Quel genre d’enfance a poussé Jer à devenir soldat ? Sa mère, Nancy, l’expliquera dans la section suivante du roman, qui se déroule en 1911. Née sur une île au large de la côte sud-ouest, elle s’est enfuie vers le continent lorsque la grande famine l’a laissée orpheline. Avec la sagesse durement acquise de la vieillesse, elle revient sur les abandons qui l’ont conduite à la maison de travail et dans les ruelles ombragées de Cork, élevant deux enfants sans le bénéfice du mariage. « Quand je n’avais rien », soupire-t-elle, « je les avais, et je savais que j’étais tout ce qu’ils avaient. »
Le plus jeune enfant de Jer, Nellie, conclut le roman. Aujourd’hui dans la soixantaine, elle passe ses derniers jours dans une maison du conseil « à moins de cent pieds de l’ancienne porte d’entrée de mon père ». Son récit, bien que le plus bref, est peut-être le plus puissant, avec ses difficultés distillées dans un récit déchirant de la nuit où son fils mort-né a été enterré clandestinement dans le cimetière, où le curé a insisté sur le fait qu’il n’avait pas le droit d’être. À sa confession, O’Callaghan ajoute l’une des siennes : le nom de sa grand-mère était également Nellie, et « ce qu’il y a dans ces pages est une peau de fiction posée sur une quantité considérable de faits ».
Il en va de même, mais d’une manière beaucoup plus douce, du premier roman lyrique de Joel Agee, LE MONDE DE PIERRE (Melville House, 240 p., 27,99 $), qui est, comme l’explique son éditeur, « tiré des souvenirs de son enfance au Mexique dans les années 1940 ». Vu à travers les yeux de Peter, 6 ans, le ménage présidé par sa mère et son beau-père est rempli de petites merveilles et de drames quotidiens, avec les tentatives parfois tâtonnantes d’un petit garçon pour donner un sens à la vie dans une ville animée non loin de la Capitale.
Le Mexique de Peter est à la fois celui des locaux et celui de ses parents expatriés, suscitant des tensions dont il n’a souvent que vaguement conscience. Pour lui, c’est tout simplement sa maison. Pour Zita, la bonne de la famille, et son petit ami, Federico, qui travaille pour la compagnie de chemin de fer, c’est aussi une terre tumultueuse où une grève du travail pourrait bouleverser leurs espoirs d’un avenir commun. Pour Bruno, l’écrivain communiste qui a épousé la mère de Peter après son divorce et est ainsi devenu le « père allemand » de Peter, le Mexique n’est pas un substitut à l’Europe dans laquelle il aspire à revenir, malgré ses dangers persistants.
Alors qu’Agee suit Peter à travers une période cruciale de changement, il imprègne habilement une évocation intemporelle de l’innocence décroissante de l’enfance avec les images et les sons d’un moment et d’un lieu très particuliers. Lorsqu’ils sont seuls ensemble, Peter et sa mère jouent souvent à ce qu’ils appellent le jeu « What If ». « Et si Zita était ma mère ? « Pourquoi voudrais-tu ça ? » « Parce que ce serait à l’envers mais toujours le même. » Ou le serait-il? Alors que Peter y réfléchit, « le monde amusant à l’envers n’était plus drôle ». En fait, c’est assez triste pour lui faire monter les larmes aux yeux. Un garçon qui se délecte du pouvoir de son imagination découvre quel don contradictoire cela peut être.