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Il y a quelques idées remarquables et terrifiantes apportées ici par Primo Levy :
La pression qu’un État totalitaire moderne peut exercer sur l’individu est effroyable. Ses armes sont essentiellement au nombre de trois : la propagande directe ou la propagande camouflée en éducation, instruction et culture populaire ; la barrière érigée contre le plurialisme de l’information ; et la terreur. Néanmoins, il n’est pas permis d’admettre que cette pression soit irrésistible, surtout dans le bref mandat de douze ans du Troisième Reich. (p.29). En l’an 3 du Trumpisme, Fox est définitivement utilisé comme propagande armée et divertissement et est clairement une barrière à la pluralité des points de vue et à la terreur de la séparation enfants-parents, l’absence d’état de droit, la corruption flagrante… signes inquiétants d’un avenir incertain.
Lorsque Dump a essayé de comparer les positions entre les suprémacistes blancs et les populations noires qu’ils avaient l’intention de terroriser à Charlottesville (bien qu’avec des lampes tiki), c’est un parallèle très proche de la façon dont les nazis ont terrorisé les Juifs (en fait, Goebbels et Hitler ont beaucoup emprunté à leur vocabulaire et techniques tout en les trouvant grossières), Levy nous rappelle « Je sais que j’étais une victime innocente et que je n’étais pas un meurtrier. » (p. 48) Les Juifs ont été emmenés uniquement parce qu’ils étaient juifs, pas pour une autre raison que ce soit, tout comme les gens de couleur sont vilipendés par l’extrême droite aux États-Unis.
Dans l’excellent chapitre The Grey Zone, Levy décortique le problème de la culpabilité des victimes en le qualifiant de « crime le plus démoniaque du national-socialisme » car pour survivre, les victimes d’Auschwitz ont été obligées de devenir amorales (voler du pain, résister à l’envie de aider les autres, et forcé dans le cas du Sonnerkommando à faire fonctionner les machines de mort). Cette institution représentait une tentative de transférer sur les autres – en particulier les victimes – le fardeau de la culpabilité, de sorte qu’ils étaient privés même du réconfort de l’innocence. (p. 53) Primo nous demande de faire une expérience de pensée et d’imaginer que nous sommes quelqu’un qui vécu pendant des mois ou des années dans un ghetto, tourmenté par la faim chronique, la fatigue, la promiscuité et l’humiliation ; cette [we have] vu mourir autour [us], un par un, [our] bien-aimé; cette [we are] coupé du monde, incapable de recevoir ou de transmettre des nouvelles; que, enfin, [we are] chargé dans un train, quatre-vingts ou cent personnes dans un wagon couvert ; cette [we travel] dans l’inconnu, aveuglément, pendant des jours et des nuits sans sommeil ; et cela [we are] enfin jeté à l’intérieur des murs d’un enfer indéchiffrable. (p. 59) Il est vraiment difficile d’effectuer cette expérience de pensée sans broncher sans les yeux humides si l’on est parfaitement honnête avec soi-même. Il clôt ce chapitre par un passage émouvant et vivant : Volontiers ou non nous acceptons le pouvoir, oubliant que nous sommes tous dans le ghetto, que le ghetto est muré, qu’à l’extérieur du ghetto règnent les seigneurs de la mort, et qu’à côté le train attend. (p.69)
Dans le chapitre suivant sur la Honte, il parle du suicide et des raisons pour lesquelles il était rare dans le Lager (le mot allemand pour les camps de concentration) à la page 76 :
(1) le suicide est l’acte de l’homme et non de l’animal et les prisonniers ont été réduits à l’état d’animaux sauvages et affamés
(2) quand on meurt, on est trop occupé pour penser à la mort. L’organisme ne se consacre qu’à la respiration (C’est en fait un tout à fait de l’excellent Italo Svevo Les Confessions de Zénon que Levi utilise.)
(3) il n’y avait pas lieu de se punir par le suicide à cause d’une culpabilité (vraie ou présumée) : on l’expiait déjà par sa souffrance quotidienne.
La triste coda de cette section est qu’il est probable que Levy se soit réellement suicidé en 1987, 41 ans après son retour à la maison après toutes les souffrances et moins d’un an après avoir publié cette analyse incroyablement lucide de son épreuve.
Outre cette honte induite chez les victimes, il interpelle également les honte plus vaste, la honte du monde… il y a ceux qui, face aux crimes des autres ou des leurs, tournent le dos pour ne pas le voir et ne pas s’en sentir touché. (p. 85). C’est précisément la même honte provenant du racisme que les suprémacistes blancs répriment lorsqu’ils essaient de proclamer que l’esclavage était meilleur que la vie en Afrique pour les afro-américains. Et, pour Levy, c’est une excuse médiocre et invalide pour l’inaction ou la participation active à des crimes.
Dans le chapitre sur la Communication, il détaille à quel point la langue était importante dans les camps et comment les prisonniers (et particulièrement les Juifs) qui n’étaient même pas appelés « hommes » mais plutôt « Häftlinge » ou prisonniers et comment la matraque en caoutchouc s’appelait der Bolmetcher, l’interprète : celui qui se fait comprendre de tout le monde. (p.92)
Au-delà du contexte spécifique de la Lager, il donne un autre exemple de la manière dont la modification de la communication s’opère au niveau de l’État :dans les pays et aux époques où la communication est entravée, bientôt toutes les autres libertés se fanent ; la discussion meurt par inanition, l’ignorance de l’opinion d’autrui se généralise, les opinions imposées triomphent. L’exemple bien connu en est la génétique folle prêchée en URSS par Lyssenko, qui en l’absence de discussion (ses opposants étaient exilés en Sibérie) a compromis les récoltes pendant vingt ans. (p.103). Il n’est pas nécessaire de trop réfléchir pour voir comment cela s’applique toujours au monde dans lequel nous vivons maintenant, où quiconque s’élève contre l’administration américaine actuelle est vilipendé sur Twitter et la base rouge ne fait que répéter des slogans vides de MAGA
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