Les chercheurs grincent des dents au terme « âge des ténèbres ». Dan Jones explique pourquoi.

POUVOIRS ET TRNES
Une nouvelle histoire du Moyen Âge

Par Dan Jones

Ceux qui écrivent sur l’histoire médiévale développent souvent une conscience aiguë que le récit est mieux raconté lorsqu’il est rendu accessible au lecteur moderne. Un historien habile du Moyen Âge doit trouver un moyen de compresser le dossier historique nébuleux en une histoire concise et convaincante qui soit à la fois pertinente et accessible. C’est un effort intimidant. Heureusement, Dan Jones est à la hauteur de la tâche.

Dans son dernier livre, « Powers and Thrones: A New History of the Middle Ages », Jones raconte les événements et les personnalités clés qui ont défini le millénaire s’étendant de la chute de l’Empire romain d’Occident à l’aube de l’ère moderne. Jones n’est pas étranger à cette période. Ses livres précédents étaient des histoires populaires qui exploraient, entre autres sujets, l’Angleterre Plantagenêt, la guerre des roses et les croisades. Mais maintenant, sa portée s’est élargie pour inclure l’intégralité du Moyen Âge.

Dans « Powers and Thrones », Jones présente une procession de rois, de clercs, de conquérants et d’artistes, produisant une histoire vivante qui se lit souvent comme un roman. Mais il enrichit son récit en équilibrant soigneusement le flux de personnalités avec des anecdotes historiques et des événements marquants.

Afin d’ancrer l’histoire diffuse du Moyen Âge, Jones se concentre sur les blocs de construction médiévaux qui ont atteint notre ère moderne comme un conservateur de musée façonnant et formant une exposition pour un large public. Il réduit sa collection apparemment interminable d’histoires, d’anecdotes, de digressions potentielles et de tangentes séduisantes à l’essentiel, soulignant les fils conducteurs de l’histoire.

Et ainsi Rome n’est pas seulement une puissance militaire ancienne et imposante ; c’est la source du droit romain, des langues romanes modernes et de la foi chrétienne qui finiront par dominer la société européenne. Les invasions germaniques de l’empire en ruine ne sont pas seulement l’œuvre d’une horde barbare ; ils sont le processus par lequel une grande partie du cadre politique de l’Europe occidentale est établie. La conquête musulmane du monde arabe n’est pas seulement un contrepoids à la propagation du christianisme en Europe ; c’est la source de nombreuses fractures religieuses qui affligent à la fois l’Est et l’Ouest à ce jour. Et l’arrivée des Vikings fait plus que présager le pillage des monastères et des coffres royaux ; il constitue le premier lien européen vers l’Amérique du Nord et façonne la future relation franco-anglaise à travers la création de la Normandie. Jones a beaucoup de terrain à couvrir, mais il a réussi à toucher tous les sujets majeurs. Au fur et à mesure que chaque pièce du puzzle est mise en place, le monde moderne apparaît progressivement.

Même ses notes de bas de page sont conçues pour relier l’histoire au monde contemporain. Des parallèles sont établis entre le rôle de l’identité régionale dans l’empire de Charlemagne et le divorce politique du Brexit. La portée extraterritoriale et le pouvoir des premiers monastères sont comparés à la portée transnationale d’Amazon et de Facebook. L’histoire du brillant érudit Peter Abélard est présentée comme l’un des premiers exemples d’« annulation de la culture » universitaire. Ce sont des notes destinées à engager le lecteur et à faire avancer les thèmes principaux du livre.

Bien qu’essentiellement chronologique, « Powers and Thrones » est organisé autour d’un certain nombre de thèmes majeurs qui ont façonné et défini l’époque. Jones traite chacun comme un sujet distinct, examinant son contexte et le plaçant dans un contexte plus large. En conséquence, le récit saute parfois. Par exemple, une discussion sur la chevalerie s’étend sur près de huit siècles, des fondations de l’institution à l’amour d’Henri VIII pour les joutes. Pour ceux qui préfèrent que leur histoire respecte une chronologie stricte, cette approche thématique peut parfois être frustrante. Mais cela permet à Jones d’explorer les questions qui ont défini le Moyen Âge et de démontrer comment chaque développement était une étape dans l’évolution de l’Europe. C’est une approche qui permet au lecteur de relier tous les points.

« Pouvoirs et trônes » nous rappelle également pourquoi les érudits modernes grincent des dents à toute référence au terme « Temps sombres. » L’idée que le début du Moyen Âge était une ère de barbarie et d’ignorance est réfutée par la vaste gamme de preuves du contraire de Jones. Il illustre la culture sophistiquée des tribus germaniques qui ont produit l’empire carolingien, l’héritage durable de l’Empire romain à Byzance et les contributions savantes des écrivains musulmans dans tout le bassin méditerranéen.

Certes, « Powers and Thrones » n’est pas sans limites. Le livre retrace beaucoup de terrain familier couvert par d’autres chercheurs, et le lecteur ne doit pas s’attendre à une plongée profonde dans l’histoire militaire, linguistique, littéraire ou juridique de la période. Mais, au final, « Powers and Thrones » fait ce que devrait faire une histoire générale du Moyen Âge. Il fournit au lecteur un cadre pour comprendre un sujet compliqué, et il raconte l’histoire d’une ère essentielle de l’histoire du monde avec compétence et style.

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