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Opinion: Le manque d’assurance-médicaments au Canada a été une pilule difficile à avaler pendant trop longtemps

Dr Nili Kaplan-Myrth, Dr Jasmine Gite,

29 mars 2022

Bill entre dans le cabinet de son médecin de famille et sort tranquillement son journal des relevés de tension artérielle à domicile. C’est un travailleur canadien qui paie ses impôts et compte sur le système de santé universel du Canada. Il souffre de diabète, d’hypertension artérielle et d’hypercholestérolémie et prend des médicaments pour chacun. Il est timide pour dire à son médecin qu’il vient de perdre son emploi et l’assurance-médicaments qui l’accompagnait, de sorte qu’il ne peut plus payer ses médicaments. Pour faire durer ses médicaments plus longtemps, il avait commencé à couper ses pilules de moitié, à allonger le temps entre les doses et parfois à ne pas remplir une ordonnance en raison de son coût élevé. Il demande à son médecin : « Lequel de ces médicaments puis-je me passer ?

Bill n’est pas un vrai patient, mais nous, médecins, avons tous rencontré quelqu’un comme lui. Sa situation représente des milliers de patients à travers le pays. Un Canadien sur cinq n’a pas d’assurance médicaments ou n’a pas suffisamment d’assurance pour couvrir le coût des médicaments. Un sondage réalisé en 2020 a montré que 23 % des Canadiens ont décidé de ne pas remplir ou renouveler une ordonnance, ou ont pris des mesures pour prolonger leur approvisionnement, parce qu’ils n’avaient pas les moyens de prendre la dose prescrite.

Nous devons combler cette lacune flagrante dans les soins de santé publics en les élargissant pour inclure l’assurance-médicaments. J’espère que c’est sur le point d’arriver.

La semaine dernière, le premier ministre Justin Trudeau et le chef du NPD Jagmeet Singh ont annoncé un accord entre les libéraux et le NPD qui comprend la promesse d’offrir un régime national d’assurance-médicaments et de soins dentaires. Le gouvernement s’engage à adopter une Loi canadienne sur l’assurance-médicaments d’ici la fin de 2023 et chargera l’Agence nationale des médicaments d’élaborer un formulaire national des médicaments essentiels d’ici 2025.

Un programme national d’assurance-médicaments est non seulement équitable et moral, mais économique. Plusieurs études ont montré qu’investir dans un programme national d’assurance-médicaments permettrait en fait d’économiser de l’argent, citant jusqu’à 9,2 milliards de dollars épargnés des dépenses totales. Un régime national d’assurance-médicaments fournira également plus d’influence et de pouvoir de négociation pour réduire les prix des médicaments grâce à l’achat en gros pour tout le pays, un changement critique étant donné que les Canadiens paient actuellement certains des prix des médicaments les plus élevés au monde.

Ces estimations ne tiennent pas compte des économies réalisées grâce à une population en meilleure santé. Une population qui peut se permettre de prendre des médicaments et de rester en dehors de l’hôpital aura de meilleurs résultats en matière de santé, ce qui économisera les coûts des soins médicaux d’urgence ou complexes. Payer pour des médicaments qui traitent l’hypertension artérielle, le diabète et l’hypercholestérolémie sera moins cher que de traiter les crises cardiaques, les accidents vasculaires cérébraux ou l’insuffisance rénale.

Bien que la promesse renouvelée d’un programme national d’assurance-médicaments mérite d’être célébrée, nous demeurons prudemment optimistes jusqu’à ce qu’il soit mis en œuvre. Pendant des années, nous avons entendu parler d’un programme national d’assurance-médicaments, mais nous n’avons obtenu guère plus que des promesses de promesses.

Les médecins voient de première main les circonstances auxquelles de nombreux Canadiens sont confrontés et comment un programme national d’assurance-médicaments améliorera leur qualité de vie. Il est déchirant de regarder dans les yeux des patients qui passent entre les mailles du filet de notre système de soins de santé. Ils n’ont pas d’assurance maladie complémentaire privée fournie par leur employeur ou souscrite auprès d’un particulier. Ils n’ont pas les poches assez profondes. Ils ne sont pas admissibles à l’assurance-invalidité provinciale.

Grâce à l’assurance-médicaments universelle, nos patients n’auront plus à choisir entre mettre de la nourriture sur la table et prendre leurs médicaments. Ils n’auront pas à couper leurs pilules ou à décider d’un chèque de paie à l’autre quel problème de santé nécessite le plus d’attention. Les travailleurs ne seront pas « bloqués dans leur emploi », c’est-à-dire liés à leur lieu de travail par crainte de perdre l’assurance-médicaments pour leur famille. Un diagnostic qui change la vie nécessitant un traitement avec des médicaments coûteux ne plongera pas les familles dans la pauvreté médicale.

Tant que l’assurance-médicaments n’est pas en place, le Canada restera le seul pays à revenu élevé doté d’un système de soins de santé universel qui ne comprend pas de régime universel d’assurance-médicaments. Cela a été une pilule difficile à avaler pendant trop longtemps. Les soins de santé « universels » sont une caractéristique de l’identité du Canada, s’engageant à fournir des soins médicalement nécessaires en fonction des besoins et non de la capacité de payer. Ce même principe doit être appliqué aux médicaments sur ordonnance.

Dr. Jasmine Gite (@jasminegite) est résidente en médecine familiale à Hamilton. Dr Nili Kaplan-Myrth est médecin de famille à Ottawa (@nilikm). Ils sont tous deux membres du conseil d’administration de Canadian Doctors for Medicare (@CdnDrs4Medicare).

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