dans la relation insatisfaisante avec Henri, préférant en quelque sorte l’intimité qu’elle a, avec tous ses problèmes, à la possibilité d’une meilleure intimité à laquelle elle n’arrive pas à croire.
ÉROSTRATE pp. 41-58
Dans la Grèce antique, Erostratus a incendié un temple important pour se faire reconnaître. Il a réussi puisque personne ne sait qui a construit le temple, pourtant l’histoire sait qui l’a détruit.
Un Erostratus parisien des temps modernes prévoit de tuer cinq étrangers choisis au hasard, puis de rentrer chez lui pour se cacher. Il sait qu’il sera découvert et que la dernière balle de son fusil à 6 chambres sera de se suicider.
Le narrateur/tueur est amer. Il élabore ses plans pour ces meurtres sans aucune émotion. Il pourrait tout aussi bien planifier quoi avoir pour le souper ou quoi écouter à la radio.
Cependant, j’ai trouvé une curieuse bizarrerie, sinon une tension, dans la notion d’authenticité de Sartre – le choix de sa propre vie. Quand Sartre veut démontrer cette liberté de choisir ses propres valeurs et sa propre vie, il semble ne jamais lui venir à l’esprit que sur ce mode précis : choisir ses propres valeurs, dans un monde où les valeurs ne sont pas objectives mais créées par l’individu, il y a aucune garantie de ce qu’ils seront. De même que le narrateur de cette histoire choisit un ensemble de valeurs radicalement contraires aux normes sociales typiques, on pourrait bien suivre la règle générale de Sartre consistant à créer ses propres valeurs et choisir des valeurs bien aimées par la société en général.
Je pense au personnage du docteur Rioux dans LA Peste d’Albert Camus. Il me paraît être un homme très libre du genre sartrien. Pourtant, sa réponse à la peste qui tue tout le monde à Oman, et le tuera probablement s’il s’occupe de ses patients malades, est de continuer à les soigner. Non pas parce qu’il est, au sens de Sartre, inauthentique et qu’il choisit des valeurs sociétales ou des valeurs qui ne sont pas les siennes, mais PRÉCISÉMENT parce qu’être médecin et soigner les gens même face à une mort probable, EST sa valeur authentique. Je ne pense pas que Sartre puisse tout à fait gérer ce fait de la possibilité que des valeurs authentiques, pour certains, soient similaires aux valeurs communes de tous les jours.
LE MUR p.59-80
J’aime la façon d’écrire de Sartre et son humour. Dans ce cas, j’ai été ravi d’une blague tranquille. Lorsqu’un prisonnier révèle que l’armée espagnole tue parfois des gens en les écrasant avec des camions pour économiser des munitions, le personnage à la Sartre répond : « Mais, ça leur coûte de l’essence ! J’aime cette sorte d’humour sauvage et insolite dont Sartre utilise souvent.
Tous les prisonniers vont mourir et ils font l’expérience de l’attente : « la vie de demain n’est plus possible ».
« Dans l’état où j’étais, si quelqu’un était venu me dire que je pouvais rentrer tranquillement, qu’il me laisserait ma vie entière, ça m’aurait laissé froid : plusieurs heures ou plusieurs années d’attente, c’est quand même ont perdu l’illusion d’être éternel.
Cela me semble absurde. Il se passe des choses dans le monde que nous ne pouvons imaginer et sur lesquelles nous n’avons aucun contrôle. Comme, par exemple, Gris retrouvé dans le cimetière alors que le prisonnier s’était réconcilié ! Nous vivons simplement chaque jour avec notre mortalité.
L’ENFANCE D’UN LEADER pp. 81-159
C’est une longue et assez triste histoire de Lucian Fleurier de sa naissance jusqu’à son âge adulte. Ce jeune homme plutôt détestable était un peu une terreur dans son enfance, flirtant sérieusement avec le suicide et souvent destructeur. Mais, au moins à cette époque, il était principalement lui-même. Cependant, alors qu’il entrait dans l’adolescence et au début de l’âge adulte, il devint de plus en plus influencé par les autres, manipulé par eux, abandonnant sa propre liberté à la volonté de ces autres. Il était facilement impressionné et voulait être accepté.
Cela semble un cas classique de la notion sartrienne d’inauthenticité ou de mauvaise foi. Cependant, il est important de noter que ce n’est pas le CONTENU de ses décisions qui constitue sa mauvaise foi, mais la SOURCE de ses décisions qui semblent résider dans le fait de plaire aux autres et d’essayer d’adapter sa vie à leurs attentes et espoirs pour lui. Il aurait pu en venir aux mêmes conclusions de bonne foi s’il avait fait le choix par ses propres moyens, plutôt qu’à cause de la pression des autres et de son désir de plaire.
LA CHAMBRE pp.160-189
C’est une allégorie fascinante du monde « réel » versus le monde de l’existentialisme. Du moins c’est comme ça que je l’ai lu. Une jeune femme a épousé un homme qui devient complètement fou. Ses parents, représentant le monde « normal », s’attendent à ce qu’elle le range et reprenne sa vie. Mais, à leur grand désarroi, elle entre dans le monde de son mari, qui est complètement fou, et se défend de le garder à la maison, de s’occuper de lui au prix de sa vie, et fait comme si les autres, au-delà de ce mur (il y a plus ce mur qui se passe ici) n’existent pas.
Petit à petit, elle est entraînée dans son monde, mais pas complètement. Pourtant, il y a de fortes indications que peut-être, juste peut-être, elle le fera. Cependant, si le monde extérieur, le monde au-delà du mur, a décidé de l’emmener de force dans un asile, elle est prête à le tuer d’abord pour le protéger de la perte de sa liberté.
Il vit dans une pièce, ne voulant jamais partir, séparé du reste du monde par « le mur ». Le mari le décrit :
Les gens normaux pensent que j’appartiens à eux. Mais je ne pouvais pas rester une heure parmi eux. J’ai besoin de vivre là-bas de l’autre côté du mur. Mais ils ne veulent pas de moi là-bas.
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