Allan Lanthier: Même si la taxe survit, des changements fondamentaux devraient être apportés
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Enfoui dans les 424 pages de documents budgétaires déposés par la ministre des Finances, Chrystia Freeland, le 7 avril, se trouvait un engagement selon lequel le Canada adopterait l’impôt minimum global des sociétés de 15 % proposé par l’OCDE — alors même que l’initiative échoue à la fois dans l’Union européenne et dans les États-Unis. Si l’impôt minimum cratère, ce serait manifestement une erreur de la part du Canada d’aller de l’avant. Mais même si la taxe survit, des changements fondamentaux doivent être apportés.
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L’OCDE lutte depuis de nombreuses années contre l’évasion fiscale des entreprises. En 2015, avec le soutien de tous les pays membres de l’OCDE et du G20, il a publié un plan en 15 points pour lutter contre l’évasion fiscale des entreprises multinationales (EMN). Bon nombre des recommandations du plan ont été adoptées, ce qui signifie que la part du lion de l’évasion fiscale des entreprises a déjà été traitée. Mais il manquait une pièce : comment moderniser les règles fiscales mondiales face à la numérisation.
L’OCDE a donc poursuivi ses travaux sur deux nouvelles mesures. « Pillar One » allouerait une partie des bénéfices des géants du numérique comme Amazon, Facebook et Google aux pays où se trouvent leurs consommateurs. Dans le même temps, le « pilier deux » imposerait un impôt minimum mondial sur les sociétés à tous les groupes de sociétés dont le chiffre d’affaires annuel consolidé est d’au moins 750 millions d’euros (environ 1 milliard de dollars canadiens). Le problème, c’est qu’il semble y avoir peu de chances que le Congrès américain accepte un jour le premier pilier, tandis que le deuxième pilier est également confronté à des obstacles.
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L’UE exige le consentement unanime de ses 27 pays membres pour toute modification de la politique fiscale. Le deuxième pilier fait déjà l’objet de désaccords. Pour persuader certains pays de signer, le comité économique et financier de l’UE (ECOFIN) a proposé de reporter la mise en œuvre d’un an à 2024 et a également accordé d’autres concessions. Même ainsi, lors de la réunion ECOFIN du 5 avril – deux jours avant notre budget – la Pologne a opposé son veto au plan, déclarant qu’elle souhaitait un accord juridiquement contraignant sur l’introduction des piliers un et deux. Il a ajouté qu’il ne voulait pas imposer « de charges supplémentaires aux entreprises européennes sans s’assurer que les géants du numérique soient pleinement imposés dans le cadre du premier pilier ». La prochaine réunion de l’ECOFIN est prévue fin mai, mais il est difficile d’imaginer que la Pologne retirera son objection.
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Aux États-Unis, le budget 2023 de l’administration Biden comprend un certain nombre de propositions qui aligneraient les règles fiscales américaines sur le deuxième pilier, y compris des mesures du «Build Back Better Act» de l’année dernière. Mais cette législation n’a pas été adoptée par le Sénat et il semble peu probable que le budget obtienne le soutien du Congrès.
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La proposition de l’OCDE pose de nombreux problèmes. Pour commencer, les règles – 70 pages de projet de loi – sont extraordinairement complexes. Chaque entité d’un groupe d’entreprises multinationales doit calculer ses revenus et ses impôts conformément aux normes comptables, qui sont conçues pour rendre compte des résultats financiers aux actionnaires et aux créanciers, et non définir une assiette fiscale. Des centaines d’ajustements aux résultats comptables seront alors nécessaires pour calculer le taux d’imposition effectif pour chaque entité du groupe, un exercice long et laborieux qui confirmera souvent que, à l’exception d’une ou deux sociétés dans des paradis fiscaux, les entités ont un taux d’imposition supérieur à 15 pour cent. Au lieu de 70 pages, il serait plus simple d’ajouter une règle unique qui taxe les sociétés mères sur les revenus mobiles tels que les intérêts et les redevances perçus par les filiales des paradis fiscaux.
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Le deuxième pilier était censé lutter contre l’évasion fiscale des multinationales, mais il s’est transformé en quelque chose de très différent. Si un pays comme le Canada offre des incitations fiscales pour promouvoir une activité ou un secteur économique particulier, et que les incitations réduisent la charge fiscale des sociétés canadiennes du groupe à moins de 15 %, l’impôt minimum entrera en vigueur. initiatives politiques adoptées par un Parlement souverain.
Bon nombre de ces règles peuvent même ne pas être exécutoires en vertu des conventions fiscales canadiennes. Par exemple, une société canadienne peut devoir payer de l’impôt sur le revenu peu imposé d’une société du groupe dans un pays signataire d’une convention – un revenu qui n’a aucun lien avec le Canada. Une entreprise canadienne qui reçoit une facture fiscale contestera probablement l’évaluation devant les tribunaux au motif que le revenu est protégé par un traité contre l’impôt canadien, et la contestation pourrait bien réussir.
Si le Pilier Deux se poursuit, Ottawa s’emparera de recettes fiscales supplémentaires pour des montants incertains mais modestes. Pendant ce temps, les multinationales basées au Canada seront confrontées à une fiscalité supplémentaire et à un énorme fardeau de conformité que les concurrents d’autres pays, y compris l’UE et les États-Unis, pourraient ne pas avoir. Le deuxième pilier commence à s’effondrer dans d’autres pays. Le Canada ne devrait pas l’augmenter.
Allan Lanthier est un associé à la retraite d’un cabinet comptable international et un ancien conseiller du ministère des Finances et de l’Agence du revenu du Canada.